(Billet 326) – Un déconfinement progressif et partiel pour éviter une déconfiture totale…

(Billet 326) – Un déconfinement progressif et partiel pour éviter une déconfiture totale…

Comme toute chose, le confinement doit avoir une fin, et elle s’appelle déconfinement. On pensait que cela allait être utile, et difficile, d’enfermer les gens chez eux, et ce fut effectivement utile et difficile. Le déconfinement, pour sa part, sera vital, et autrement plus difficile… Il faudra remettre en marche un pays, remettre en ordre sa société tétanisée et mettre en ordre de bataille son économie ébranlée. Il faudra des agents (d’autorité), de l’entregent (social) et beaucoup, énormément d’argent tout public.

Si on veut avoir une idée de ce que pourrait être le déconfinement, comparons le pays à une bouteille de soda fermée qu’on aura fortement remuée, comme le sont les gens assignés dans leurs chaumières exigües… puis on décapsule. Et cela sera d’autant plus ardu et dangereux que le mois de ramadan sera passé par là, et les gens, en plus du sevrage alimentaire habituel, auront également été privés des proches, des amis, de lhaj, de lhajja, des tarawih et des cafés, si indispensables à la bonne tenue psychique de la société marocaine.

Ce qu’il faut savoir et surtout admettre, pour éviter que le déconfinement ne bascule en déconfiture, est que ce déconfinement ne sera en fait et en réalité qu’un confinement, mais sous une autre forme. Il faudra maintenir la distanciation sociale, obligatoirement porter un masque de protection, éviter les contacts physiques, accolades et embrassades et aussi serrages de mains. Il faudra se comporter en malade et considérer que toute autre personne est malade !

Plusieurs débats sont apparus, souvent ont jailli, parfois explosé, sur le monde d’avant et celui d’après… Ils seraient radicalement différents. Peut-être… Ce qui est néanmoins sûr est que les humains d’après ne seront plus jamais pareils à ce qu’ils étaient avant. Les certitudes ont volé en éclats et les incertitudes sont désormais là… la confiance initiale, certes obligée mais obligeamment accordée, glisse aujourd’hui vers une défiance légitime… Les riches craignent de s’appauvrir, les moyens appréhendent la pauvreté et les pauvres sont au bord de l’explosion. Que deviendront, demain, cette si belle communion et cette encore plus belle solidarité ?

L’Etat a un grand rôle à jouer, un rôle primordial, vital… Il doit communiquer utile et éviter les postures futiles, faciles et stériles. Venir à la télé et dire qu’on n’a pas grand-chose à dire sur le déconfinement, comme l’a fait M. Elotmani, est une chose dont le Maroc pourrait se passer, et se mettre en mode mute, comme le fait M. Amzazi qui semble avoir réduire sa communication aux démentis, n’est pas non plus une solution durable. A l’inverse, le passage masqué du ministre de la Santé Khalid Aït Taleb a tenu sa promesse : dire des choses utiles pour le déconfinement, y compris l’éventualité de pas de déconfinement. Il est important que les gens sachent, apprennent, comprennent les choses… et ce n’est pas chose aisée…

Il revient à l’Etat de maintenir l’édifice qui menace d’effondrement ou d’écroulement, pour reprendre le mot du premier ministre français, qui s’applique au monde entier. L’Etat creusera le déficit, s’endettera, ne saura pas plus à quel saint se vouer que sur quelle épaule changer son fusil… Mais en contrepartie, il est important que les populations admettent ce principe global et philosophique que pas d’économie sans vie…

Le Maroc aura été l’un des premiers pays au monde à décréter le confinement de sa population, et il sera vraisemblablement l’un des derniers, voire le dernier, à décider le déconfinement. Cela signifie que le succès de la lutte contre la Covid-19 passe par l’action simultanée des pouvoirs publics et du public, celui-ci devant comprendre que chaque jour de confinement est un appauvrissement supplémentaire de l’Etat, qui devra néanmoins faire face.

Nous sommes, nous autres Marocains, des méditerranéens expansifs, des arabes émotifs, des africains festifs… Déconfiner tout ce monde est un risque, sachant que tous les pays, aux populations autrement plus disciplinées comme la Corée du Sud, Singapour ou encore l’Allemagne, qui ont renoncé au confinement ont vu l’épidémie repartir avec de nouvelles vagues qui, chez nous, deviendraient tsunamis.

Le Maroc, pour réussir l’équilibre entre la nécessité du déconfinement et la fatalité de la reprise d’épidémie, devra combiner moyens traditionnels (famille), administratifs (autorité locale) et technologiques (application), pour avec quelque chance de s’en sortir… Peut-être que, finalement, le déconfinement général cédera la place à des confinements partiels.

Aziz Boucetta

 

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