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UM6P : Khalid Baddou souligne le rôle de la diaspora dans l’entrepreneuriat africain
Lors de l’Africa Business Conference à la Harvard Business School, Khalid Baddou, Directeur des Affaires Institutionnelles à l’UM6P, a souligné le rôle stratégique de la diaspora africaine dans l’essor entrepreneurial du continent. Malgré une transformation majeure dans des secteurs clés (agriculture, numérique, énergies renouvelables, éducation), l'Afrique ne compte que neuf licornes, illustrant les défis à surmonter.
Baddou a mis en avant l’appel récent du Roi Mohammed VI du Maroc en faveur de la mise en place de dispositifs structurés permettant aux compétences marocaines de contribuer au développement national. Une problématique qui dépasse les frontières du Maroc et reflète un enjeu continental plus large : comment intégrer efficacement la diaspora dans la transformation socio-économique de l’Afrique ?
Un potentiel encore sous-exploité
Chaque année, la diaspora africaine envoie près de 100 milliards de dollars vers le continent. Pourtant, une grande partie de ces fonds est absorbée par des frais de transaction élevés ou orientée vers la consommation plutôt que vers des investissements productifs. Pour mieux canaliser ces flux, des innovations fintech, telles que les banques numériques et les plateformes financières dédiées aux diasporas, permettent aujourd’hui de réduire les coûts de transfert et d’orienter ces ressources vers des investissements structurants et à fort impact.
Baddou a rappelé l’initiative récente de Bank Al-Maghrib visant à stimuler l’innovation dans ce domaine, à travers la création et le financement d’un Fintech Hub réunissant les principales institutions financières et d’innovation du Maroc.
Par ailleurs, plusieurs gouvernements explorent de nouveaux instruments, comme les obligations dédiées aux diasporas, offrant un cadre structuré pour canaliser l’épargne des Africains de l’étranger vers le développement économique de leur pays d’origine.
Au-delà des investissements financiers, M. Baddou a insisté sur le fait que la diaspora constitue un vivier inestimable d’expertise. Le transfert de compétences et le mentorat sont des leviers essentiels pour permettre aux entrepreneurs locaux de bénéficier de savoir-faire et de réseaux internationaux. Pour que l’Afrique puisse pleinement tirer parti de ce potentiel, les institutions doivent mettre en place des dispositifs facilitant l’échange de connaissances, les programmes d’incubation et le développement d’écosystèmes d’innovation.
Adapter les modèles économiques aux réalités locales
Une idée reçue parmi les investisseurs et entrepreneurs internationaux est de croire que les modèles d’affaires occidentaux peuvent être appliqués en Afrique selon une approche de simple « copier-coller ». Pourtant, l’adaptation culturelle, les partenariats locaux et l’engagement communautaire sont indispensables.
Les entreprises qui réussissent sur le continent sont celles qui écoutent les besoins locaux, co-créent des solutions et savent naviguer à travers les défis spécifiques liés à la réglementation et aux infrastructures. En Afrique, la croissance ne repose pas sur une expansion rapide, mais sur une implantation durable. Une étude de marché approfondie, des stratégies adaptées et une collaboration étroite avec les gouvernements et les acteurs locaux sont des éléments clés pour assurer un succès pérenne.
La vision du Roi Mohammed VI : un cadre national pour mobiliser la diaspora
Khalid Baddou a rappelé l’importance de la stratégie nationale marocaine visant à mobiliser les talents du pays établis à l’étranger, une priorité mise en avant dans le discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du 6 novembre 2024. Le souverain a insisté sur la nécessité de créer des mécanismes structurés permettant aux compétences marocaines d’apporter une contribution effective au développement national. Ce défi dépasse le cadre marocain et s’inscrit dans une problématique plus large : comment intégrer efficacement la diaspora dans la transformation socio-économique du continent africain ?
Dans cette optique, les gouvernements et institutions doivent aligner leurs stratégies pour créer un environnement propice aux initiatives portées par la diaspora. Cela passe par des structures financières transparentes, des plateformes d’investissement sécurisées et des réformes facilitant la création et la croissance des entreprises. Les collaborations public-privé, à l’image des initiatives menées par l’UM6P, ouvrent la voie dans ce domaine.
Le rôle des universités dans la dynamique d’innovation
Les universités émergent aujourd’hui comme des acteurs clés du développement économique, en offrant aux startups des infrastructures de recherche et développement, des programmes d’incubation et des réseaux de mentors et d’investisseurs. Grâce à des études menées en partenariat avec les parties prenantes locales, elles identifient les défis où l’innovation peut générer un impact mesurable, notamment dans l’agriculture, les énergies renouvelables et l’inclusion numérique.
Parmi les initiatives phares, UM6P Associates mobilise des professionnels hautement qualifiés de la diaspora marocaine et africaine en les intégrant dans des programmes de recherche et le recrutement académique. De même, Bridge Africa favorise la collaboration transfrontalière entre jeunes innovateurs et entrepreneurs africains, garantissant que les talents du continent travaillent ensemble sur des projets à fort impact.
Une Vision pour un Entrepreneuriat Durable
L’avenir de l’Afrique est indéniablement prometteur, mais sa réussite repose sur des partenariats de long terme, une capacité d’adaptation et une dynamique de co-création. La diaspora ne se limite pas à un simple levier de financement ; elle représente un moteur essentiel du transfert de savoirs, du mentorat et de l’allocation stratégique des ressources. Alors que des institutions comme l’UM6P continuent de combler les écarts et de fournir des plateformes aux entrepreneurs africains, le continent se rapproche de son ambition de devenir un pôle mondial d’innovation.
La discussion à la Harvard Business School ne s’est pas arrêtée aux défis ; elle a pris la forme d’un appel à l’action. En instaurant un cadre réglementaire propice aux affaires, en soutenant des solutions d’investissement portées par la fintech et en valorisant le capital intellectuel de la diaspora, l’Afrique peut transformer son immense potentiel en une prospérité économique concrète. Le moment d’agir, c’est maintenant.
Abdelkader El Fatouaki
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