(Billet 1056) – Mohammed VI pourrait-il être éligible au Nobel de la paix ?

(Billet 1056) – Mohammed VI pourrait-il être éligible au Nobel de la paix ?

En ces temps troubles de guerre et de confusion, où tout le monde défend ce qu’il pense être son intérêt et où tant d’autres sombrent dans un syndrome de Stockholm globalisé, les cartes sont brouillées et les visions embrouillées. Comment démêler le vrai du faux ? Qui a raison et qui a tort ? Dans l’attente de réponses, la planète entre dans un cycle de destruction, de mort, d’exil et de malheur, où même l’arme nucléaire est évoquée, en Europe, le continent du « plus jamais ça », et de « la der des der » ! Alors, descendons un peu vers le sud et parlons paix…

Cela fait quelques années que des pages sur les réseaux sociaux appellent à décerner le prix Nobel de la paix au roi Mohammed VI, avec des commentaires divers et diversifiés, les uns soutenant bruyamment l’idée, d’autres étant plus sceptiques et une troisième catégorie s’inscrivant en strict rejet de la proposition. L’argument développé pour cette proposition était l’action du chef de l’Etat en faveur de l’amélioration des conditions de vie des Marocains. C’est assurément louable, mais ce n’est pas suffisant pour un Nobel de la paix.

En effet, Alfred Nobel, l’homme qui inventa la dynamite et qui, regrettant son invention au crépuscule de sa vie, décida de créer ce prix, le définit ainsi : « Une récompense pour la personnalité ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ». Le prix n’est donc pas une affaire de politique intérieure, aussi avantageuse qu’elle puisse être, mais la récompense du monde pour une action globale en faveur de l’humanité. Pourquoi donc revenir à cette idée ? Pour une politique royale de « rapprochement des peuples » et de « propagation des progrès pour la paix » sur le dernier quart de siècle.

1/ En 2014-2015, 50.000 migrants subsahariens en situation clandestine sont régularisés et peuvent désormais vivre en toute légalité sur le territoire marocain. Des dizaines de milliers d’autres vivent dans le pays, sans être pourchassés ni traqués, ni expulsés, une partie d’entre eux regroupés au sein d’associations légales pour migrants clandestins !

2/ Depuis 2015, une diplomatie active se déploie pour rapprocher les différentes parties du conflit libyen. Les choses avancent doucement, patinent souvent, mais progressent quand même, malgré les vicissitudes de la politique internationale et les incertitudes grevant les acteurs nationaux, avec tant de puissances qui interviennent avec leur matériel et leurs mercenaires.

3/ En 2015, implication dans la coalition militaire au Yémen mais retrait deux ans plus tard, quand la guerre vire au massacre, au risque de détériorer les relations avec les irascibles alliés du Golfe.

4/ En 2015 toujours, en pleine épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest, et alors que tous les pays suspendent leurs liaisons aériennes avec les trois pays frappés par le très mortel virus, le Maroc est le seul Etat à décider de maintenir ses vols et son assistance humanitaire pour la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia.

5/ En 2017, et en dépit de la très vive colère saoudienne et émiratie, le Maroc apporte son soutien au Qatar, surpris par son encerclement suite à la brutale décision du couple Arabie Saoudite/Emirats Arabes Unis.

6/ Le Maroc déploie ses hôpitaux militaires de campagne dans plusieurs zones de guerre, au Sud-Soudan, en Jordanie, au Liban… et construit plusieurs hôpitaux « mère-enfant » dans nombre de pays d’Afrique.

7/ Les Casques bleus marocains sont installés dans nombre de pays d’Afrique (Congo, Centrafrique, Côte d’Ivoire), payant souvent le prix du sang avec ces dizaines de militaires marocains sous bannière ONU, morts ou blessés.

8/ Sur le plan africain, le Maroc (à travers son chef d’Etat) est désigné Leader de la migration et c’est à ce titre qu’il porte la parole du continent dans les autres espaces, pour définir la problématique, contribuer à la convergence des politiques publiques des pays en la matière et donner une voix à ceux qui n’en ont pas.

9/ En 2020, malgré les risques et les critiques, Mohammed VI prend la décision de renouer des relations avec Israël, sans pour autant s’aliéner les pays arabes et les Palestiniens, ni rompre avec eux. Un mois avant la visite de Yair Lapid à Rabat, feu Ismaïl Haniyah s’y trouvait, attendant beaucoup du Maroc, selon ses propres mots.

10/ Mohammed VI déploie un langage conciliant avec un voisin irascible et colérique, et malgré les provocations et les menaces de guerre, s’arme discrètement contre une éventuelle attaque (on ne sait jamais…), tout en maintenant une politique de paix et de rapprochement. Préparer la guerre, meilleur moyen pour avoir la paix, pourrait-on dire.

11/ Lors de la phase Covid, le Maroc, bien qu’atteint de plein fouet par la pandémie, partage dès le début de la crise ses moyens et son matériel avec 15 pays africains de toutes les régions du continent, alors même que d’autres espaces se calfeutraient, comme en Europe ou en Asie. Une méga-usine pharmaceutique est depuis en construction, à vocation africaine.

12/ Le Maroc promeut une politique de coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme, à travers un appareil sécuritaire (DGST/BCIJ) dont l’efficacité, l’implication et le professionnalisme sont partout reconnus, en Afrique, en Europe, dans le Golfe et même aux Etats-Unis.

13/ En ces temps d’islam exacerbé chez et par tant de monde, le Maroc développe  et propage l’idée d’un islam de paix, de tolérance et de modération, en le déployant à l’extérieur de ses frontières par le biais de plusieurs instances (institut de formation des imams, fondation des oulémas africains…). Cela entre dans le cadre de la sécurité spirituelle. 

14/ Le Maroc encourage une politique environnementale africaine à travers son Initiative AAA (Adaptation de l’agriculture africaine) et une robuste politique de coopération agricole sud-sud, Afrique-Afrique pour être plus précis. Mais pour être plus général, il conviendrait d'intégrer ce point dans le cadre plus général de l'engagement résolu pour l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

15/ En 2022, après s’être abstenu de voter une condamnation de la Russie, le Maroc condamne l’annexion des quatre oblasts est-ukrainiens, au nom du principe de souveraineté et de respect et protection des intégrités territoriales des Etats.

16/ En 2023, le roi Mohammed VI reprend et soutient une doctrine afro-atlantiste, en encourageant le regroupement des Etats africains atlantiques et en lançant l’idée d’un (plus important) désenclavement des pays du Sahel, pas seulement par leur connexion aux ports atlantiques, ce qui est déjà le cas, mais par la mise en place d’une politique de co-développement coordonnée et concertée, bénéfique à tous.

17/ En 2023, Mohammed VI réussit à maintenir un dialogue avec Israël tout en le condamnant pour ses actes criminels à Gaza, soutenant les arrêts de la Cour internationale de Justice, use de ses relations pour acheminer de l’aide, avec dignité, aux Gazaouis, et résiste aux pressions occidentales œuvrant à « blanchir » Benyamin Netanyahou.

18/ De 2020 à 2023, et suite aux différents putschs militaires ayant secoué la zone francophone africaine, et contrairement à tous ces Etats qui se sont précipités pour condamner, menacer, boycotter les nouveaux régimes au nom d’un « ordre international » de plus en plus inaudible et invisible, le Maroc fut l'un des très rares pays à s'exprimer sur un ton de sagesse et de respect des souverainetés nationales, appelant à la sécurité et à la paix, mais sans ingérence ou « recommandations » ou autres admonestations, ce qui n’a pas manqué d’être relevé dans chacun des pays concernés.

19/ Et pour revenir sur un élément qui a favorisé l’attribution du Nobel de la paix, l’action en faveur des droits des femmes, de l’équité et de la parité. Bien des choses restent certes à faire, car les mentalités sont difficiles à changer ; mais la réforme de la Moudawana I, puis la II en cours, l’introduction de quotas électoraux pour hausser la participation publique des femmes, les nominations de femmes à un nombre croissant de fonctions éminentes et sensibles, l’action en faveur d’un assouplissement de l’avortement (décidée par le roi, encore bloquée au parlement),… établissent la volonté et la réalité d’une autonomisation et d’une émancipation des femmes au Maroc.

Etc… La liste, non exhaustive, des actions de paix, de « rapprochement des peuples, et de propagation des progrès pour la paix »  peut encore être enrichie de plusieurs autres initiatives et politiques…

Depuis plusieurs années, les Nobel de la Paix sont décernés à des personnalités politiques ou non dont plusieurs sont critiquées par la suite pour leur inconséquence ou leur inconstance dans les actions en faveur de la paix. Depuis une quinzaine d’années, quatre prix Nobel sont remis davantage pour « punir » et marginaliser la Russie que pour la véritable promotion des droits humains sur la planète, et idem pour l’Iran (deux prix en 20 ans), sans compter les prix décernés à des chefs d’Etat ou de gouvernement plutôt martiaux, guerriers et va-t-en guerre…  

Sans entrer dans des comparatifs qui n’en finiraient pas, ces lignes ont pour seul objectif une description et un énoncé de politiques menées par Mohammed VI, dans un souci constant de paix et de rapprochement.

Nul n’est parfait, et aucun Prix Nobel n’est exempt de critique, mais la liste des actions menées par le roi du Maroc et leur régularité, en plus de leur constance, peuvent au moins permettre d’ouvrir un débat sur l’idée de décerner ce prix à l’acception royale de la paix universelle au service du développement durable, pour souligner et renforcer sa politique, contribuant ainsi à accompagner le royaume dans son essor économique et social.

Dans ce monde qui sombre dans une folie dont personne ne peut prévoir l’ampleur, l’issue et les conséquences, il serait bon parfois de penser à la paix, hors de tout préjugé ou de parti-pris. Alors, pour les sceptiques, et considérant les profils des derniers récipiendaires et les points mentionnés ci-dessus, une simple question : le Nobel de la paix au roi Mohammed VI, pourquoi pas ?

Aziz Boucetta 

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