(Billet 454) – Sahara, Israël : ces chefs de partis qui marmonnent, qui ânonnent…

(Billet 454) – Sahara, Israël : ces chefs de partis qui marmonnent, qui ânonnent…

La semaine dernière, l’affaire du Sahara a connu une brusque et extraordinaire accélération : l’Amérique d’encore Donald Trump a annoncé sa reconnaissance de la marocanité du Sahara, mais en échange d’une normalisation des relations du Maroc avec Israël. Joie et chagrin dans les chaumières nationales, tiraillées entre leur attachement à la cause nationale et la sacralité dont ils entourent (un peu trop) l’affaire palestinienne. On a attendu alors la réaction des partis politiques, quelque peu affolés…

« Les partis politiques œuvrent à l’encadrement et à la formation politique des citoyens et des citoyennes, ainsi qu’à la promotion de leur participation à la vie nationale », nous informe gentiment l’article 7 de la constitution du pays. Cela signifie que les partis sont chargés d’expliquer aux populations la politique, les grandes décisions souveraines ou gouvernementales, le jeu de la politique nationale et les enjeux de la diplomatie… Exactement du type de celle dont le Maroc entier parle depuis quelques jours.

Alors, ils sont venus (car on les appelés), ils ont vu (ce qu’on leur a montré), et ils ont parlé… pour ne strictement rien dire… ou plutôt si, ils ont dit le contraire de ce qu’ils devaient. Dans ce deal avec Donald Trump, car il s’agit bien d’un deal, ce qui honore les Marocains plus qu’il ne les pénalise et les décrédibilise, il est dit que Washington reconnaît la souveraineté du Maroc sur son Sahara et que le Maroc rétablit des relations avec l’Etat d’Israël.

Qu’ont dit nos inégalables chefs de partis, sérieusement secoués mais néanmoins supposés nous encadrer et nous expliquer ? Ils ont tous exprimé leur fierté pour la partie Sahara, applaudissant bruyamment une négociation qui les dépasse, et ont tous réaffirmé leur plein et total soutien à la cause palestinienne. Notés dans un cours, ils auraient eu de mauvaises notes car ils étaient hors-sujet. On ne leur demandait pas de gloser sur la Palestine mais de causer sur les nouvelles relations qui nous uniront désormais à Tel Aviv. Mais de cela, ils n’ont rien dit, ou alors grommelé des choses montrant leur embarras, et pouvant gêner la diplomatie nationale.

Dans un mariage catholique, on dit cette phrase célèbre : « Si quelqu'un a quelque raison que ce soit de s'opposer à cette union, qu'il parle maintenant, ou se taise à jamais » ! Ils auraient mieux fait, nos « leaders » politiques, de se taire à jamais… En effet, leur retenue craintive et apeurée face à la question du rétablissement des relations économiques, puis diplomatiques, avec Israël rend un très mauvais service au pays, car elle montre l’absence de consensus (ne parlons même pas d’unanimité) pour cette très sensible question. En fait, la position retenue par les chefs de partis est « courage, fuyons ! », et laissons le preneur de la décision prendre les critiques… Les autres, ceux qui déclinent résolument leur opposition à cet accord, sont bien plus respectables !

Opposition et majorité, ils sont tous d’accord pour ne pas se prononcer, ou alors pour s’exprimer du bout des lèvres. Et plus dramatique est la position du PJD, parti supposé conduire la majorité, qui ne sait visiblement plus à quel saint se vouer. Le roi, qui a pris cette heureuse décision sur le Sahara et Israël ? L’opinion publique, que le parti de M. Elotmani ne quitte jamais des yeux, mais sur laquelle il craint aujourd’hui de surfer ? Ses membres, bien évidemment et en grande majorité plus inspirés par la Palestine que par le Sahara ? Les dirigeants seniors du PJD ne se sont pas vraiment exprimés, et Mohamed Amekraz, ministre de l’Emploi, a fait une sortie remarquée et balbutiante au micro d’une télé arabe.

Plus grave encore… Qui, parmi ces dirigeants partisans, osera un jour, demain, aller en Israël, rencontrer des responsables israéliens, signer des conventions avec eux, leur serrer la main devant des caméras ? Alors que le Maroc veut aujourd’hui jouer dans la cour des Grands, de tels personnages pourront-ils réellement porter haut la voix du royaume et faire honneur à sa diplomatie désormais offensive ? Autant de questions à se poser en cette année électorale 2021, où nous devrions choisir nos futurs responsables politiques...

Aziz Boucetta

 

 

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