Chronologie des annulations du sacrifice de l'Aïd au Maroc : de 1963 à 2025

Chronologie des annulations du sacrifice de l'Aïd au Maroc : de 1963 à 2025

Dans un message solennel adressé au peuple marocain, lu par le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, mercredi soir 26 février 2025, lors du journal télévisé principal de la chaîne « Al Aoula », le Commandeur des croyants, le roi Mohammed VI, a appelé la population "à s'abstenir" de sacrifier le mouton cette année, en raison des défis climatiques et économiques auxquels le pays est confronté.  

Bien que cette décision puisse sembler inhabituelle à l’ère moderne, elle n’est pas sans précédent dans l’histoire du Maroc. En effet, feu le roi Hassan II avait déjà pris des mesures similaires lors de périodes de crise. Depuis l’indépendance du pays, trois précédents historiques ont vu l’annulation du rituel du sacrifice, à chaque fois dans des contextes de crises économiques ou climatiques ayant affecté les conditions de vie des citoyens.  

La première annulation remonte à l’année 1963, coïncidant avec la guerre des sables et ses répercussions économiques sur le Maroc. À l’époque, feu le roi Hassan II avait appelé les Marocains à renoncer au sacrifice du mouton en raison des conséquences du conflit entre le Maroc et l’Algérie, qui avait lourdement pesé sur l’économie nationale et sur le pouvoir d’achat des citoyens, plongeant le pays dans une crise financière aiguë.  

En 1981, Feu Hassan II a pris une décision similaire interdisant le sacrifice de l'Aïd en raison d’une crise économique majeure aggravée par la politique d’ajustement structurel imposée par la Banque mondiale, ainsi que par une sécheresse sévère qui a frappé le pays. Toutefois, cette décision n’a pas été unanimement acceptée sur l’ensemble du territoire.  

Vingt-neuf ans après la dernière annulation, en 1996, le défunt roi a de nouveau annoncé l’annulation de l’Aïd al Adha en raison de la persistance de la sécheresse pendant plusieurs années, entraînant une baisse du cheptel et une flambée des prix. À cette époque, le palais royal avait souligné que l’Aïd el-Kébir est une "sounna mou’akkada" (pratique fortement recommandée) conditionnée par la capacité financière des fidèles, et que cette décision visait à « éviter un préjudice certain », car le maintien du rituel aurait conduit à une hausse des prix privant de nombreuses familles de la célébration de la fête.  

Bien que la décision puisse surprendre certains, elle repose sur un fondement solide dans la jurisprudence islamique, qui conditionne le sacrifice à la capacité financière du fidèle sans difficulté excessive. Le roi Mohammed VI a tenu à préciser que tous les autres rites liés à l’Aïd, notamment la prière, le maintien des liens familiaux et les œuvres de charité, resteront préservés afin de garantir les dimensions spirituelles et sociales de cette fête religieuse.  

Comme lors des précédentes annulations, cette mesure suscite un large débat au sein de la société. Si certains considèrent qu’elle prend en compte les intérêts des couches les plus vulnérables, d’autres estiment qu’elle touche à l’essence même de l’Aïd, qui est une célébration majeure sur les plans religieux et social au Maroc. Toutefois, les expériences passées ont montré que l’adhésion populaire aux décisions royales a généralement été majoritaire, malgré quelques cas isolés de contestation, notamment en 1981.  

L’annulation du rituel du sacrifice de l’Aïd n’est pas une décision facile, en particulier dans un pays où cette tradition est profondément ancrée. Cependant, dans le contexte actuel, elle reflète une approche rationnelle qui prend en compte la conjoncture économique et l’intérêt général, en s’appuyant sur les principes religieux qui allègent les obligations en période de difficulté.  

Cette décision intervient alors que le Maroc a enregistré une diminution de 38 % du cheptel national en raison des sécheresses successives, comparé au dernier recensement effectué il y a neuf ans. Par ailleurs, les prix de la viande rouge ont grimpé à 120 dirhams le kilogramme, contre 80 dirhams auparavant, poussant le gouvernement à augmenter les importations de bétail, d’agneaux vivants et de viande rouge.  

De plus, la vague de sécheresse qui touche le pays pour la septième année consécutive a provoqué une baisse de 38 % du cheptel, avec un déficit pluviométrique de 53 % par rapport à la moyenne des trente dernières années, selon les déclarations du ministre de l’Agriculture, Ahmed El Bouari, à la mi-février de l’année en cours.

Abdelkader El Fatouaki

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