Macron à la Maison blanche, l'humiliation cachée..., par Aziz Daouda

Macron à la Maison blanche, l'humiliation cachée..., par Aziz Daouda

Sans doute aucun, l’événement le plus suivi en début de semaine fut la visite du Président Macron à la Maison blanche. La question qui sautillait dans la tête de tout un chacun est quel traitement allait-on lui réserver. Quoi de plus normal, après les sueurs froides subies avec habileté et patience mais subies tout de même par le Roi de Jordanie et après l’humiliation à peine voilée du président polonais, assigné à attendre dans les couloirs pendant une heure trente avant de ne bénéficier que de dix petites minutes d’entretien.

Très vite et dès les premières images, on s’est rendu compte que les choses allaient être différentes. Accolades à répétition, familiarité, rires débonnaires, railleurs et moqueurs se succédèrent à un rythme soutenu. Un rire qui devenait à chaque instant nouveau un peu plus contagieux. Duplicité manifeste des deux hommes ou posture de convenance ? Who knows ?  Les deux surjouent, même si on sait le président Trump blagueur et rigolo, il montrera beaucoup de sympathie pour son invité, évoquant Notre-Dame et Madame Macron qu’il qualifie de charmante. Le Président français, lui, était plus agacé que véritablement heureux. Sa joie paraissait par moments quand son front se détendait l’espace de quelques secondes. Il venait d’être reçu sur le perron de la Maison blanche par des temps pour le moins difficiles.

Une fois cette étape franchie, le président français devait sans doute se questionner et avec lui la presse un peu plus nombreuse que d’habitude : l’avait-on reçu ainsi pour sa stature, par considération pour son pays ou en qualité de leader de l’Europe, auquel il voulut jouer en devançant à la Maison blanche le premier ministre britannique. Le Polonais qui, lui, avait grillé la politesse, a subi à ses dépens, un abaissement cruel et ne reviendra pas de sitôt dans ces parages. A moins que…

Mal assis dans le fauteuil voltaire à la droite de son hôte, avec pour décor arrière une cheminée qu’on n’a pas allumée pour la circonstance, Le Président français va subir une véritable diatribe du Président américain. Assis à son Resolute Desk, devant un pupitre et dans un fauteuil, Trump est le même : sûr de lui, déterminé et ne tenant pas compte de ce que peuvent penser les autres. Ce qui est important est ce qu’il dit, lui. On était habitué à ce que le président des USA parle au nom d’une administration et de services ayant minutieusement préparé les propos, le narratif et le récit ; là c’est Trump qui fixe le cap, sans gêne aucune, en public ; à l’administration de mettre en œuvre, d’implémenter et de trouver les solutions.

Macron va donc subir et surtout apprendre des choses en direct. Trump commença par annoncer que Zelensky allait se rendre à Washington ‘soit cette semaine, soit la semaine prochaine, pour signer’. Il dit donc à Macron en public ce qu’il est normalement sensé lui dire en intimité, loin des caméras.

En fait, Trump claironnera la capitulation économique du président ukrainien à qui il avait enlevé toute légitimité quelques jours avant, le qualifiant de dictateur. Il dit en substance qu’il veut récupérer l’argent du contribuable américain injustement dépensé par son prédécesseur dans une guerre idiote. Il en fixe le montant à 350 milliards de dollars. Pour cela il fait main basse sur les terres rares dont disposerait l’Ukraine. En même temps et simultanément très attentif au loin, le président Poutine lui, se dit prêt à coopérer avec les Américains pour l’exploitation de ces minerais.

C’est qu’en fait une grande partie de cette richesse se trouve dans les zones annexées par les Russes ; zones que Poutine appelle ‘les nouveaux territoires’. Quand on lui posa la question de la récupération par l’Ukraine des terres perdues durant la guerre, Trump répondra ‘ce n’est pas facile’. Il annonce ainsi l’autre phase de la capitulation du sieur Zelensky. Elle est territoriale, personne n’en doute plus.

En reliant ces propos à ceux où Trump informe le monde que l’Ukraine devra oublier sa volonté d’adhésion à l’OTAN, n’annonce-t-il pas la capitulation politique et la fin de l’épisode Zelensky ? Plus que jamais, celui-ci doit regretter d’avoir joué avec le feu. Respecter les accords de Minsk lui aurait épargné peut-être ce qu’il s’apprête à vivre : perdre des terres rares, céder 20% du territoire acquis à l’indépendance de son pays et probablement renoncer à sa présidence.

Les Européens ont perdu la partie aussi. Macron semble être assis sur un strapontin avec une toute petite marge de confort ; tellement mal à l’aise que cela se voyait aux rides prononcées sur son front nerveusement contracté et à ses sourcils froncés. Il subissait ainsi un tutorat assumé par Trump. Gêne d’un côté, aisance, précision et assurance de l’autre. Macron va essayer moult fois, timidement, de prendre la parole, son hôte regardait de l’autre côté. Quand, enfin, il lui concédera la politesse de le laisser parler, celui-ci est un peu confus avant de trouver un rythme décent de parole et une voix de président. Il s’excusera même de parler français. En pareille circonstance on revient souvent à la langue maternelle pour y retrouver un peu d’aisance. Quand il dit que l’Europe voudrait un accord rapide, juste et durable, insinuant qu’il refusait le dictat, Trump ne bronche pas ; il avait dit ce qu’il avait à dire et ne le discutera pas. L’avenir de la région ne se décide pas en Europe mais en Arabie Saoudite qui a droit pour l’occasion, avec son Prince hériter qu’il qualifie de Roi, soit dit au passage, à une avalanche d’épithètes plus élogieux les uns que les autres. Macron semble s’adresser aux Français et aux Européens. Trump, lui, s’adresse aux Américains et au monde. Il répétera que si lui avait été président, cette guerre stupide n’aurait jamais eu lieu. Il en fait le reproche à son prédécesseur et en même temps aux va-t-en guerre européens…

En effet, à bien y penser, avec un peu de recul, sans pour autant justifier l’entreprise guerrière de Poutine, qui parmi les Européens parle encore du régiment Azov, qui a vu le jour en 2014 à Marioupol, une formation néo-nazie d’Ukraine qui semait la terreur parmi les russophones entre autres, pesant fortement sur la politique du pays et contribuant largement à l’élection de Zelensky ? Tous les jours que Dieu faisait, ils défilaient dans leurs accoutrements noirs provocateurs, drapeaux jaunes frappés d’une croix gammées stylisée sur le bras, dopés aux hormones, vociférant des chants ultranationalistes d’une rare méchanceté. A l’époque, cela semblait indisposer les Européens qui, comme par magie, vont oublier Azov dès que Poutine entama l’invasion qu’il justifiait pourtant comme une lutte contre le nazisme. Qui parle encore des accords de Minsk et du coup joué à Poutine par Merkel et Hollande pour donner du temps à l’Ukraine ? Ces accords avaient été signés pour garantir la paix dans la région. L’Ukraine ne les a jamais respectés, avec la bénédiction, et même l’encouragement, de l’Europe.

Trump n’évoque rien de tout cela mais dit clairement que la position européenne de couper toutes relations avec Poutine était mal inspirée, pour ne pas dire idiote. Macron essaye de se justifier mais ne convainc personne. En témoigne le très peu de questions qui lui seront adressées. Il voulut prendre pied dans la situation proposant que l’Europe est disposée à envoyer des troupes de maintien de la paix en Ukraine. Est-ce de la naïveté ou bien pire ? Trump jette un coup d’œil furtif à son ‘homologue’ et passe à autre chose. Comment penser que Poutine allait accepter une armée européenne à ses frontières ? Ces mêmes Européens qui ont financé une guerre contre ses armées pendant près de trois années. Installer des troupes européennes là, c’est installer l’OTAN sans les Américains.

Quand le Français tente de positionner l’Europe sur la question des sommes dépensées en Ukraine, disant que l’Europe avait contribué pour 60% dans l’effort de guerre, Trump lui sourit avec sarcasme du bout des lèvres et d’un bras tendu vers l’avant, fait un geste de la main comme pour lui dire : ‘je ne te crois pas, petit menteur’. Un geste apparemment mignon mais très significatif de la perception qu’a Trump de ses pairs européens. Ça veut dire aussi : vous n’avez pas votre place dans l’affaire des terres rares. C’est une affaire entre Poutine et moi. Vous, occupez-vous de votre Zelensky !

Comme signature finale à cette mise en scène savamment orchestrée, il y eut les propos d’un journaliste qui confirme à Trump qu’il avait le soutien large des Américains pour tout ce qu’il entreprenait. L’homme puissant acquiesce généreusement en redressant le buste…Comme pour dire à son hôte, tu vois, moi j’ai le soutien de mon peuple, pas toi…

Finalement dans le Bureau ovale cet après-midi-là, on traita avec politesse un invité venu de France mais il y avait un interlocuteur unique et c’était Trump.

 

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