L’e-commerce au Maroc – Un nouveau marché en forte progression, mais…
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- 20 février 2018 --
- Lifestyle
Le commerce électronique s’ancre de plus en plus dans le quotidien des Marocains. Le volume des transactions commerciales effectuées via Internet a atteint 3,1 millions au cours du premier semestre de 2017, en hausse de 81,7% en volume et de 52,3% en valeur, par rapport à 2016, selon le ministère du Commerce. L’envers du décor, c’est souvent l’incompréhension entre vendeurs et acheteurs sur les clauses de vente que les consommateurs jugent non transparentes malgré l’existence de lois très précises.
Le marché e-commerce a enregistré un bond de 2 milliards de DH (MMDH) entre janvier et septembre 2017, contre 1,8 MMDH en 2016. Cette hausse a concerné le nombre des transactions électroniques validées qui sont passées de 2.500 en 2015 à 3.600 en 2016, pour atteindre les 4.800 durant les neuf premiers mois de cette année, selon des données du ministère de l’Industrie, de l’investissement, du commerce et de l’Economie numérique.
Le boom
Le commerce en ligne est en plein essor au Maroc, avec quelques 700 sites e-commerce, le nombre de plateformes en activité dans le royaume.
D’après les statistiques du ministère, certains de ces sites sortent la tête de l’eau, à l’exemple de Jumia, qui fête ses cinq ans d'existence dans le royaume. Aujourd’hui, il a bien trouvé sa place dans le gotha des leaders sur le marché africain. Larbi Alaoui Belrhiti, directeur général de Jumia Maroc, est même convaincu que les sites de e-commerce, comme celui qu’il dirige, ont bousculé les habitudes de consommation et d’achats chez des Marocains, qui semblent avoir intégré le shopping sur internet dans leurs vies.
Larbi Alaoui Belrhiti calcule que le nombre de commandes sur le site, de 2. 000 en 2012, est passé à plus de 800.000 en 2017, dont 60 % en dehors de Casablanca. Sur le dernier exercice, le chiffre d’affaires a été multiplié par deux, à l’image des commandes en ligne, qui ont progressé de 115 %, a-t-il précisé, sans toutefois révéler les montants concernés, ni évoquer l’avancement du projet Jumia Maroc.
« Nous ne sommes pas encore rentables, car nous avons énormément investi. Il faut faire beaucoup de volume pour y arriver », explique Larbi Alaoui Belrhiti. Derrière cette politique d’expansion assez ambitieuse, un tour de table assez solide, composé de mastodontes tels que MTN, Goldman Sachs, Orange ou encore Axa.
En outre, malgré les bons chiffres affichés, le taux de conversion des visites en achat reste encore modéré : moins d’un visiteur sur 100 finit par passer commande. « Il faut prendre en compte le fait que cette pratique est nouvelle », tempère Larbi Alaoui Belrhiti, qui juge ce taux « satisfaisant » à l’heure actuelle, et s’est fixé pour objectif de le porter à 3 % d’ici 2023.
A côté de Jumia, d’autres site e-commerce comme Hmizate, Hmall ou encore MaZone, MesCadeaux et d’autres encore jouent des coudes pour se faire une place dans un marché de plus en plus étroit, avec une guerre larvée sur les prix.
A noter ici qu’on parle de vente en ligne, et il faut garder à l’esprit que la grande majorité des acheteurs ne payent pas en ligne, mais à la livraison, quand le site propose cette option. Des ventes qui ne sont pas donc comptabilisées dans les chiffres annoncés par le secteur.
Mais avec l’arrivée de grands opérateurs étrangers, tout le secteur pourrait passer à un autre niveau de maturité. Surtout, si les grands groupes locaux s’y mettent aussi.
On pense à des groupes comme Marjane, Carrefour, Aksal mais aussi des enseignes comme Planet Sport, Diamantine ou encore Marwa pour ne citer que les secteurs de la mode et du vêtement.
Ces acteurs n’ont toujours pas sauté le pas du e-commerce et pourraient bien le faire prochainement, en voyant l’intérêt que d’autres expriment pour le Maroc et pour la région.
Malgré les ascensions fulgurantes des leaders, des difficultés sont relevées pour quelques boutiques en ligne
En volume de transactions, le secteur e-commerce est en plein essor certes, mais cette progression est dopée par le e-commerce utilitaire, le paiement en ligne des factures, télécom, eau, électricité, l’achat de billets d’avion et tout ce qui se rapporte au e-Gov, le paiement de la vignette, la TGR, l’IS etc.
Cela entre en contraste avec le e-commerce commercial, produits de mode, high-tech, deals et autres, qui ne représente que 20% des achats en ligne. Autant dire de faibles chiffres comparés aux ambitions qu’annoncent les acteurs du secteur.
Les rapports souvent tendus avec les consommateurs
Les différentes lois adoptées sur l’e-commerce concernent pour la plupart la protection du consommateur ; néanmoins, ces mesures n’ont pas rassuré les vendeurs sur la sensibilité des clauses. Six ans après l’adoption de la loi 31-08, les abus des sites e-commerce n’ont pas cessé, comme le démontrent les nombreuses dénonciations des consommateurs sur les réseaux sociaux. Dans ce sens, vendeurs et acheteurs se font une guerre sans merci dans les fora de discussions. En 2016, le contrôle effectué par la Division de protection des consommateurs auprès de 103 vitrines en ligne s’est soldé par 93 avertissements à cause des droits du consommateur qui sont bafoués.
Le manque de transparence est souvent le jeu favori des sites. Sur les 103 sites analysés, 74% ne mentionnent pas les dispositions relatives au droit de rétractation. Or, la loi précise que le consommateur peut se rétracter dans un délai de 7 jours à compter de la date de réception du produit ou de son acceptation de l’offre finale. Le texte impose aussi au marchand de rembourser le client au plus tard dans les quinze jours qui suivent le paiement. Passé ce délai, des intérêts, selon le taux légal en vigueur, sont ajoutés à la somme due. Privé de ces informations, le consommateur ne sait plus à quel saint se vouer et se trouve dans une situation du fait accompli.
Dans la réalité, ces dispositions ne sont presque jamais respectées, même dans le commerce classique. A ce titre, les sites se cachent sous le prétexte que « nul n’est censé ignorer la loi ». Même les consommateurs les plus avertis peuvent être victimes de l’achat en ligne. Le bilan de la Division de protection des consommateurs indique que 12% des sites ne respectent pas le délai de remboursement.
Les clauses cachées
Les inspecteurs du e-commerce reprochent aussi aux commerçants leur manque de transparence. A ce titre, 35% des sites ne fournissent aucune information sur l’identité et les coordonnées du fournisseur.
Autre point noir : l’absence des conditions contractuelles de vente sur les sites (13%). Encore faut-il être bilingue pour comprendre certaines clauses dans la mesure où 89% des sites scannés ne proposent pas de traduction en langue arabe. En plus 30% de ces magasins en ligne n’hésitent pas à afficher une publicité trompeuse. En revanche, les sites respectent l’affichage des prix en DH et les caractéristiques techniques des produits.
L’e-commerce a donc de beaux jours devant lui, mais cela passera inévitablement par une prise de conscience et une maturité des acheteurs, et aussi par les garanties qu’offrent les vendeurs et les sites en ligne. Le Maroc progresse, lentement mais sûrement…
Mouhamet Ndiongue
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