Michel Rocard est mort
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- 03 juillet 2016 --
- International
Il était l’une des icônes de la politique française de ces 50 dernières années. Michel Rocard est mort le 2 juillet à l’âge de 85 ans. Maire, député, sénateur, ministre et Premier ministre de Mitterrand, il était l’une des figures incontournables de la gauche française. La classe politique française, dans son ensemble, lui a rendu hommage.
Il avait été en conflit avec un père impérieux, grand savant, grand résistant et l’un des pères de la bombe atomique français, et il avait refusé la carrière scientifique qu’on lui destinait pour entrer à Sciences-Po puis à l’ENA. Plus tard, militant du PSU (Parti socialiste unifié), il émerge en 1966 au colloque de Grenoble, qui jette les bases d’une gauche morale et réformiste dans la lignée de Pierre Mendès France. Le grand public le découvre en 1969 quand il est candidat du PSU à l’élection présidentielle, réalisant un score très honorable pour son jeune âge.
Le PSU continue pourtant son existence groupusculaire. Au congrès d’Epinay de juin 1971, lorsque François Mitterrand lance le PS dans l’aventure de l’union de la gauche, Rocard ne comprend pas l’importance de cette nouvelle stratégie. Il perd son mandat de député et attend 1974 pour soutenir la candidature de Mitterrand à la présidentielle et rejoindre le PS.
Il fut cependant un homme politique paradoxal et compliqué. Longtemps l’homme politique le plus populaire de France, il était spontané voire impulsif, sincère voire naïf, maladroit mais volontiers calculateur ; apôtre d’un « parler vrai » parfois dévastateur, mais capable de manier sans broncher la langue « de madrier », selon l’expression d’un de ses anciens conseillers. Il a aimé être maire d'une commune de banlieue parisienne, Conflans-Sainte-Honorine, « la plus belle fonction politique » (de 1977 à 1994), s'est plu au ministère de l'Agriculture (1983-1985), mais a détesté l'Hôtel Matignon : en partant, « j'ai quitté ma femme. Peut-être aurais-je divorcé sans Matignon, mais cela a accéléré les choses, sans aucun doute ».
Affable, courtois, inépuisable réservoir d’idées et de réformes, il était toujours là, en embuscade, pour proposer, débattre, pionnier d’une social-démocratie à la française, rival historique et éternel de François Mitterrand qui, de guerre lasse, avait fini par le nommer à la Primature en 1988, au lendemain de sa réélection en 1988 contre Jacques Chirac.
Il avait eu alors à gérer le froid survenu dans les relations entre Paris et Rabat à la parution du brûlot de Gilles Perrault « Notre ami le roi ».Il avait dépêché son ministre des Affaires étrangères Roland Dumas à Rabat pour expliquer et s’expliquer avec Hassan II et il avait dissuadé Danielle Mitterrand de se rendre dans les camps de Tindouf pour ne pas envenimer encore plus les relations. De Bouabid, il avait dit à cette époque qu’il « refusait d’entraîner ses troupes dans une aventure révolutionnaire incertaine ».
En dépit de réussites, comme la paix en Nouvelle-Calédonie ou l'instauration d'un revenu minimum pour les personnes sans ressources, il est « viré » trois ans plus tard, selon son expression. Patron du PS en 1993, il abandonne vite la direction du parti et, après l'échec des européennes, renonce au statut de candidat « naturel » des socialistes à la présidentielle de 1995. Nouvel échec.
Les petites et grandes phrases de Michel Rocard
L’émigration. « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part. La France doit rester une terre d’asile politique… mais pas plus ».
La politique. « On se salit quand on touche au sale, même si les motifs sont propres » et « la politique est dégueulasse, parce que les hommes qui la font la rendent dégueulasse ».
François Mitterrand. « Dans le cas particulier des relations exécrables qui avaient toujours eu cours depuis vingt ans entre François Mitterrand et moi, il pouvait y avoir problème. Ce qui m’a surpris, c’est de tenir trois ans et cinq jours. Onze cents jours. Mitterrand m’avait nommé pour que je m’effondre ».
Les relations conjugales. « Sucer, c’est pas tromper ».
Le parti socialiste. « Le PS est malade, et on ne hurle pas dans une chambre d’hôpital ».
Le Brexit. « La présence de la Grande-Bretagne depuis 1972 dans l’Union européenne nous interdit d’avancer. Donc, je souhaite le Brexit. Mais il n’est pas sûr que nous sachions en profiter ».
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