Les avocats de Salah Abdeslam renoncent à sa défense, leur client étant devenu « dingue »
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- 12 octobre 2016 --
- International
On ne peut défendre quelqu’un qui ne parle pas, qui ne collabore plus, et surtout quand ce n’est pas de sa responsabilité, mais de celle des politiques… C’est en substance le message des deux avocats du Franco-marocain Salah Abdeslam, le Français Franck Breton et le Belge Sven Mary, qui ont informé les médias qu’ils renoncent à assurer la défense du seul survivant des attaques sur Paris le 13 novembre 2015.
« A partir du moment où pour les deux derniers interrogatoires, ainsi que le prochain prévu fin novembre, cet homme a choisi de se murer dans le silence, mon rôle cesse. Il n'a plus de sens », explique Franck Breton. Son confrère Sven Mary renchérit : « Nous ne pouvons simplement pas porter la parole d'un homme qui se tait. C'est une décision que nous avons mûri avec le temps. (…) Aujourd'hui, à partir du moment où le client refuse la stratégie de défense qui lui est proposée, il faut le quitter. C'est nous qui décidons ».
Et pourtant, au départ, les choses s’enclenchaient normalement, avec Salah Abdeslam qui répondait à certaines questions du juge anti-terroriste. Il satisfaisait ainsi à la condition émise par ses avocats, de dire la vérité et d’expliquer les raisons de son geste et, autant que possible, ceux des autres terroristes morts dans l’explosion de leurs bombes, ou abattus par les forces de l’ordre plus tard, comme Abderrahim Abaoud.
Me Breton affirme qu’Abdeslam « n'aura pas d'autre d'avocat. Il n'en a plus envie. (Il) abandonne. C'est comme un suicide, je le crains », ajoutant que « c’est le système carcéral bâti autour de lui qui l’a fait craquer », référence au système de vidéo-surveillance permanente placé dans sa cellule, pour éviter un suicide. Quant à Me Mary, il a une autre explication : « Il est arrêté le 18 mars dans le quartier de Molenbeek à Bruxelles. Le lendemain, il est auditionné par les policiers et le juge d'instruction. Et le soir même, alors que l'encre de ces procès-verbaux n'est pas encore sèche, le procureur de la République de Paris, François Molins, en lit le contenu à la télévision. La première réaction de Salah Abdeslam à ce moment-là, c'est donc de se dire que les dés sont pipés. Les racines de son mutisme sont là, pour moi ».
Et pourtant, le Conseil d'Etat, saisi par le détenu, avait estimé que « le caractère exceptionnel des faits terroristes pour lesquels il est poursuivi impliquait que toutes les précautions soient prises ».
Et donc, ce qui est mis en cause, selon les deux avocats, est la nature de l’incarcération d’Abdeslam, qui relève d’une décision politique plus que judiciaire et pénitentiaire. Les politiques se sont immiscés dans l’affaire, avec le peu de scrupules et le trop-plein de populisme qui les caractérise dans le monde entier. Pour Mes Breton et Mary, « sa surveillance 24h/24 et l’absence de contact physique avec les siens l’ont rendu dingue. Il ne reste plus à Abdeslam que son silence, car le reste, tout le reste, ne lui appartient plus. Il s’est mis sous la protection de Dieu, pour reprendre son expression ».
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