« Racisme en France », Benzema, Debbouze, Ramadan et les autres…

« Racisme en France », Benzema, Debbouze, Ramadan et les autres…

L’attaquant du Real Madrid Karim Benzemaa lancé, on le sait, une phrase sans trop réfléchir, pour commenter sa non-qualification en équipe de France. En affirmant que le sélectionneur Didier Deschamps « a cédé aux pressions d’une partie raciste de la France », Karim Benzema ne savait pas qu’il avait mis le doigt sur un sujet très sensible. La polémique enfle dans une France encore meurtrie par les attentats, sous état d’urgence, à une semaine de l’euro et un an d’une possible percée du Front national à la présidentielle.

Debbouze et Cantona

Le comédien et humoriste Jamel Debbouze a cru intelligent de dire que puisque Hatem Ben Arfa n’a pas été sélectionné non plus, lui et Benzema « payent la situation sociale de la France d’aujourd’hui », une remarque qui lui valu une sèche remontrance du député socialiste Malek Boutih : « C’est une sortie irresponsable, et ajouter de la tension par ces insinuations, c’est du poison. Jamel Debbouze nourrit ces préjugés et c’est d’autant plus regrettable qu’il a un très grand impact en banlieue, bien plus qu’Eric Cantona ». Boutih est ancien président de SOS Racisme et algérien d’origine, ce qui donne quelque fondement à son propos.

Ledit Cantona, connu pour ses sorties hachurées et « révolutionnaires », est un peu à l’origine de cette polémique dont la France n’avait pas besoin dans la conjoncture sportive, sociale et politique actuelle. Il avait en effet suggéré le 26 mai que si Deschamps avait écarté Ben Arfa et Benzema, c’est en raison de leur origine maghrébine. L’ancienne star de Manchester United avait ajouté que « depuis les attentats du 13 novembre à Paris, (130 morts), e regard que l’on porte sur la communauté maghrébine a changé ».

Le président du club de Toulon, Mourad Boudjellal, a estimé, quant à lui que Benzema « n’a pas mesuré la dangerosité de ses propos parce que, s’il souhaite devenir un fonds de commerce des recruteurs de Daech, il ne fallait pas s’y prendre autrement ! ».

Tariq Ramadan s’invite dans la polémique

L’islamologue suisse Tariq Ramadan, égal à lui-même, a réagi en disant que : « L’absence de Benzema en équipe de France n’est pas du racisme, mais il y a quand même une situation, , il y a quand même un fait, quelque chose qui lui est reproché. Il faut poser la question du racisme en France ». Quand on connaît l’influence du petit-fils du fondateur des Frères musulmans Hassan al-Banna sur une partie de la population musulmane de France et d’ailleurs (Maroc compris), on prend la mesure des dégâts que ses propos pourraient créer.

Les politiques

… et les politiques ne sont pas en reste... Le ministre des Sports Thierry Baillard a condamné la phrase de Benzema, l’ancien premier ministre François Fillon aussi, et même l’ancien président Nicolas Sarkozy. Inadmissible, inacceptable, intolérable, sont les termes qui reviennent dans leur bouche. Le chef du parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a, lui, affirmé « ne pas penser que la France soit raciste. La France est de toutes les couleurs, toutes les religions, tous les genres, et c’est comme ça qu’on l’aime, la France ». Nous aussi.

Pour le champion du monde 1998 Lilian Thuram, de tous les combats contre les discriminations et pour l’intégration, « Benzema se déresponsabilise. S’il n’est pas sélectionné, c’est parce qu’il y a l’affaire Valbuena », explique-t-il, en référence au chantage subi par l’autre joueur de l’équipe de France, soumis à un chantage pour une sextape, et dans lequel Benzema a été impliqué, gardé à vue pendant plusieurs heures.

Que faut-il tirer comme conclusion ?

Que la France, en effet, aujourd’hui un problème avec ses citoyens musulmans et/ou d’origine maghrébine, et que cela a été exacerbé par les différents discours sécuritaires, tant à droite qu’à gauche d’ailleurs, mais surtout au niveau de l’extrême-droite. Mais la France a besoin de temps pour dépasser cette situation d’incompréhension entre ses citoyens, des musulmans qui ne s’intègrent pas tout à fait et les autres qui ne savent pas comment bien et vraiment les « assimiler ».

Mais des propos tels que ceux de Benzema, Debbouze ou Cantona ne feront que jeter de l’huile sur le feu déjà puissant de la tension sociale. Et, comme le dit le Figaro, « dans l'ombre, se cacherait le véritable coupable, Alain Finkielkraut, dont une partie de la jeunesse pourrait suspecter qu'il a tenu le stylo de Didier Deschamps au moment de dresser la liste des joueurs sélectionnés pour le championnat d'Europe de football ! ».

La France n’a pas vraiment besoin de cela. Et ne le mérite pas non plus, elle qui accueille plusieurs millions de Maghrébins et de musulmans.

Aziz Boucetta

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