Crise russo-turque – Moscou accuse le clan Erdogan, puis menace Ankara
La Russie de Vladimir Poutine ne décolère pas depuis que la chasse turque a abattu un Sukhoï de son armée de l’air en début de semaine dernière. Alors elle attaque, en deux temps. D’abord, en accusant le clan du président turc Recep Tayyip Erdogan, c’est-à-dire sa famille, de commercer avec l’organisation terroriste dite « Etat islamique » et, ensuite, en menaçant de faire expier son agression à la Turquie.
Accusation de contrebande avec Daech
Et donc, le vice-ministre de la défense russe, Anatoli Antonov, a accusé mercredi 2 décembre « le président Erdogan et sa famille » de profiter de la contrebande de pétrole à laquelle se livre l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) en Syrie. « Le principal consommateur de ce pétrole volé à ses propriétaires légitimes, la Syrie et l'Irak, s'avère être la Turquie. La classe dirigeante politique, dont le président Erdogan et sa famille, est impliquée dans ce commerce illégal », a déclaré le responsable russe.
Pour appuyer son propos, Antonov a dévoilé des images satellites de files de camions-citernes, sans pour autant donner de détails sur la façon dont Erdogan serait lié à ce trafic. Mais il a mis en cause le gendre du président turc, Berat Albayrak, 37 ans, récemment nommé ministre de l'Energie après avoir longtemps dirigé le groupe énergétique Calik Holding, ainsi que l'un des fils de Erdogan, Bilal, qui possède le groupe BMZ spécialisé dans les travaux publics et le transport maritime.
Les États-Unis ont rapidement soutenu publiquement leur allié turc, en démentant fermement les accusations de Moscou. « Nous rejetons entièrement l'hypothèse selon laquelle le gouvernement turc est en cheville avec le groupe État islamique pour faire passer du pétrole de contrebande à sa frontière », a déclaré le porte-parole du département d'Etat Mark Toner.
Pour sa part, le président Erdogan a réagi en menaçant Moscou de représailles si ses responsables continuaient de faire circuler de pareilles « calomnies » puis, dans une sorte de réponse du berger à la bergère, a affirmé le 3 décembre qu'il détenait des « preuves » de l'implication de la Russie dans le trafic de pétrole du groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie, citant à l’appui le nom de l'homme d'affaires syrien George Haswani, « titulaire d'un passeport russe ».
Menaces russes
Alors le « Tsar » Poutine entre à son tour dans la danse, malgré ce qui a semblé représenter une détente mercredi, quand les deux pays ont accepté du bout des lèvres de faire rencontrer leurs responsables et après que Poutine ait refusé de rencontrer son homologue turc à Paris, en marge du Sommet de la COP21.
Le 3 décembre, lors de sa rencontre annuelle avec les parlementaires, le gouvernement et les gouverneurs des régions de Russie, le président russe s'est en effet montré aussi incisif qu’offensif à l'égard du gouvernement turc. La Russie « n'oubliera jamais » la destruction de son avion militaire et les Turcs, a-t-il asséné, ajoutant que les Turcs « vont regretter ce qu'ils ont fait ». Puis, dans une allusion relativement maladroite à la religion et au positionnement islamo-conservateur d’Erdogan et de son parti, Poutine a ajouté « ne pas comprendre pourquoi ils ont fait ça. Seul Allah le sait (…). Il semble qu’Allah ait décidé de punir la clique au pouvoir en Turquie en la privant de la raison et du bon sens ».
Puis, le ton et les mots passent à la menace… « Il ne faut pas attendre de nous une réaction nerveuse, hystérique, dangereuse pour nous et pour le monde entier. Nous n’allons pas brandir les armes. Mais si quelqu’un pense que pour un crime de guerre aussi lâche, le meurtre de nos concitoyens, ils en seront quittes avec des tomates ou des sanctions dans le secteur des travaux publics ou dans d’autres secteurs, ils se trompent lourdement. Ce n’est pas la dernière fois que nous leur rappellerons ce qu’ils ont fait, ni la dernière fois qu’ils vont regretter ce qu’ils ont fait », a menacé Poutine.
C’est assez inquiétant car le chef de l’Etat russe a habitué le monde à faire ce qu’il dit et à mettre ses menaces, toujours, à exécution…
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