(Billet 1229) - Sahara, la folle semaine du 31 octobre

(Billet 1229) - Sahara, la folle semaine du 31 octobre

Ni vainqueur ni vaincu… telles sont la logique et l’approche marocaines. Peut-être, mais quand même… les Algériens, selon les déclarations du ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf, refusent de s’avouer vaincus et ils se considèrent même vainqueurs. Que faire avec ces gens-là ? Passer à la seconde étape, celle de « sauver la face » des parties en conflit tout en effaçant le Polisario qui, avec Alger, est seul à se voir encore « partie »… Positivons, donc.

Cette semaine dernière, les choses ont accéléré, se sont même précipité, un événement succédant à un autre et précédant encore un troisième. Retour sur cette folle semaine qui a vu le Maroc faire un pas de géant pour la reconnaissance internationale et institutionnelle de sa souveraineté sur ses provinces méridionales. Et le hasard du calendrier onusien a fait que l’Algérie est membre (non permanent) du Conseil de sécurité qui a tracé la route vers le règlement définitif de la question sahraouie ; cela donne encore plus de force à cette résolution, rédigée, discutée, négociée en présence de l’Algérie qui aura tout fait pour faire avaler sa version aux autres membres du Conseil, avant de boire le calice jusqu’à la lie. Ce n’est pas de la vanité, mais la simple réalité.

1/ 30 octobre. Le Conseil doit se réunir pour voter le texte soumis par le porte-plume américain au Conseil de sécurité. Les téléphones sonnent à plein régime, les ministres parlent aux ministres, les ambassadeurs parcourent les couloirs et les médiateurs courent dans tous les sens. Marocains, Français et Américains à la manœuvre, Algériens paniqués, Russes et Chinois maintenant l’équilibre entre leur opposition à Washington et le souci de ne pas mécontenter leur partenaire marocain. Rabat avance pas à pas, Alger recule pied à pied. Rien n’est fait ce jeudi, les tractations se poursuivent dans la nuit. Report du vote au lendemain, le suspense est insoutenable, surtout pour ceux qui savent que ce n’est pas encore gagné.

2/ 31 octobre, 20h (heure marocaine). Les négociations de la dernière heure se poursuivent. Le roi Mohammed VI, depuis plusieurs jours, a son téléphone en main et son répertoire téléphonique sous les yeux ; il manque au moins trois voix pour avoir la majorité de neuf, après s’être assuré du non veto de Pékin et de Moscou. Le souverain multiplie les appels et emporte les adhésions du premier membre hésitant (7 pour), puis du second (8 pour) puis du troisième, bouclant la majorité de 9 voix pour. La diplomatie marocaine sécurise et verrouille alors le vote, avec deux autres Etats ayant rejoint le vote positif.

Au moment du vote, l’heure venue, il est 15 heures à New York, 20heures au Maroc, le président russe du Conseil de sécurité regarde en esquissant un sourire le délégué algérien qui, finalement, décide de ne pas participer au vote, mais l’explique ensuite longuement. Il est visiblement en colère.

3/ 31 octobre, 21h, heure marocaine. Le roi Mohammed VI apparaît sur les écrans pour un discours ad hoc annoncé quelques minutes avant à peine. Le moment est solennel, le souverain ayant la parole rare et mesurée. Il informe fièrement le pays de ce qui est bien une victoire, récuse humblement le terme de victoire, remercie nos alliés et soutiens, annonce le lancement « détaillé et actualisé » du plan d’autonomie, ouvre les bras aux Marocains de Tindouf, et tend une main largement ouverte aux Algériens et, nommément, à leur président.

4/ 1er novembre. Le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, très économe de sa parole aux médias en général et marocains en particulier, se déplace vers les studios de 2M et explique (une partie de) ce qui s’est passé pour enlever cette victoire. Large sourire, plaisanteries à l’appui, articles de conventions en appoint, il dévoile ce qu’il peut, révèle le rôle et l’intervention du roi, se déclare prêt à tout pour se rapprocher avec Alger et, le cas échéant, prêt à tout aussi, tout court.

5/ 2 novembre. Son homologue algérien, Ahmed Attaf, reçoit à son tour ses médias et annonce… une éclatante victoire algérienne ! Triste remarque : la chaîne publique ALnews, qui interviewa M. Attaf, est la même qui reçut le lendemain sur son plateau un énergumène qui expliqua que « les Marocains ont surdosé leurs prises de cannabis pour voir une victoire dans ce vote ». Irrécupérables et irascibles voisins…

6/ 3 novembre. Le parlement marocain se réunit solennellement avec ses deux Chambres et ses deux présidents, sérieux et concentrés comme un commandant de sous-marin. L’hémicycle est plein à craquer et les mines satisfaites des centaines d’élus sont à croquer. Nos quelques centaines de parlementaires, réunis au grand complet, ont fait ce qu’ils savent faire de mieux, applaudir le travail des autres, se féliciter de la vision royale, affirmer se dresser en remparts contre les ennemis du Maroc. Bref, se déclarer bruyamment heureux.

7/ 4 novembre. Communiqué du cabinet royal : le 31 octobre devient jour de fête nationale, intitulée « fête de l’Unité », en rappel, en hommage et en célébration de ce vote du Conseil de sécurité de l’ONU qui consacre (ou presque) la totale souveraineté du Maroc sur son flanc sud.

 

Et au final, un mois d’octobre fou, fou, fou ! Il commence avec les jeunes GenZ qui manifestent, crient, se mobilisent, s’organisent et font tanguer le pays… un mois qui voit le Maroc sacré champion du monde de foot des moins de 20 ans, et c’est tout sauf rien ! Et enfin, l’apothéose de fin de mois, avec l’ONU et son clap de fin, ou annonçant la phase finale de cette question saharienne qui a empoisonné la vie du Maroc durant 50 ans (cela devrait encore continuer un peu si personne de sérieux ne réussit à amener sérieusement les voisins à résipiscence).

Bravo Majesté, et félicitations à notre diplomatie !

Aziz Boucetta

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