(Billet 1024) – Cet Occident qui plonge, lesté par Israël
La pire des choses qui peut survenir à un être humain est l’indifférence face à l’horreur, une déshumanisation, et c’est ce à quoi le monde assiste aujourd’hui. Nous sommes dans une phase critique de l’humanité, car quand les hommes voient leurs semblables massacrer autant de leurs semblables et que rien n’est fait pour empêcher cela, on peut alors sérieusement s’inquiéter.
80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et alors que l’humanité, pour la seconde fois, après la Shoah, criait « plus jamais ça », voilà que « ça » revient. Et, aujourd’hui, « ça » se produit avec ce qu’on ne peut qualifier autrement que la complicité active, agissante et même enthousiaste de l’Occident. En effet, face à l’ampleur des massacres, au sadisme des dirigeants à Tel Aviv, à la méchanceté de l’armée israélienne, l’Europe et l’Amérique officielles ne se contentent pas de ne rien dire ou simplement de condamner avec retenue, mais elles laissent leurs polices sévir et réprimer et leurs médias désinformer et justifier.
Alors de deux choses l’une, en Occident : soit il est collectivement fou, criminel et complice de génocide, ce qui est peu probable, soit il connaît des restrictions à la liberté d’expression et d’indignation, et c’est ce qui survient aujourd’hui, précisément. Il n’y en a que pour les excités du sionisme violent, les cinglés du Grand Israël, les criminels qui se découvrent et se dévoilent et cette insupportable et hideuse caricature qu’est un Meyer Habib en France, qui va jusqu’à accuser la France de « trahison » après son vote à l’ONU en faveur de l’admission d’un Etat palestiniens de plein droit ! Et personne n’ose lui répondre…
Dans cette affaire israélo-palestinienne, on a le sentiment que les valeurs occidentales, survendues dans le monde, ont volé en éclats. Plus de liberté d’expression, plus de liberté de réunion, plus de libertés tout court dès lors qu’on s’indigne face à ce qui ressemble de plus en plus à un génocide… Le « deux poids, deux mesures » ne dérange plus personne, au CIO, à la FIFA, à l’ONU et même à la Cour pénale de justice, « empêchée » dans les coulisses d’adopter une position officielle qui se serait matérialisée par un mandat d’arrêt lancé contre Netanyahou, Ben Gvir, Gallant, Smotrich, ces dirigeants israéliens appelant ouvertement à exterminer les Palestiniens.
Dans les pays occidentaux, on assiste aujourd’hui à une avalanche de dénis de droits et du droit. Ainsi, en France, la conférence que devait donner un opposant au président et candidat potentiel à la prochaine présidentielle est interdite ; deux députés qui ont pris des positions sortant du mot d’ordre général ont été interpellés et entendus par la police ; des manifestations de soutien au palestiniens ont été interdites par la préfecture de police ; les universités ont été investies par les forces de l’ « ordre », les étudiants manifestants sur les campus délogés par la force, et une partie d’entre eux interpelée ; la loi est en train de changer pour y introduire des dispositions permettant d’arrêter les individus qui ne s’inscrivent pas dans la doxa officielle…
Somalie ? Afghanistan ? Tunisie ? Algérie ? Egypte ? Non, France, Etats-Unis, Canada ! Ces pays même dont les dirigeants poussent des cries d’orfraie dès qu’un dépassement en droits humains est enregistré ailleurs. Comment pourraient-ils encore jouer les maîtres et les parangons de vertu en matière de droits humains ?
Sont-ils devenus fous ? Faut-il vraiment qu’ils aient peur pour empêcher les manifestations et les expressions sur ce qui se produit à Gaza ? Faut-il vraiment qu’ils nourrissent d’aussi puissants complexes de culpabilité à l’égard du peuple juif qu’ils ont laissé massacrer alors qu’ils savaient, et qu’aujourd’hui, pour se « racheter », ils laissent faire cette folie meurtrière à Gaza ? Faut-il qu’ils aient vraiment peur pour empêcher le médecin recteur de l’université de Glasgow d’exprimer en public, aux médias et devant les élus parlementaires en Allemagne et dans la zone UE ce qu’il a vu à Gaza? Jusqu’à quand musellera-t-on les voix qui expriment la conscience des peuples ?
Dans ces pays-là, on incrimine l’expansion de l’islam mais on détourne les yeux face à un radicalisme juif de plus en plus marqué, teigneux, hargneux, vindicatif et agressif ; on accuse les musulmans de possible déloyauté mais on accepte les diktats des sionistes et des droites religieuses, les ordres du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), les imprécations d’un vulgaire Meyer Habib, les oukases de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) aux Etats-Unis, l’inhumaine méchanceté d’élus du Congrès, la coupable indifférence des dirigeants occidentaux…
Que vaut désormais cet Occident qui se laisse ainsi guider, sermonner, tancer, orienter par un gouvernement d’extrême extrême-droite israélien, dont les membres finiront un jour ou l’autre soit en prison soit en fuite, calfeutrés en Israël ? Quelle posture morale peut-il encore revendiquer ? Quelle résonance aurait encore sa voix dans le concert des nations ? Ne voient-ils donc pas que tout cela revient à la fuite en avant d’un homme, Netanyahou, soucieux d’échapper à la prison dans son propre pays ?
Mais la question qui reste à poser est celle-ci : Pourquoi et comment les opinions publiques occidentales, dans leur grande majorité, peuvent-elles s’accommoder de ce qui se fait en leur nom, qu’elles ne sont même plus capables d’indignation quand ils voient leurs professeurs d’universités piétinés et arrêtés, les étudiants tabassés et « gazés », les politiques brimés et réprimés ? Sont-elles donc à ce point lobotomisées, leurs pensées réduites à néant, à rien, leurs volontés annihilées ? Au point de constater la répression sauvage exercée contre ces jeunes et moins jeunes qui portent encore ce qui reste des valeurs humaines de cet Occident qui dit les avoir inventées…
Le monde change, certaines nations émergent et s’imposent, d’autres, occidentales, plongent et s’accrochent à cet Israël cruel pour mieux couler, au lieu d’avoir un sursaut de dignité, d’humanité et de sincérité qui montrerait que ces valeurs prônées ne sont pas discutables, comme cela se fait en Espagne, en Irlande et aussi en Belgique.
Rongés par le remords historique et mis sous pression, tétanisés par le gouvernement Netanyahou et ses relais occidentaux, les dirigeants de ces pays qui disent vouloir protéger Israël, ne se rendent même plus compte de leur incapacité à le sauver de… lui-même !
Aziz Boucetta
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