(Billet 993) – L’ONU, ce « machin » qui ne réglera jamais la question du Sahara marocain
S’il est deux choses que cette guerre à Gaza aura révélées, c’est bien d’abord l’inutilité de l’ONU que Charles de Gaulle appelait avec raison « machin » et ensuite la profonde hypocrisie diplomatique (pléonasme ?) des Cinq permanents quand ils s’en remettent à l’ONU pour notre affaire nationale du Sahara. Il serait même tentant de s’interroger sur le bien-fondé de continuer de croire à une quelconque avancée onusienne pour les provinces Sud du royaume.
L'ONU est en réalité le relais des intérêts des États les plus puissants, et leur sert en outre et entre autres à affaiblir en les maintenant sous emprise les autres Etats de la planète. Les influences croisées des permanents, une officieuse répartition des tâches entre eux et, bien évidemment, le droit de veto, donnent tous pouvoirs à ces permanents pour lancer une guerre, unilatéralement au besoin puisqu’ils en ont les moyens, mais pas pour la faire cesser. Depuis sa création, l’ONU n’a pu arrêter par la seule force de ses résolutions aucun conflit dans lequel était engagé un permanent.
Aujourd’hui, trois des cinq permanents soutiennent un carnage qui se poursuit chaque jour un peu plus à Gaza, non seulement au vu et au su de Washington, Londres et Paris mais avec leur complicité agissante (quoique de manière plus retenue pour Paris). Un autre permanent, la Russie, est « active » en Ukraine sans que rien ni personne ne puisse l’en retenir. Le dernier, la Chine, revendique explicitement Taiwan et ne se prive pas de menacer « d’y aller ».
Ces cinq puissances ne font cependant pas grand-chose pour réserver à Benyamin Netanyahou le sort de Vladimir Poutine, pourtant lui-même parmi les grands, et bien que les crimes potentiellement reprochables à Netanyahou soient bien plus graves que le chef d’accusation retenu laborieusement contre le président russe.
Et ce sont ces cinq mêmes puissances qui, face aux Marocains, disent qu’il faut s’en remettre à l’ONU pour régler le problème du Sahara, que l’ONU risque de ne jamais régler, passant de résolution en résolution et multipliant les envoyés personnels du secrétaire général de l’ONU. Cela a bien fonctionné jusqu’à présent, mais depuis Gaza, il en est autrement : Le Palais de verre de Nez York ne rassure plus personne et les permanents ne convainquent pas plus de gens du bien-fondé du droit international.
« Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission », disait Clémenceau… et quand on veut perpétuer une question internationale, on la confie à l’ONU, pourrait-on ajouter. C’est le cas du Sahara marocain. La France, un permanent du Conseil de sécurité, connaît bien les fondements de cette question, ayant été la puissance coloniale de la région et disposant jusqu’à une période récente du « leadership » pour les problèmes concernant sa zone d’influence exclusive qui est l’Afrique francophone ; mais la France, pour des raisons qui la concernent et dont on peut avoir une idée, refuse que la question du Sahara soit définitivement réglée. Quant aux Etats-Unis, ils ont également une influence considérable dans ce dossier, étant le penholder des résolutions.
A New York, l’affaire du Sahara est bien verrouillée, la question étant la seule au monde à être traitée par trois instances, le Conseil de sécurité, le Comité spécial de la décolonisation (ou Comité spécial des Vingt-Quatre et la Quatrième commission de l’Assemblée générale. L’ONU sait bien que le différend oppose en réalité Maroc et Algérie, et semble s’en accommoder. Les anciens ministres marocains des Affaires étrangères, feus Moulay Ahmed Laraki et Mhamed Boucetta, avaient appelé voici une dizaine d’années, à demander la dissolution de la Minurso pour incapacité à trouver une solution à ce problème et aussi et surtout parce que la mission de celle-ci est d’organiser un référendum dans la région. Ce qui est exclu pour le Maroc et, paradoxalement, pour ses alliés français et américain aussi.
Aujourd’hui, le Maroc, qui a lourdement investi dans ses provinces Sud, qui a sécurisé ses frontières, qui riposte aussi efficacement que discrètement aux gesticulations algériennes par Polisario interposé, doit aller de l’avant, abandonner le passé onusien à l’ONU en assurant le service minimum, se fondant sur cette phrase du roi Mohammed VI prononcée en 2014 : « le Sahara est une question d’existence et non une question de frontières. Le Maroc restera dans son Sahara, et le Sahara demeurera dans son Maroc jusqu’à la fin des temps ».
Le problème est que le royaume n’est ni assez puissant ni assez riche, et encore moins assez influent pour accélérer le règlement de ce dossier à l’ONU ou, autrement dit, pour que les cinq permanents décident d'accélérer le processus et de le mener à bon port. Le royaume continuera de subir la volonté des Cinq et à manœuvrer entre eux, dans l’attente de disposer d’assez de force pour imposer ses vues. Comme Israël aujourd’hui qui, en dépit de sa politique potentiellement génocidaire et de ses pratiques criminelles, tient tête à l’ONU car il a l’appui de trois parmi les cinq permanents.
La solution du problème du Sahara ne sera donc pas onusienne ; elle ne le sera jamais, car elle dépendra du niveau de développement du Maroc, de son influence et de son soft power. Le roi l’a compris, il restera aux gouvernements, actuel et futur, d’accélérer la cadence de développement.
Aziz Boucetta
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