Séisme électoral en Espagne, percée de Podemos, recul des grands partis, fin du bipartisme

Séisme électoral en Espagne, percée de Podemos, recul des grands partis, fin du bipartisme

Arrivé en tête, dimanche soir, avec un faible score qui le place loin de la majorité absolue, le Parti populaire (droite) de Mariano Rajoy va avoir beaucoup de mal à former un nouveau gouvernement. Le Parti populaire (123 sièges, 28,72%) et le Parti socialiste ouvrier (90 sièges, 22%) ont à peine recueilli, à eux deux, la moitié des suffrages (50,72%), et Podemos (anti-austérité), mené par le jeune Pablo Iglesias, remporte 69 sièges avec 20,6% des voix. Les deux « grands » partis réalisent les plus mauvais scores de leur histoire récente.

Et donc, après 32 ans de bipartisme et de l’alternance au Palais de la Moncloa entre PP et PSOE, la formation de  gauche radicale issue du mouvement des Indignés fait une entrée remarquée au parlement. Et elle n’est pas la seule, puisque le parti centriste Ciudadanos, dirigé par Albert Rivera, a obtenu 40 sièges et 14% des suffrages.

Le nombre d'indécis avait atteint des records. Certains ont hésité jusqu’au dernier moment à accorder leur confiance à l'un des deux nouveaux partis. Podemos et Ciudadanos ont émergé à la faveur d'une crise sans précédent, qui a secoué non seulement l'économie mais aussi les institutions, ternies par la corruption touchant l'ensemble de l'establishment : partis traditionnels, grandes entreprises, syndicats, et même une fille du roi Juan Carlos.

Les deux partis traditionnellement au pouvoir paient le prix de l’usure du pouvoir et de la crise économique sans précédent qui a frappé l’Espagne et contraint ses dirigeants à prendre des mesures draconiennes dans un pays où 20% de la population active est au chômage et où 50% des jeunes en âge de travailler sont chômeurs.

Et maintenant ?

Avec 63 sièges de moins par rapport à 2011 et son pire score depuis 1993, le PP et Mariano Rajoy auront bien du mal à réunir une majorité pour gouverner. Ils ont vaincu certes, arrivés les premiers, mais le coup de semonce s’est transformé en coup de massue…  Le scénario de morcellement redouté par beaucoup s'est finalement produit. Les Espagnols ont voulu renouveler leur classe politique, mais ne sont pas allés assez loin pour changer radicalement la donne.

« Je vais essayer de former un gouvernement, un gouvernement stable, mais ce ne sera pas facile », a déclaré M. Rajoy dans un bref discours sans grand espoir ni enthousiasme débordant. Il sait sa tâche presque impossible. Lors de la première session d’investiture, attendue en février, il ne pourra pas obtenir la majorité absolue des voix, nécessaire pour approuver son gouvernement.

Dans la nouvelle configuration législative, le PP, avec Ciudadanos, n'aurait que 163 sièges, or la majorité est à 176. Et un bloc PSOE-Podemos n'obtiendrait que 159 sièges. Une autre possibilité serait une alliance « tripartite » de Podemos et Ciudadanos avec les socialistes (199 sièges) pour imposer un « changement » au gouvernement, un scénario compliqué et laborieux.

Pablo Iglesias a déjà exigé des mesures d'urgence sociale, qui ne peuvent être retardées selon lui, passant par une réforme constitutionnelle garantissant l'inaliénabilité du droit au logement, à la Santé et à l'Education notamment. Albert Rivera  a lui insisté sur la centralité de sa formation, la seule capable de dialoguer avec les extrêmes.

Bien que le système politique espagnol ne fixe pas de date butoir pour la formation d’un gouvernement, si une majorité ne se dégage pas  dans les semaines qui viennent, l’Espagne irait très certainement vers de nouvelles élections, probablement avant le début de l’été. La crise politique point à l’horizon.

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