Les vérités approximatives de M. Mezouar sur la situation de la CGEM
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- 30 janvier 2019 --
- Business
« Personne n’a relevé, ou n’a pris la peine de vérifier ce qui s’est passé avant… aucun des conseils d’administration n’a respecté les statuts, sur la question du nombre des membres du conseils d’administration. Jamais ça n’a été relevé. Pourquoi ? ». Dans sa semaine médiatique, ponctuée d’une conférence de presse et d’un passage à Confidences de presse sur 2M, le pésident de la CGEM M. Salaheddine Mezouar, à l’image de l’Empire, contre-attaque, mais… avant de « tourner la page », comme il le suggère, il faut la lire attentivement. C’est ce que nous avons fait.
M. Mezouar explique ainsi que si des contre-vérités – à son sens – ont été dites sur la CGEM depuis son arrivée à sa présidence, c’est parce que l’élection du 22 mai a été caractérisée par une « vraie campagne », qui aurait laissé des traces… c’est aussi parce qu’il y avait toujours des candidats uniques, et qu’il n’était donc pas nécessaire de relever ce qui aurait dû l’être. Il sous-entend sans doute que les « mauvais perdants » ont remué les eaux troubles pour des desseins évidents. Il est vrai que personne n’a consulté les archives, ainsi que le regrette l’ancien ministre des Affaires étrangères
Alors nous, à Panorapost, nous avons « pris la peine » de chercher dans ce qui s’est passé avant… En principe, les tensions sont derrière, depuis le CA du 10 janvier et cette conférence de presse du 23 janvier, mais il se trouve que selon plusieurs membres de la CGEM, le président a aligné des contre-vérités sur la période ayant suivi son élection, éraflant à tort ses prédécesseurs, manipulant abondamment les « éléments de langage » utilisés en conférence de presse et à 2M, et rouvrant ici des plaies qu’il avait pensé avoir fermées là…
Mais comme la maison CGEM est désormais bien gardée, voire même verrouillée, il a fallu du temps pour obtenir des informations sur les approximations du président de la CGEM…
Conclusion : Soit c’est de l’ignorance de la part de M. Mezouar, ou du mensonge, ou simplement que lui-même « n’a pas pris la peine de vérifier ce qui s’est passé avant », ou, plus tragiquement, que les gens auxquels il aurait demandé de le faire ont péché, pour une ou des raisons qu’ils sont seuls à connaître.
Il est vrai que, comme le dit Salaheddine Mezouar, l’important est l’action à venir de la confédération, mais les faits « anecdotiques », comme il les a qualifiés, ont également leur importance car la question se pose de savoir comment mener une organisation tiraillée, avec des laissés pour compte et des règlements de compte ? Le président devra répondre à cette question fondamentale, s’il le souhaite bien évidemment…
Voici les faits :
1/ Le Conseil d'administration (CA)
1/ Comment se compose un CA ?
Dès l’élection du « ticket » présidentiel, un premier Conseil se réunit, avec les membres statutaires que sont les présidents de Régions et de Fédérations. Ce Conseil élit les présidents de commissions, dont l’effectif est décidé par le nouveau tandem, et décide d’une liste de membres désignés, qui sont aujourd’hui le tiers de l’effectif initial, après avoir été le quart, suite à un laborieux et long processus de changement des statuts en 2016.
Les membres désignés doivent constituer une parité parfaite, toujours selon les statuts.
2/ Evolution des CA :
Pour la période 2012-2015, le CA était composé de 84 membres, dont 19 désignés, avec autant d’hommes que de femmes. Deux étaient en dépassement, dont l’ancien vice-président général Mohamed Talal, sorti du ticket pour cause d’engagement politique et reçu par égard et par élégance au CA.
De 2015 à 2018, il y avait 93 membres, parmi lesquels 22 ont été nommés par la présidence, soit moins du tiers, et encore une fois dans le respect de la parité. L’augmentation de l’effectif général avait été décidé par le CA, et entériné par des Assemblées générales ordinaire et extraordinaire en 2016. Il s’agissait d’inclure des élus parlementaires de la CGEM, ainsi que l’exige l’article 23.3 des statuts 2016 de la vénérable confédération.
En juillet 2018, le CA élu se composait de 124 membres, soit 24 de plus que les règles ne le permettent. Pour sa réunion, ce CA pléthorique a dû se transporter dans une salle, celle lui étant dédiée s'étant révélée trop petite... L'effectif de 124 membres avait créé du remous au sein de la confédération et singulièrement fragilisé Salaheddine Mezouar. Interrogé alors par nos confrères de Medias24, le désormais président de la commission communication Mostafa Mellouk avait estimé que rien de grave, puisque « les membres en trop n’auront pas droit de vote, avant régularisation ultérieure ». Finalement, ils n’ont pas été régularisés, mais gentiment congédiés. Parmi eux, plusieurs n’ont pas apprécié. L’expression « fait du prince » souvent employée par M. Mezouar s’applique ici dans toute sa signification…
Le 10 janvier 2019, un nouveau CA se réunit et se met en règle avec les statuts. Au final, il sera composé de 99 membres, hors le binôme présidentiel. 26 membres désignés, avec une parité juste et parfaite.
En outre, et alors même que les statuts prévoient que les élus parlementaires figurent en cette qualité au sein du CA, on constate que ce n’est pas le cas. Ceux qui y sont membres le sont au collège des membres de droit, ès-qualité de patron de fédération (M. Abdelilah Hifdi), de région (M. Youssef Mouhyi) ou de commission (M. Abdelkrim Mehdi).
2/ L'"affaire Neïla Tazi"
En sciences, il et admis que quand un contre-exemple apparaît dans un raisonnement, c’est tout le raisonnement qui vacille. Et de fait, les vérités de M. Mezouar sont plus que vacillantes… Il y a même d’autres contre-vérités. Ainsi, pour l’affaire Neïla Tazi, rudement et un peu illégalement « larguée » (il n’y a pas d’autre expression) du Bureau de la Chambre des conseillers, le patron des patrons a dit, redit, insisté sur tous les tons et dans tous les aréopages qu’il n’avait reçu que deux candidatures parmi les 7 membres du groupe, mais pas celle de Mme Tazi. C’est faux et il le sait, comme il sait que beaucoup d’autres le savent aussi, à la CGEM même (dont son vice-président général Fayçal Mekouar, à gauche sur la photo, qui a occupé le même poste avec Miriem Bensalah Chaqroun, mais qui a choisi de ne rien dire), à la Chambre des conseillers, sur la scène politique, et dans les médias… Mais arrêtons-nous là pour cette question.
3/ "Le cas Rahhou"
Enfin, le cas de M. Rahhou, président du CIH, membre du CESE, et démissionnaire de la CGEM, est singulier. Le chef confédéral des patrons a dit tout le bien qu’il pense d’Ahmed Rahhou, il a vanté ses qualités, le qualifiant même d’ « ami ». Personne n’en doute, sauf qu’un ami ne part pas ainsi sans donner d’explications. Mais pour qui connaît le patron du CIH, il sait que l’homme ne dit jamais de mal de personne. Pourquoi s’est-il donc tu, ne disant rien à personne ? La réponse est dans la question, bien que M. Mezouar ait assez inélégamment qualifié le « cas Rahhou » de « non-sujet ». Le sujet appréciera…
Maintenant que ces précisions sont apportées, il appartient à M. Mezouar d’entamer sereinement son mandat, en se conformant si possible aux lois et aux règles, ainsi qu’il l’a martelé tout au long de ses passages médiatiques, mais aussi à une certaine morale qui commence par ne pas ranger le passé dans un placard, enfouir ses prédécesseurs dans un puits, et décréter l’an I de la vénérable septuagénaire Confédération. A la CGEM, selon plusieurs de ses membres, nul ne saurait s’accommoder de « faits du prince »…
Aziz Boucetta
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