La Cour des comptes publie son rapport annuel 2022-2023

La Cour des comptes publie son rapport annuel 2022-2023

La Cour des comptes a mis en exergue dans son rapport annuel pour la période 2022-2023 les avancées du Maroc en matière de mise en œuvre des chantiers des grandes réformes dans divers secteurs, soulignant que des défis liés à la gouvernance, au financement et à la clarté de la vision restent encore à relever. La Maroc œuvre pour réussir la généralisation de la protection sociale, un chantier de réforme important et ambitieux s'inscrivant dans le cadre du renforcement des fondements de l’État social, lancé en 2020 par SM le Roi Mohammed VI, qui en a fixé les grandes lignes, les piliers et les délais d’exécution, souligne le rapport.

Pour la concrétisation de la vision royale et la mise en œuvre de ce chantier, un cadre de référence a été établi à travers la loi-cadre relative à la protection sociale (loi n° 09.21 du 23 mars 2021) qui a précisé le calendrier de déploiement des principaux objectifs, qui consistent en la généralisation de l’assurance maladie obligatoire, à fin 2022, et des allocations familiales en 2023 et 2024, l’élargissement de l’affiliation aux régimes de retraite et la généralisation des indemnités de perte d’emploi en 2025. L’atteinte des objectifs de ce chantier reste confrontée à certains risques, qui peuvent être considérés, en même temps, comme des facteurs clés de succès de la réforme.

Ces risques se manifestent, notamment, par la capacité d’intégrer toutes les personnes ciblées, d’assurer l’équilibre financier des régimes d’assurance maladie obligatoire, d’identifier précisément la population cible, ainsi que la capacité du secteur public à attirer une partie importante des demandes en prestations de soins, la mobilisation des capacités nécessaires pour la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), en plus d’une gouvernance fiable et efficace.

Compte tenu de ces risques et de ces défis, la Cour a recommandé la mise en place de mécanismes durables et appropriés pour financer les autres composantes de la protection sociale, ainsi qu’une révision de la gouvernance du système de protection sociale en général, et de la CNSS en particulier.

La Cour a réitéré, également, les recommandations émises dans son rapport annuel 2021, visant à instaurer des mécanismes de financement permettant d’assurer la pérennité et la durabilité de l’assurance maladie obligatoire, et permettre aux assurés de bénéficier d’un taux de couverture correct des coûts des prestations de soins, en plus du développement et de la mise à niveau des établissements de soins publics, afin d'assurer l'offre de soins et d'améliorer la qualité des services de santé dans ce secteur au niveau de l’ensemble des régions du Royaume.

En matière de réforme du système d'investissement, la Cour des comptes a fait état d'une amélioration considérable sur le plan du cadre stratégique, précisant que son parachèvement reste tributaire de l’adoption d’une stratégie nationale relative à l’investissement et la mise en place d’un mécanisme de suivi de son exécution.

S’agissant des systèmes de soutien à l’investissement, il est nécessaire de compléter le dispositif juridique y afférent, relève le rapport, ajoutant que pour ce qui est de l’amélioration du climat des affaires, qui revêt une grande importance pour le développement de l’investissement privé, en dépit de la clarté de ses objectifs stratégiques, ces derniers nécessitent plus d’adhésion des efforts pour leur mise en œuvre.

Eu égard à ce qui précède, la Cour des comptes a recommandé au gouvernement d’accélérer l’adoption d’une stratégie nationale de l’investissement afin de formaliser ses composantes qui sont en cours de déploiement par les différents acteurs impliqués, et d’institutionnaliser les efforts de coordination et de complémentarité avec les différentes parties prenantes, notamment le Ministère de l'investissement, de la convergence et de l'évaluation des politiques publiques et le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, ainsi que d’instaurer les mécanismes permettant d’améliorer la convergence et l’impact des interventions de l’Etat en la matière.

L'institution a également recommandé d'actualiser la loi relative à la réforme des Centres régionaux d'investissement et de créer des commissions régionales unifiées d'investissement aux évolutions stratégiques et institutionnelles, et lui permettre de superviser l’intégralité du processus d’investissement à toutes ses étapes et de contribuer à l’amélioration de son efficacité.

Sur un autre registre, la Cour des comptes a procédé, pour la deuxième année consécutive, à une revue des actions réalisées pour le la mise en œuvre de la réforme globale du secteur des établissements et entreprises publics (EEP), telle qu’elle a été tracée par le dispositif juridique qui la régit, en raison de l’impact positif attendu de cette réforme sur la dynamique économique et sur la soutenabilité des finances publiques. Concernant le portefeuille public cible de la réforme, la Cour a relevé l’absence de visibilité le concernant, ce qui est préjudiciable à la dynamique de sa restructuration. Ainsi, la Cour réitère ses deux recommandations émises dans son rapport annuel de 2021, pour accélérer leur mise en œuvre.

Celles-ci portent sur la détermination de la configuration projetée du portefeuille des EEP non marchands et la planification pluriannuelle des actions nécessaires pour y parvenir, ainsi que le parachèvement de la composition des conseils d’administration et des comités spécialisés de l'Agence nationale de gestion stratégique des participations de l'État (ANGSPE) et du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, conformément à la loi, et tenir régulièrement leurs réunions afin de leur permettre de remplir leurs fonctions d’orientation stratégique et de contrôle.

Le rapport a également recommandé d’amorcer le transfert par l’État, au profit de l’ANGSPE, de la propriété des participations qu’il détient dans les EEP qui relèvent de sa compétence, ainsi que d’accélérer la mise en œuvre de la restructuration du portefeuille des EEP à caractère marchand.

En outre, la Cour a recommandé d’accélérer l’élaboration et l’approbation des orientations stratégiques de la politique actionnariale de l’Etat, avant de poursuivre les travaux d’élaboration de cette politique, ainsi que d’achever les procédures de sélection des sociétés de gestion et de création des fonds sectoriels et thématiques du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.

Par ailleurs, le rapport s'arrête sur la réforme fiscale, qui a fait l’objet de la loi-cadre n°69-19 du 26 juillet 2021, et qui vise à asseoir, un système fiscal efficace, juste, équilibré et productif permettant de mobiliser le plein potentiel fiscal pour le financement des politiques publiques favorisant aussi bien le développement économique que l’inclusion et la cohésion sociales.

Le rapport indique également que "dans la cadre du projet de la loi des finances de 2024, le gouvernement a poursuivi la mise en œuvre de la réforme fiscale, objet de la loi cadre n°69.19, en adoptant de nouvelles dispositions se rapportant essentiellement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)", précisant que l’exonération de la TVA sans droit à déduction "n’est pas de nature à aider à l’atteinte de l’objectif de la neutralité de la TVA.

Ainsi, la Cour a souligné la nécessité de prendre en compte l'effet de ces changements annuels programmés sur les obligations des entreprises, appelant à réaliser une évaluation de l’impact attendu des modifications programmées en matière de TVA, sur les niveaux des prix et de communiquer au sujet de cette évaluation.

De plus, la Cour a réitéré ses recommandations relatives à la poursuite des efforts de la mise en œuvre de la réforme relative à l’Impôt sur le revenu (IR), tout en lui fixant des échéanciers à l’instar de l’Impôt sur les sociétés et de la TVA, et à l’activation de l’élaboration et de l’exécution d’une feuille de route pour la mise en œuvre de la réforme relative à la refonte de la fiscalité des collectivités territoriales et de la parafiscalité.

Au niveau de la Réforme des finances publiques, la Cour des comptes s’est focalisée sur quatre axes principaux relatifs à la certification des comptes de l’État, à la gestion axée sur la performance, à la dématérialisation des comptes et à la consécration du principe de la reddition des comptes.

En ce qui concerne la certification des comptes de l’État, l’atteinte de son objectif principal, à savoir le renforcement des principes de bonne gouvernance, de transparence et de responsabilité, exige la mise en œuvre d’une comptabilité générale exhaustive qui englobe toutes les opérations de l'État.

Ainsi, la Cour a préconisé l'adoption de mécanismes appropriés pour accompagner la préparation et recensement des comptes de l’État, la mise en place de mécanismes de coordination entre les parties prenantes impliquées dans leur élaboration, ainsi que l'adoption d'une stratégie pour conduire le changement lié au passage de la comptabilité basée sur les flux de trésorerie à la comptabilité générale basée sur la comptabilité d'exercice, ainsi que de renforcer les mécanismes de contrôle interne.

Par ailleurs, bien que le chantier de la digitalisation et de la production des comptes ait connu une progression notable au cours de la période 2018-2023, il reste encore confronté à certains défis, dont l’incapacité des systèmes d’information actuels à effectuer une dématérialisation complète de tous les documents, que ce soit lors de leur préparation ou de leur production et à couvrir les aspects de la gestion de manière exhaustive, souligne le rapport, ajoutant que les aspects de sécurité et de confidentialité des informations ainsi que la validité des fichiers électroniques sont également des défis importants à surmonter.

À ce titre, la Cour a appelé à améliorer les systèmes d'information et de renforcer leur interopérabilité pour faciliter l'échange de données, de mieux exploiter ces systèmes et de fournir un soutien aux comptables publics pour garantir le succès du processus de dématérialisation.

L'institution a aussi préconisé le développement des compétences des utilisateurs en vue d'atteindre une digitalisation globale, sécurisée et efficace des comptes publics. 

Commentaires