(Billet 973) – Le PAM, ce tracteur qui s’enlise

(Billet 973) – Le PAM, ce tracteur qui s’enlise

Avec l’Istiqlal, grand parti historique mais parti en délicatesse juridique pour non tenue de congrès, la majorité RNI qui « gouverne » le royaume s’appuie sur le PAM. Problème, car ledit PAM ne s’appuie sur aucun fondement moral, politique ou historique connu. Le congrès est prévu pour dans moins d’un mois et rien n’est sûr quant à ce qui va se produire lors de cette grand-messe. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que ce congrès sera un non-événement. 

Prolégomènes. Nous sommes à la fin des années 2000, les partis politiques plongent doucement vers de sombres inconnus et la mouvance islamique, islamiste ou islamisante prend des couleurs et de l’embonpoint. Le gouvernement d’alors est tenu par un Istiqlal trop heureux d’être là pour faire plus et Abbas el Fassi, premier ministre, atteint des sommets d’impopularité et n’en a cure. Le printemps arabe et sa déclinaison marocaine le 20 février étaient à nos portes mais nous ne le savions pas encore.

En 2008, Fouad Ali el Himma est désormais ancien ministre délégué à l’Intérieur, député et animé de l’intention de créer quelque chose qui se dresserait face au PJD en pleine ascendance avec l’extraordinaire force oratoire d’Abdelilah Benkirane. Le MTD, ou Mouvement pour tous les démocrates, naît alors en janvier 2008, fait de bric et de broc, de dignitaires RNI (MM. Akhannouch et Talbi Alami qui, semble-t-il se cherchaient ou cherchaient mieux), d’anciens gauchistes et d’anciens prisonniers politiques (ce qui revient au même). Huit mois plus tard, en 2008, après avoir juré que l’intention du MTD n’était pas de créer un parti politique, un parti politique est créé, le PAM, AM pour authenticité et modernité, le nom du groupe parlementaire de M. el Himma.

Direction et idéologie. De 2008 à 2020, en 12 ans, 7 secrétaires généraux se sont succédés, intérimaire compris ; cela fait beaucoup pour un parti ratissant large et laboure le champ politique, comme le Tracteur qui est son symbole. Comment fait-on pour faire converger autant de profils que ceux qu’affiche le MTD au sein d’un seul et même parti ? Les mobiliser autour de leur plus petit dénominateur commun, à savoir le rejet de la mouvance islamiste, qu’elle soit parti, comme le PJD, ou nébuleuse, comme al Adl wal Ihsane. L’anti-islamisme est donc devenu la marque de fabrique et le cri de guerre du PAM, qui devient donc le seul parti à exister dans, pour et par la négation d’un autre, sans autre posture idéologique que le slogan « authenticité et modernité » et sans autre perspective que d’en découdre avec le PJD..

Activité. Vivre pour les élections et survivre entre deux élections, telle est la philosophie du PAM, du moins jusqu’en 2016, quand il était dirigé par des gens discrets, peu bavards et très surpris de s’être retrouvés là. Puis, à partir de 2016, les tonitruants arrivent, en les personnes de MM. Omari, Benchamach et Ouahbi. En guise d’activité, des disputes internes, et au lieu d’une unité dans les rangs, des dissensions, des ambitions, beaucoup de compromissions et quelques arrestations. Ainsi est l’ordinaire du PAM, dont l’actuel secrétaire général est également ministre de la Justice, en compagnie d’autres ministres, estampillés PAM, mais pour la forme bien évidemment…

En décembre dernier, la justice interpelle et place en détention préventive deux membres éminents du PAM, très éminents même. Les observateurs de la scène politique nationale esquissent un sourire entendu mais le PAM gronde… dans un communiqué, le parti menace ceux qui lancent des « compagnes diffamatoires » (sic) contre lui. Pas besoin !

Perspectives. Un congrès se réunit en février prochain, le 5ème en douze ans d’activité. Il faut garder à l’esprit qu’un congrès du PAM n’a d’autre objectif que d’élire son secrétaire général ; d’idées, point, de stratégie, rien et de « synthèse », encore moins. Abdellatif Ouahbi a laissé entendre qu’il ne rempilerait pas, ce qui serait, quand même, surprenant… mais dans le cas où il tiendrait sa promesse et qu'il n'ait pas de contre-ordre (ce qui pourrait arriver), trois candidats sont en lice pour lui succéder : la maire-ministre Fatima Zohra Mansouri, qu’on gratifie généreusement du surnom « dame de fer », car ça fait bien et sérieux, l’ultra-actif ministre Mehdi Bensaïd, un politique tout-terrain, ce qui est bien utile quand on est sur un tracteur, jeune ancien du parti, dont il connaît les rouages et les engrenages et, dit-on, Younes Sekkouri, ministre aux dents longues, membre de longue date du PAM, adepte de la langue de bois taillée à la tronçonneuse et qui aujourd’hui se verrait bien à sa tête, une candidature floue qui fait pouffer bien des caciques du parti.

Le problème du PAM est qu’il n’est connu qu’à travers ses membres dirigeants et ses scandales. Sa faiblesse congénitale est qu’il n’a pas été créé pour appliquer un programme fondé sur une idéologie mais qu’il est né autour du seul programme consistant à défaire une autre idéologie, celle du PJD. Le PJD étant aujourd’hui quasiment carbonisé, le PAM en pâtit car il n’a plus vraiment de raison d’être.

Si Abdellatif Ouahbi ne se présente pas à sa propre succession, ce qui est possible mais demeurerait inédit, le secrétariat général sera disputé entre Mme Mansouri et M. Bensaïd. La première est maire sans relief de Marrakech et ministre sans aspérité de l’Habitat, mais elle a pour elle l’atout d’être femme ; la « Dame de fer » doit encore montrer un savoir-faire. Le second est très politique et tout aussi expérimenté ; il a imprimé sa marque à la culture, soutenu le secteur des médias et imprimé sa marque à la jeunesse, mais sa propre jeunesse pourrait le desservir au sein d’une classe politique quinqua ou sexagénaire qui se méfie encore des jeunes.

En définitive, en février se tiendra le congrès de ce parti de gouvernement, mais un congrès sans enjeux véritables pour la bonne marche politique du pays. Le mieux serait semble-t-il de reconduire Abdellatif Ouahbi qui, en dépit de ses gaffes diverses et de ses provocations multiples, reste un orateur hors-pair et un progressiste convaincu. Même s’il souffre de l’absence d’un véritable appareil politique, partisan, pour le soutenir.

Mais dans tous les cas de figure, ce congrès sera un non-événement. 

Aziz Boucetta

 

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