(Billet 451) – Les propos inadmissibles de l’agent d’autorité

(Billet 451) – Les propos inadmissibles de l’agent d’autorité

On peut être agent d’autorité, de quelque grade que cela soit, sans pour autant verser dans la totale illégalité constitutionnelle, sachant que c’est dans les périodes critiques que le respect de la loi est éprouvé… Et pourtant, c’est le pas que vient de franchir, en godillots, mégaphone et treillis militaire, un agent d’autorité filmé alors qu’il exhortait virilement les gens à se faire vacciner, menace même pas voilée à l’appui. Rien de vulgaire ni d’insultant certes, mais de l’autorité. Propos inadmissibles.

Les faits. Un agent d’autorité arpente l’allée d’un souk, mégaphone à la bouche, appelant les gens à se faire vacciner, les informant qu’ils auront un carnet en échange, que ce carnet pourrait leur être demandé à n’importe quel moment, et qu’en cas de non-présentation de ce sésame des temps modernes, le ton changerait… Et effrayantes, et tristes, infiniment tristes, sont les mines affichées sur les visages des personnes présentes, reflétant résignation et soumission, indignes du Maroc de 2020, du Maroc que nous appelons de nos vœux !

Et pourtant, dans la lointaine Rabat, un homme qui répond au nom de Khalid Aït Taleb et qui y exerce l’éminente et peu enviable fonction de ministre de la Santé avait pourtant déclaré que « le vaccin ne sera pas obligatoire, mais volontaire », sauf pour les personnes amenées à voyager en dehors du territoire et auxquelles un passeport immunologique pourrait être exigé aux frontières. On peut se poser la question de la réciprocité à nos frontières à nous, mais cela est une autre affaire…

Alors pourquoi ce « force de l’ordre » s’adresse-t-il ainsi à des gens affairés à commercer et/ou à faire leurs achats dans un souk traditionnel, et très certainement peu instruits ? Parce que c’est précisément un souk traditionnel avec des gens peu instruits… et que selon que vous soyez puissant ou misérable, comme disait La Fontaine, l’autorité se montre doucereuse ou intraitable (adaptation locale).

Certains expliquent ce comportement par le fait qu’à chacun son langage et que refuser de recevoir sa dose mettrait la population en danger, d’où obligation de piqûre. Accepter la première explication reviendrait à reconnaître qu’il existe deux Maroc dans notre Maroc, celui qui connaît ses droits et l’autre, celui du non-droit ; et dans cette logique, des jeunes hirsutes de quartiers défavorisés seront-ils sensibilisés à la gifle ou au coup de pied ? Ou les deux ? Admettre le second argument est périlleux car cela mettra la pression sur les gens non vaccinés qui exigeront leurs doses, s’énervant au besoin, effrayés par les menaces du type de celle de l’agent d’autorité.

Or, respecter l’ordre institutionnel ne devrait pas être insurmontable pour des autorités marocaines qui ont prouvé leur efficacité quand il le fallait. Prendre par exemple la décision de l’obligation et lui procurer la force de la loi, avec possibilité de recours pour ceux qui refuseraient le vaccin pour une quelconque raison, laquelle pourrait être acceptée ou rejetée… Le gouvernement pourrait également alerter les médias « populaires », comme Chouf TV, qui pourrait ainsi enrichir ses missions… ou ameuter les fameux « influenceurs »…

Ce vaccin est sûr, ou peu s’en faut… à mesure que les informations arrivent et que la raison revient, les inquiétudes s’estomperont, peu à peu, progressivement… Les populations d’ici et d’ailleurs accepteront de plus en plus nombreuses de recevoir leurs doses, simple question de temps, quelques semaines ou quelques mois… Mais des propos tels que tenus par ce responsable pourraient susciter ce sentiment de rejet silencieux, mais rejet quand même, que tout le monde voudrait voir éviter, et que l’agent voulait semble-t-il lui-même éviter.

Imposer le vaccin de cette manière, volontairement filmée et largement véhiculée ouvre sur le grand risque est grand d’entendre un jour un agent plus zélé imputer cette obligation au gouvernement, ou même au chef de l’Etat… ce qui serait grave, car faux et improductif. Il est des moments dans l’histoire des nations où la persuasion est meilleure que la répression…

En tout état de cause, dans le Maroc de la constitution de 2011, il est inadmissible d’imposer quelque chose par la force des mots, voire par l’usage de la force. Le Maroc est un et uni, et sa population aussi. Puissent les autorités patronnes des agents d’autorité faire montre d’assez d’autorité, sans nécessairement sanctionner – tel n’est pas l’objectif de ces lignes –, pour empêcher que le comportement de l’homme au mégaphone ne se généralise…

Aziz Boucetta

 

 

 

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