Le Japon surveille sa (très modeste) population musulmane
- --
- 02 juillet 2016 --
- International
Ils sont estimés à 170.000 musulmans à vivre au Japon (sur 130 millions d’individus), dont une centaine de milliers d’origine étrangère. L’Etat les a placés sous surveillance, selon les révélations d’un réseau appelé métaphoriquement le « sushileak », et fondé sur le fichage ethno-religieux de 72.000 résidents ressortissants des pays membres de l’Organisation de la conférence islamique (dont 1.600 étudiants). La justice nippone a validé cette procédure de fichage et de surveillance.
En effet, à la suite des révélations sur le sushileak, 17 musulmans nippons (pour la plupart, des immigrés d’origine nord-africaine et moyen-orientale) ont décidé d’attaquer l’Etat japonais devant la justice pour violation de leurs droits et libertés fondamentales. En cause, la nature des informations personnelles inclues dans les fichiers : le nom de chaque individu, sa description physique, les relations personnelles entretenues et la mosquée fréquentée, ainsi qu'une section intitulée «soupçons».
Jusque-là, le Japon qui n’a pas de passé colonial en terre d’islam, n’entretenait comme relation avec le monde islamique que son apport d’un mot : « kamikaze », un terme qui énerve d’ailleurs les Japonais car leurs kamikazes étaient des soldats qui avaient accepté de donner leur vie pour leur pays en conduisant leurs avions sur les bateaux américains lors de la Seconde Guerre mondiale. Les Japonais d’aujourd’hui voient et vivent très mal l’identification de leurs héros morts aux criminels terroristes qui se font exploser un peu partout.
Et donc, après des années de débats et deux procès en appel, la Cour suprême a fini par rendre sa décision il y a un mois. Si les juges nippons ont ordonné à l’Etat de verser 90 millions de yens (presque 800 000 euros) aux plaignants en dédommagement de la violation de leur vie privée, la plus haute magistrature du pays a surtout conclu que ces mesures de surveillance étaient à la fois « nécessaires et inévitables » pour faire face à la menace terroriste.
Pourquoi ? La Cour suprême a expliqué son arrêt par le besoin de se prémunir contre la menace du terrorisme international, un an et demi après l'exécution d'un journaliste nippon par Daech, en février 2015, qui avait soulevé une grande émotion dans l'archipel. Un fonctionnaire de l'Agence nationale de la police japonaise avait par ailleurs déjà déclaré à la presse qu'il confirmait la confidentialité de ces opérations de surveillance. « Les détails des activités de collecte d'informations pour prévenir le terrorisme ne pourront pas être divulgués », ajoutant que « la police a recueilli des informations conformément à la loi ».
L’un des musulmans japonais qui a esté en justice contre son Etat, Mohamed Fujita, a considéré que la décision de la Cour suprême ne fait finalement que remettre en cause l'indépendance du système judiciaire japonais par rapport au gouvernement.
Commentaires