Blocage des applications de VoIP, une décision anachronique de l’ANRT
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- 09 janvier 2016 --
- Business
Cette semaine, les utilisateurs de WhatsApp, Viber et Skype ont constaté qu'ils ne pouvaient plus effectuer d'appels depuis leurs mobiles à travers ces applications. Les responsables ? Les trois opérateurs téléphoniques Maroc Telecom, Meditel et Inwi. Le public a directement et très rapidement épinglé ces trois entreprises. Mais la vérité est ailleurs...
Les usagers ne peuvent donc plus passer leurs appels gratuits sur Whatsapp, Viber et surtout Skype quand ils sont connectés par 3G ou 4G ; seul le wifi continuait de fonctionner en fin de semaine, mais temporairement... Il y a deux ans déjà, lorsque Viber et Skype avaient été bloqués par Maroc Telecom, l’Agence nationale de régulation des télécommunications (ANRT) avait répondu que le blocage de ces protocoles était légitime de la part des opérateurs télécom, et surtout légal. Ces applications doivent disposer d’une licence pour la commercialisation et l’exploitation de la téléphonie sur IP. Mais les connexions avaient été rétablies.
Suite à la violente levée de boucliers et à la multiplication des attaques, des critiques et des pétitions, la semaine dernière, le régulateur a été obligé de sortir de son mutisme. Il a donc apporté sa « vérité », après que le président de Maroc Telecom Abdeslam Ahizoune l’ait directement impliqué dans la décision en lui imputant la décision d’interdiction, puis de blocage... Que dit alors l’ANRT ? Elle renvoie vers l’article 1 de la décision ANRT/DG/N° 04-04 relative au statut de la téléphonie sur IP, qui dispose que l’exploitation commerciale pour le public du service de téléphonie sur IP ainsi que le transport pour tiers du trafic ne peuvent se faire que par opérateurs télécoms détenteurs d’une licence.
Il faudrait donc une licence pour exploiter ces applications. Soit, mais il aurait fallu le dire avant que les gens n’en fassent un mode de vie et de communication, tant professionnelle que personnelle et familiale...
Les raisons du blocage sont multiples, mais deux sont revenues avec insistance sur l’interdiction de la VoIP (Voice over Internet Protocol) : l’âpreté au gain, partant du principe que ces appels gratuits nuisent au chiffre d’affaires des opérateurs, et la sécurité. Pour la première raison, cela n’est pas prouvé car, ailleurs dans le monde, les entreprises de téléphonie cherchent, et trouvent, d’autres sources de revenus en améliorant leurs propositions et solutions et en proposant des services payants. Pour la sécurité, une source autorisée au sein de la Direction de la police nationale se lave les mains d’une telle décision ; « Nous avons nos moyens pour assurer la sécurité du pays », dit en off cette source.
Mais l’ANRT, dans son communiqué de réaction, agit comme dans un autre âge : « La presse s’est fait l’écho ces derniers jours de l’interruption des services gratuits de téléphonie sur IP offerts par certaines applications disponibles sur internet. L’ANRT tient à apporter les précisions suivantes : L’établissement et l’exploitation de réseaux publics de télécommunications ainsi que la fourniture des services de téléphonie au public sont soumis au régime des licences (...), l’acheminement de tout trafic téléphonique à destination du client final ne peut être assuré que par des exploitants de réseaux publics de télécommunications, dans des conditions fixées par des cahiers des charges des licences dont ils sont attributaires, (...). Il en ressort que les dispositions réglementaires régissant la fourniture de services téléphoniques (VoIP ou autres) sont clairs et lesdits services ne peuvent être fournis que par des exploitants détenteurs de licences e télécommunications. Il est à rappeler que tout fournisseur de services de communications au public est tenu de se conformer aux obligations législatives et réglementaires régissant le secteur des télécommunications et aux dispositions des cahiers des charges »...
Tout cela est certainement juste, mais trop de juridisme tue le juridique et de telles décisions et réglementations, pour être légales, n’en sont pas moins anachroniques, et doivent être changées. La pression exercée par les usagers l’imposera, si l’ANRT ne le comprend pas d’elle-même.
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