(Billet 313) – Covid-19 : la nouvelle vie en mode survie des banques

(Billet 313) – Covid-19 : la nouvelle vie en mode survie des banques

Parmi les secteurs que le Covid-19 aura bousculé, les banques et institutions financières. Jadis opulentes, quasi omniprésentes et souvent condescendantes, les banques sont aujourd’hui sollicitées pour consolider et affermir l’édifice économique national, hier exsangue et aujourd’hui soumis à un véritable big bang. Alors les banques ont réagi avec un sens de l’engagement et même, pourrait-on hasarder, de dévouement qu’on ne leur connaissait pas.

… Et comme on ne leur connaissait pas effectivement cet altruisme, leur groupement, le célèbre et inaccessible GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc) monte aux créneaux, explique, communique, plaide son cas et appelle à l’entraide. La question est de savoir comment concilier l’infinitude de la demande d’argent avec l’habituelle rareté de cet argent… Tout le monde a besoin de liquidités, beaucoup ont, sont ou seront servis, et nombre de demandeurs ne le seront pas, pour moult raisons…

Ils crieront au scandale, ils s’écrieront aux regards de l’opinion publique et ils décrieront la mauvaise foi des banques et leur éternelle âpreté au gain. Et ils seront entendus car la voix du faible et de l’opprimé est toujours entendue, supportée, soutenue, parce qu’elle fait appel à l’émotion. Seulement voilà, tout le monde ne peut être servi car l’ensemble de la classe entrepreneuriale est en mode survie et la denrée financière est plutôt rare.

On ne le dira jamais assez, le monde en général et le Maroc en particulier vivent une crise sans précédent, et les autorités de toutes natures, politiques, sécuritaires, médicales, économiques et financières sont appelées à prendre en quelques heures et à aménager en quelques jours des décisions qui voici à peine quelques semaines auraient relevé de la science-fiction démentielle ! Et les banques ne dérogent pas à cette contrainte. Demander qu’elles fassent tout, c’est un peu exiger d’un tuyau d’arrosage qu’il irrigue un kolkhoze… Il faut ajouter de l’argent aux Marocains bloqués à l’extérieur, débloquer les indemnités CNSS, reporter les crédits immo et conso, accorder des compléments de trésorerie, gérer les légitimes énervements de tous ces gens et convaincre les personnels valablement inquiets d’y faire face… et comme chacun sait, un confiné désargenté et donc énervé postillonne…

Cela étant, 400.000 demandes de report de crédits conso et immo (sur 415.000) reçues, traitées et validées… des systèmes informatiques réaménagés et adaptés en quelques jours pour servir des millions de gens dans le besoin (Ramed et secteur informel)… des dizaines de milliers de demandes de crédits de fonctionnement d’entreprises accordées (le chiffre exact n’est pas encore connu)… Cela fait beaucoup d’argent, énormément d’argent, bien plus que les banques ont ou pourraient avoir, sachant qu’elles ont fortement contribué au Fonds Covid-19.

Hier, les banquiers s’endormaient sur leurs lauriers ; aujourd’hui, ils ont perdu le sommeil, ou le perdront car eux aussi, eh oui, auront des ennuis de trésorerie, et devront s’endetter, s’ils trouvent des prêteurs, le monde entier étant financièrement asséché. Alors pour la question de l’application de frais et/ou intérêts, directs ou indirects, pour les mensualités repoussées, on pourrait reprocher aux banques leur manque de transparence, mais on pourrait aussi leur accorder le bénéfice du doute, la préparation de toute la procédure ayant été faite dans l’urgence. Et si c’est le cas, alors il serait normal qu’elles gagnent un peu d’argent de chacun pour pouvoir servir presque tous…

Alors bien évidemment on pourrait les critiquer et certains trouvent même un plaisir quasi jouissif à les croquer. On se méfie d’elles et on leur prête tous les maux ; il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches et il est tout aussi vrai que les banques sont riches, très riches, ou le furent. Mais le resteront-elles ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que notre secteur bancaire tanguera, doutera, frémira comme toutes les entreprises, comme les politiques, comme les citoyens, comme tout le monde. Et tous se relèveront, groggy et cabossés, mais se relèveront, affaiblis par leur portefeuille, mais renforcés par leur foi en leur pays. Et vous savez pourquoi ? Parce que personne n’a le choix !

En ces temps de crise, il est important de soutenir le secteur financier, car entre l’impérieuse nécessité que les banques tiennent la route et le risque réel de banqueroute, l’écart est aussi faible qu’un pouvoir d’achat par temps de Covid.

Aziz Boucetta

 

 

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