
(Billet 312) – Le Maroc n’oublie pas les migrants Subsahariens sur son sol
Dans la Peste, Albert Camus disait ceci : « Au milieu des fléaux, il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser ». L’exceptionnelle gestion publique de la pandémie du Covid-19 le montre et l’extraordinaire élan de solidarité dont font preuve les Marocains le confirme. Soutiens personnalisés, organisation de cagnottes, distribution de paniers, collecte d’aides financières directes… les Marocains aident les Marocains et font face à l’adversité, mais il ne faut pas oublier nos hôtes…
Nos hôtes continentaux… Ils ne sont pas Ramedistes, ils ne sont pas informels... ils ne sont même pas Marocains, mais ils sont humains, Subsahariens vivant à Mohammedia, ayant choisi notre pays et se trouvant en situation plus que précaire en ces temps de Covid-19. Certains se sont organisés en associations, légalement constituées et reconnues par les autorités marocaines, d’autres non. Tous, ou presque, vivent des drames qui peuvent d’un instant à l’autre basculer en tragédies.
Les migrants subsahariens sur notre sol vivent le plus souvent d’expédients, de petits boulots ou de la générosité de la population, ou encore de maigres subsides que leur envoient les leurs restés au pays. Le Covid-19 a tout arrêté, mais les besoins physiologiques, et aussi psychologiques, ne s’arrêtent pas, eux… Ces migrants ont besoin de manger, de se soigner, et ils ont aussi cruellement besoin de se savoir protégés, acceptés, appréciés… en un mot respectés.
« C’est bon d’être de retour dans sa maison », disait en substance le roi Mohammed VI avec émotion ce 30 janvier 2017, lors de son désormais fameux discours de retour au sein des instances africaines. C’est bon de se retrouver chez soi… et tant d’Africains sont au Maroc où la majorité d’entre eux se sentent chez eux. Ils sont en droit moral d’attendre une assistance, nous sommes dans le devoir humain de leur répondre par des actions.
Si l’Europe de Schengen a fermé ses frontières et chaque pays s’est enfermé chez lui, le Maroc a réagi différemment. Il a certes aussi bouclé ses frontières mais il s’est ouvert sur le continent, le roi ayant pris l’initiative avec certains de ses pairs d’une action africaine concertée et fondée sur « les bonnes pratiques ». Le Maroc a régularisé environ 40.000 personnes ces dernières années et, à ce titre, titre de séjour aidant et certaines conditions réunies, une partie d’entre eux est éligible au programme Ramed et peut percevoir les allocations versées par l’Etat.
Mais le travail de l’Etat, aussi bon puisse-t-il être, ne remplace pas l’œuvre de la société. Ils sont environ 20.000 migrants à vivre de mendicité, et se trouvent aujourd’hui dans une totale indigence, les rues étant spectaculairement désertes. D’autres travaillent à la journée, mais ces travaux sont ajournés, sine die… Et puis il y a les migrants qui vivent dans les forêts dans le nord du pays, dont les existences étaient déjà fortement précarisées avant la pandémie, et qui le sont dramatiquement plus depuis quelques semaines.
Plusieurs associations travaillent pour ces migrants, sur le plan de la recherche, de l’assistance administrative ou du concours sanitaire. Ces associations, telles que le GADEM (Groupe antiraciste d'accompagnement et de Défense des étrangers et migrants), AMS (Association Maroc solidaire) ALECMA (Association Lumière sur l’émigration clandestine au Maroc), FASAMO (Fédération des africains subsahariens à Mohammedia), et bien d’autres œuvrent à soulager la détresse de ces gens de tous âges, de toutes nationalités, des deux sexes, unis dans le dénuement.
Le Maroc combat le virus d’arrache-pied et ses citoyens endurent l’épreuve, les uns moins que d’autres, beaucoup étant angoissés, tous se trouvant dans l’incertitude de ce que et comment sera le lendemain et le Maroc de demain. Cela ne doit pas nous retirer notre humanité, cela doit nous rappeler notre marocanité mais aussi notre africanité. Ne démentons pas Camus, aidons les gens qui en besoin, et faisons en sorte que « les choses à admirer » soient définitivement meilleurs que « les choses à mépriser ».
Aziz Boucetta
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