(Billet 970) – Le remaniement gouvernemental, nécessaire mais impossible !

(Billet 970) – Le remaniement gouvernemental, nécessaire mais impossible !

Dans trois mois le gouvernement Akhannouch sera arrivé à mi-vie et traditionnellement, sauf problème grave, c’est à mi-vie qu’un gouvernement est remanié. Pour l’équipe actuelle, on parle de ce remaniement depuis plusieurs mois car les conditions pour ce mouvement sont réunies. Mais bien qu’elles le soient toujours, personne ne sait rien d’un éventuel remaniement du gouvernement Akhannouch, Aziz Akhannouch lui-même semble-t-il.

Pourquoi remanie-t-on en général un gouvernement ? Quand un besoin de changement se fait sentir, à cause du temps et de l’usure qui va avec, quand la majorité connaît plusieurs défaites électorales partielles (ce n’est pas le cas), ou lorsque le gouvernement et/ou son chef est fortement critiqué dans et par l’opinion publique. Le but d’un remaniement est de redonner du souffle à l’équipe entière et d’envoyer un message dans ce sens.

Fort bien, alors que se passe-t-il avec ce gouvernement, près de deux ans et demi après sa formation ? L’équipe travaille à deux vitesses, avec les ministres régaliens d’une part, qui font leur travail, qui communiquent peu, qui ne dépendent pas forcément ni vraiment du chef du gouvernement. Ces ministres étaient là avant la formation du gouvernement Akhannouch et ils lui survivront. Il y a d’autre part les ministres dits politiques, même si la coloration de plusieurs d’entre eux aux couleurs de leurs partis actuels ne convainc personne ; ils sont peu sûrs d’eux, peu assurés de leur action et encore moins rassurés sur leur sort.

Et, fait très important, la popularité, ou l’impopularité du chef du gouvernement... Il n’existe pas vraiment de sondages dans le royaume, mais les réseaux sociaux, les manifestations et les discussions de salons, de cafés, de soirées, de partout vont dans le sens d’une impopularité du chef du gouvernement. Oh, le titulaire de cette fonction est rarement populaire, mais au Maroc, aujourd’hui, nous sommes entrés dans une zone de turbulences, où le gouvernement est parfaitement légal mais de moins en moins légitime.

Et c’est la fameuse, et désormais enterrée, réforme de l’éducation nationale qui a sonné le glas de ce gouvernement, du moins dans sa mouture actuelle. Promettre une augmentation de salaires de 1.500 DH à tous les enseignants est assurément une bien belle chose pour lesdits mais cela donne des ailes aux autres. Et les autres, ce sont les agents des collectivités locales, en grève, ceux du secteur de la santé, qui avaient exprimé leur mauvaise humeur et qui ont été entendus… en attendant d’autres secteurs, d’autres grèves, d’autres revendications salariales ou financières.

A côté de cela, le patronat est plutôt mécontent de cette loi de finances 2024, essentiellement pour cette étrange idée de solidarité des dirigeants en matière de paiement de la TVA. La famille de l’industrie pharmaceutique est aussi irritée contre les nouvelles dispositions de la TVA qui bouscule un peu les règles de concurrence et surtout de compétitivité des entreprises. Les auto-entrepreneurs, bientôt n’auront plus envie de rien entreprendre, et les professionnels du transport ne sont pas non plus très heureux, en raison bien évidemment d’un prix de carburants que rien ne justifie, puisque les cours internationaux ont reculé à leur niveau d’avant-guerre d’Ukraine…Et on en passe !

A y réfléchir, on serait tenté de penser que tous ces mouvements d’humeur sont ou seraient la suite et la conséquence logiques de l’après-Covid et de la cherté de la vie depuis au moins un an. Ajouté à ce malaise social un extraordinaire mutisme du chef du gouvernement, singulièrement atteint par la décision du Conseil de la concurrence sur les ententes entre pétroliers et aussi par les commentaires de plus en plus acerbes sur sa gestion de la rareté hydrique durant ses 14 années à la tête du ministère de l’Agriculture, confié depuis 2021 à un de ses proches, son ancien secrétaire général au ministère.

C’est donc le moment idéal pour procéder à un remaniement gouvernemental, en espérant qu’il puisse servir à atténuer les colères, les mécontentements, les déceptions et les crispations. Or, comment et avec qui effectuer un tel remaniement quand on sait que deux des partis de la majorité sont affaiblis ? L’Istiqlal pour non tenue de son congrès et pour dissensions internes pérennes, et le PAM qui prépare, lui, son congrès, mais qui est très sérieusement écorné, voire abîmé, par l’arrestation en attente de jugement de deux de ses hauts responsables, par un bureau politique formé au forceps deux ans après le congrès, et par des luttes de clans et de coulisses pour le remplacement éventuel du secrétaire général-ministre Abdellatif Ouahbi.

Qu’attend donc Aziz Akhannouch pour annoncer le remaniement de son gouvernement ou, à défaut, pour exposer les raisons pour lesquelles il n’y procède pas ? Il est absolument important que le chef du gouvernement donne des explications sur sa politique et sur l’état des finances publiques, désormais en zone rouge du fait de l’explosion de la masse salariale publique. A défaut d’une prise de parole, nous ne serions plus dans une non-communication mais bel et bien dans une forme de mépris de l’opinion publique et de l’électorat, qui s’était pourtant déplacé en masse vers les urnes un certain 8 septembre 2021…

Aziz Boucetta

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