L'innovation thérapeutique entre droits du patient et contraintes économiques, par Pr Filali
L'innovation thérapeutique est souvent perçue comme une nécessité dans le domaine de la santé. Elle permet le développement de nouvelles méthodes de traitement, de médicaments et de technologies médicales, ce qui peut améliorer la qualité de vie des patients, traiter des maladies pour lesquelles il n'existait pas de traitement efficace auparavant et potentiellement sauver des vies. Dans de nombreux cas, l'innovation thérapeutique répond à des besoins médicaux non satisfaits et contribue à l'avancée de la médecine.
Cependant, il est important de noter que l'innovation thérapeutique peut également soulever des questions éthiques et économiques, notamment en ce qui concerne l'accès aux nouveaux traitements et leur coût. Certains peuvent considérer certaines formes d'innovation thérapeutique comme un luxe en raison de leur coût élevé, ce qui peut limiter l'accès à ces traitements pour certaines populations. Dans l'ensemble, l'innovation thérapeutique est un sujet complexe et nuancé qui suscite des débats dans le domaine de la santé et de la société en général.
L'accès aux thérapies innovantes et souvent coûteuses peut être considéré comme un droit légitime pour les patients dans plusieurs cas, notamment les maladies rares, où les traitements innovants peuvent être la seule option disponible ou offrir une meilleure qualité de vie. Ainsi, l'accès à ces thérapies est souvent considéré comme essentiel. Dans le cas de cancers avancés pour lesquels les traitements conventionnels ne sont plus efficaces, ou lors d’un échappement thérapeutique, l'accès à des thérapies ciblées ou à l'immunothérapie peut offrir des chances de survie accrues ou une prolongation de la survie des malades. Pareillement, les maladies chroniques débilitantes telles que la sclérose en plaques, où les nouvelles thérapies peuvent ralentir la progression de la maladie, retarder les rechutes et élargir les intervalles des poussées pouvant impacter favorablement sur l’amélioration de la qualité de vie du patient et des aidants ( famille ou autres ) ce qui rend l'accès à ces traitements cruciaux. Par ailleurs, lors d'épidémies ou de pandémie, l'accès à des traitements innovants tels que les vaccins peut être considéré comme un droit pour protéger les populations ce qui tente vers un intérêt majeur de santé publique.
Cependant, l'éthique de recevoir un traitement innovant à n'importe quel prix est un sujet complexe. Les décisions doivent prendre en compte la viabilité économique des systèmes de santé et l'équité d'accès aux soins. Dans certains cas, des systèmes de santés publiques ou privées peuvent faire des choix difficiles concernant le remboursement de traitements innovants en fonction de leur coût par rapport à leur valeur thérapeutique globale. Chose importante c’est que le coût à prendre en compte devrait être global incluant les autres prestations réduites ( liés à la sécurité, examens para clinique …)
L’idéal c’est de trouver un équilibre entre l'innovation médicale, les coûts associés et l'accès équitable aux traitements, tout en respectant les droits et la dignité des patients. Chaque cas doit être évalué individuellement en prenant en considération les besoins médicaux, éthiques et économiques spécifiques.
La question qui se pose est : Comment peut -on faire un équilibre entre le droit du patient à un traitement innovant et les contraintes budgétaires d’un organisme payeur ?
Je pense que la réponse à cette question nous oriente vers la proposition plusieurs approches qui peuvent être combinées et adaptables en fonction des situations. Comme sus cité, l’évaluation du Coût doit prendre en considération le coût globale de l'efficacité, de la sécurité, de l’amélioration des conditions de vie du patient, l'inclusion sociale … et parfois prise en considération la projection dans le temps. C’est d’ailleurs pour cela que ces évaluations doivent inclure une multitude de profils, bien évidemment qui doivent collaborer avec Les organismes payeurs et qui sont des experts médicaux, économiques, sociaux épidémiologiques, pour évaluer la valeur clinique apportée par le traitement par rapport à son coût mais également des représentants de patients ou de familles pour éclairer et partager leurs vécus.
Autrement, les organismes payeurs peuvent négocier avec les fabricants pour obtenir des prix abordables pour les traitements innovants. Des accords de partage des risques peuvent également être mis en place, où le paiement est lié à l'efficacité prouvée voire obtenue du traitement sur le patient en vie réelle. Cela peut se faire également dans un esprit de “Priorisation des Traitements” c'est-à-dire que Les organismes payeurs peuvent établir des priorités en fonction de la gravité de la maladie, de l'impact sur la qualité de vie et du besoin non satisfait. Les traitements pour des maladies graves et rares peuvent être priorisés par rapport à ceux pour des conditions moins sévères. Pour cela, toujours une concertation s avec les spécialistes du domaine est fortement souhaitée et l’Implication d'autres parties prenantes fabricants et concernés dans le processus décisionnel pour favoriser la transparence et garantir que les décisions sont équitables et bien informées.
En combinant ces approches, il est possible de trouver un équilibre entre le droit du patient à un traitement innovant et les contraintes budgétaires d'un organisme payeur, assurant ainsi un accès équitable aux traitements tout en préservant la viabilité et la pérennité financière du système de santé.
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Madame Houda Filali, MD, PhD, MBA, est professeure d'enseignement supérieur de pharmacologie clinique, Cheffe de laboratoire de pharmaco-toxicologie CHUIR-FMPC, Directrice adjointe du laboratoire de recherche scientifique et clinique de pathologies cancéreuses, CEDoc Sciences de la Santé, FMPC, UnivH2C. la Pr Filali est aussi Cheffe d'équipe de recherche "Pharmacologie des cancers", UH2C et responsable de la plateforme de recherche expérimentale, FMPC.
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