(Billet 307) – Marocains à l’étranger : le gouvernement peut et doit mieux faire

(Billet 307) – Marocains à l’étranger : le gouvernement peut et doit mieux faire

Lettres, vidéos et messages audio, pétitions ou supplications… Le cri des Marocains bloqués à l’étranger assourdit nos oreilles, du moins celles qui veulent les entendre, et assombrit le sommeil de ceux de nos dirigeants qui ont une conscience. Un mois est passé depuis que les frontières du royaume ont été fermées et la France où se trouve le plus fort contingent vient de décider de garder ses frontières fermées « jusqu’à nouvel ordre » … On ne peut laisser ces gens là-bas. Il y va de notre fierté interne et de notre rayonnement externe.

Ils veulent rentrer au pays, ils le disent, ils le clament haut et le proclament fort, de tous les coins du monde, à qui veut les entendre, à qui peut les comprendre… et qu’il est beau et émouvant ce cri de Marocains qui veulent retourner au pays, après tous ces mois et toutes ces années, où nous n’entendions que l’inverse. Le Covid-19 aura montré quelque chose de beau, que nous ignorions, que nous refusions de voir : la confiance des gens en leur pays.

Il est certes vrai que tous ne pourront être rapatriés, car chacune des milliers de personnes concernées est un cas, que chaque cas nécessite une logistique et une organisation particulières, et que cela est impossible à réaliser pour tout le monde. L’Etat, à travers le ministère des Affaires étrangères, est à la manœuvre, personne ne peut le nier ; il prend en charge certains, il dépense et ses agents diplomatiques et consulaires se dépensent.

Hier lundi 13 avril, le chef du gouvernement a parlé, et hier toujours, le directeur général du ministère a parlé. L’un évoque 7.500 Marocains bloqués à l’étranger, l’autre cite le chiffre de 17.000… L’un et l’autre appellent les gens à la patience et les deux s’essaient à l’empathie, souriante pour Saadeddine Elotmani, grinçante pour Fouad Yazough qui ose exprimer une crainte sanitaire si les Marocains entrent au pays. Mais aucun ne s’est aventuré à se prononcer sur un calendrier, des perspectives, un espoir…

Il faut prendre une décision et tout le monde comprendra… nous comprendrions aisément que nos enfants installés pour études à l’étranger ne peuvent rentrer, nous admettrions également que nos expatriés ne puissent faire l’objet d’une opération de rapatriement. Mais deux cas retiennent l’attention : les Marocains bloqués dans des pays où le risque sanitaire est aussi important que les installations médicales sont inexistantes, et ces pays se trouvent en Afrique. Le gouvernement doit les faire entrer car les abandonner là où ils sont présente un risque certain pour leur santé.

Il y a également ceux qui sont bloqués à Sebta et Melilla, des enclaves occupées sur le sol marocain. Sur le sol marocain… Pourquoi les nationaux qui s’y trouvent ne peuvent rallier le reste du Maroc, certains n’ayant que quelques centaines de mètres à faire pour se confiner chez eux, à Nador, à Fnideq ? Quel message diplomatique adresse-t-on à ces enclaves en fermant la frontière du Maroc à des Marocains ?

Ils sont quelques centaines dans ces villes et dans des nations où le péril sanitaire est important. Il faut les faire entrer en priorité ; cela sera un signe positif pour les autres, qui se trouvent plus loin. Le Maroc, avec sa politique intelligente et pertinente, audacieuse et anticipative, ne peut-il donc pas faire honneur à ses enfants en détresse à Sebta, à Melilla et dans certaines contrées africaines dangereuses ?

Pour ses ressortissants en Europe, l’Etat marocain paie l’hébergement et la restauration, et lorsque l’argent vient à manquer, il en rajoute. C’est bien, mais ces exilés malgré eux se disent prêts à payer leur billet d’avion et leur hébergement dans un hôtel, au Maroc, où ils seraient strictement confinés en cas d’autorisation de retour.

Jusque-là prudemment silencieux, le ministre Nasser Bourita est attendu au parlement pour s’expliquer. Il est membre d’un gouvernement où chaque ministre débat et se bat, voire combat, pour obtenir le maximum pour son département. L’heure n’est pas à la prudence ou au carriérisme, mais à l’audace et l’altruisme. Un ministre, un collaborateur, n’a de valeur que par celle de son engagement et de sa capacité à convaincre ses supérieurs. Attendons donc M. Bourita au parlement.

Un ministre qui se montre à son avantage par beau temps n’a aucun mérite, voire aucune utilité, s’il n’ose pas par temps d’orage et de désespoir…

Aziz Boucetta

 

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