(Billet 824) – L’afro-masochisme d’Emmanuel Macron

(Billet 824) – L’afro-masochisme d’Emmanuel Macron

Que le président français mente à sa population, et que ces mensonges soient avérés ou non, cela concerne la France et les Français, auxquels nous ne pouvons souhaiter que le meilleur du monde en ces temps troubles. Que ce président se couvre de ridicule en France ne nous regarde en aucune manière. Mais il est assez surprenant pour un président français d’enchaîner ainsi les humiliations sur un continent africain de plus en plus sûr de lui.

Emmanuel Macron, de l’avis de ceux qui le côtoient au quotidien et qui ont une bonne connaissance de son caractère complexe, est un homme imprégné de sa vérité, qui écoute peu et tient encore moins compte des avis divergents de cette vérité. Mais Emmanuel Macron est un homme qui peut se tromper, et à l’égard de l’Afrique, il se trompe lourdement. Sa vision du monde reste « hémisphériste », avec un Sud commençant aux Pyrénées et un Nord se réduisant au G7. Une vision géopolitique du monde qui souligne, voire accélère, ce que les Français eux-mêmes appellent le « déclassement de la France », que le monde constate.

Dans son discours de la semaine dernière sur « le Partenariat Afrique-France », le chef de l’Etat français conteste et récuse « la grille de lecture du passé ». Ce faisant, il plonge dans une forme de néo-postcolonialisme construit sur l’image d’un Occident faussement humble, « une humilité prônée avec une arrogance inouïe » pour l’écrivain Samir Chaouki, où ne manquent pas les « raccourcis condescendants et orientalistes » pour Abdelmalek Alaoui, président de l’Institut marocain d’intelligence stratégique.

Mais comment être humble en lançant frontalement au président Tshisekedi : « Vous n’avez pas été capable de restaurer la souveraineté ni militaire ni sécuritaire ni administrative de votre pays » ?... avant de se faire abruptement recadrer par son homologue ? Comment peut-on être humble en mentant effrontément sur les relations personnelles et amicales avec le roi du Maroc, qui répond indirectement et sèchement que « ces relations ne sont ni bonnes ni amicales »… Entre autres avanies de M . Macron qui se réclame d’une attitude empreinte d’humilité. Mais, disait La Rochefoucauld, « l'humilité n'est souvent qu'une feinte soumission, dont on se sert pour soumettre les autres ».

Pour synthétiser, ou simplifier, l’approche macronienne d’aujourd’hui conduit, a conduit, la France à une rupture majeure avec les nations francophones du continent africain sans garantir son ancrage sur les autres pays qui semblent être son objectif. Et cette rupture, une fois consommée, aboutira à une banalisation de la France en Afrique, d’où elle tire et retire, voire soutire, une part non négligeable de sa richesse financière et de son opulence minière.

Pour le Maghreb, la politique de M. Macron se fonde sur une singulière indigence géostratégique consistant à s’appuyer sur un Etat failli, l’Algérie, et un autre, en pause démocratique, la Tunisie. Cette politique hypothèque le sort des milliers d’entreprises françaises au Maroc, gêne les dizaines de milliers de ressortissants français vivant dans le royaume et compromet l’installation de nouvelles entreprises hexagonales dans le pays. Emmanuel Macron ne semble pas en mesure de comprendre qu’après son départ, la place de la France en Afrique, en général, et au Maroc en particulier, sera très sérieusement compromise. Quand, dans son discours, il évoque sa conviction que « le moment est venu de faire un choix et de savoir quel rapport nous voulons entretenir avec les pays africains », il devrait préalablement s’assurer que lesdits pays acceptent ce rapport, et quand il parle, huit fois, de « compétition », il devrait idéalement fonder le rôle de son pays sur une vraie culture de partenariat. Et de respect.

C’est ce respect qui fait défaut dans ses relations avec tant de pays dont les sociétés doutent aujourd’hui de l’utilité de la France, malgré ses écoles, ses entreprises, sa langue et son histoire bien ancrée à celle du continent. Dans ce type de rapport, c’est le temps qui compte et les Africains ont appris à compter sur le temps qui est en leur faveur. Car, dans la « compétititon » qui se joue désormais sur le sol africain, la France, jadis première, s’est laissée dépasser puis distancer par ses compétiteurs du G7 et d’ailleurs.

Pour le Maroc, le président français a depuis plusieurs mois aligné une politique du mensonge ou, au moins, du déni. Son annonce d’une visite au Maroc en octobre, faite début septembre dans la rue, un mensonge. Les « scandales européens » ou l’affaire des « écoutes, révélées par la presse », « un acte du gouvernement la France ? Non », répond-il dans un autre mensonge. « La France a-t-elle jeté de l’huile sur le feu ? Non ». Encore un mensonge que M. Stéphane Séjourné, porte-drapeau de son président d’ami, incarne.

Ces mensonges d’Emmanuel Macron dénotent d’un mépris certain pour ses pairs africains, à la consternation de ce qui reste de la diplomatie française, « mise en extinction » présidentielle. La Bruyère disait à juste titre qu’ « à quelques-uns l’arrogance tient lieu de grandeur ».

Mensonges en série, provocations en rafale, attitudes d’arrogance en cascade… telle est la marque de fabrique du président Macron qui, en toute insouciance, en parfaite inconscience, fait montre d’une inquiétante forme d’afro-masochisme. Que nos amis Français s’en accommodent, mais les Africains en général le refusent désormais et les Marocains en particulier le récusent.

Aziz Boucetta

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