(Billet 1103) – 2024 s’en va sans trop de regrets... 2025 arrive sans trop d’espoirs
Au Maroc, on a coutume de dire que tout va bien, que tout ira mieux et que, au final, tout est bien pour qui sait rendre grâce à Dieu. La réalité est légèrement différente, sans pour autant être alarmiste. Loin de là… Mais bon, il faut reconnaître aussi que tout ne va pas au mieux dans le meilleur des royaumes, et des mondes aussi. Petit tour d’horizon sur cette année 2024 ni rose ni morose.
1/ La sécheresse. On a fini par s’y habituer, les jours pluvieux étant désormais rares. Il fut un temps où on démarrait l’année agricole en regardant le ciel, pour y scruter de la pluie et, le cas échéant, en gardant la même position, yeux levés au ciel, pour demander un peu d’eau salvatrice. On ne s’en donne même plus la peine, puisque la pluie, de toutes les manières, n’est pas au rendez-vous. On importe des céréales, de plus en plus, on fait venir de la viande rouge, de plus en plus aussi. Et on exporte toujours des cultures hydrophages. Pour savamment expliquer cela, on a trouvé le graal : la balance hydrique, selon laquelle on importe plus d’eau qu’on en exporte. Mais on n’explique pas comment on fait pour boire.
2/ L’emploi. En dehors du sourire éternel du ministre chargé de l’Emploi, on ne voit rien venir. En guise de politique gouvernementale pour lutter contre le chômage, engueuler le HCP qui donne les chiffres. Or, les chiffres, c’est bien connu, on leur fait dire ce qu’on veut, quitte à forcer un peu. Il y a aussi une autre politique gouvernementale pour lutter contre le fléau du chômage, et c’est le déni ou l’autruche. Et quand tout va mal, alors on appelle McKinsey à la rescousse. Quelques millions de DH pour donner bonne conscience au chef du gouvernement et à son ministre, ce n’est pas trop cher payé.
3/ Le Sahara marocain. De succès en victoire, d’acquis en reconnaissance, l’affaire est bien menée, rondement. Nasser Bourita veille, Omar Hilale surveille, l’« autre monde » se recroqueville, part en vrille. Dakhla se développe, Laâyoune se développe, l’adhésion internationale à notre souveraineté se développe. Les voisins nous insultent, signe et preuve qu’on marque des points. De toutes les manières, au Sahara, occidental ou marocain, on est chez nous !
4/ Le gouvernement. « Nous avons fait plus que les autres gouvernements, en seulement deux ans ». Ainsi s’exprimait Aziz Akhannouch, à son mi-mandat. Le chômage, il ne voit pas, l’inflation, il ne voit pas, les NEETs, il ne voit toujours pas (ce que c’est ?). Mais les chiffres difficilement vérifiables des réalisations tombent par milliards. Coué avait inventé la méthode, Aziz Akhannouch la développe, avec le sourire en prime.
5/ La France. Déchirée, tourmentée, éclatée, au bord de la crise de nerfs, la France a quand même et finalement reconnu notre souveraineté sur ce qui nous appartient et qui nous été enlevé voici un siècle et demi. Emmanuel Macron, contre l’avis de tous et contre le bon sens, a persisté à trouver une solution à un problème qui n’en a pas, en l’occurrence l’Algérie et ses relations avec la France. Puis il fit ce qu’il a mis 7 ans à faire, perdant beaucoup de choses dans l’intervalle : « Le présent et l’avenir… ». Depuis, l’ambassadeur de France n’a plus le temps de se gratter la tête ! On vous l’avait bien dit…
6/ Les Etats-Unis. On peut ne pas s’appeler Lincoln et pourtant déclencher une guerre civile ; c’est ce qui pend à la tête de Donald Trump. Il veut revenir sur bien des acquis, comme l’engagement des LGBT dans l’armée US ; il veut expulser massivement les migrants illégaux ; il veut lutter contre le wokisme et défendre la possession d’armes ; et il veut acquérir le Groenland, le Canada et peut-être aussi, dans la foulée, le Panama. L’homme à l’oreille blessée voit grand, veut sortir l’Amérique de sa glandeur et lui rendre sa grandeur.
7/ 25 ans de règne. Chiffre rond et un règne rondement mené, tout en finesse et en rondeurs. Ne rien dire qui puisse vexer, mais ne rien laisser dire qui vexe. Laisser faire le gouvernement mais parfaire son action ; défendre l’intégrité du territoire en développant les territoires ; développer la société en maintenant un (très) délicat équilibre entre progressistes et conservateurs ; parler au monde tout en surveillant « l’Autre monde ».
8/ Les Jeux Olympiques. Cette édition, pour le Maroc, s’est inscrite sous le signe du Zéro ; Zéro médaille (celle de Bakkali confirmant la règle), zéro niveau, zéros dirigeants, zéros délégations pléthoriques, zéro communication, zéro reddition des comptes, zéro révocations. Et, bien évidemment, zéro espoirs pour 2028.
9/ Les Marocains du monde. Ils sont plus de 5 millions de Marocains à vivre dehors. Ils sont de plus en plus instruits, de mieux en mieux en mieux formés, et ils envoient de plus en plus d’argent. De moins en moins dans la vieille Europe, de plus en plus dans de nouveaux pays d’émigration, de plus en plus de femmes. Le Maroc, on l’aime et on le quitte ; on le quitte en se promettant d’y revenir ; on y revient avant d’en repartir.
10/ La Moudawana. Elle doit changer parce que le Maroc a changé et il doit encore plus changer. Les femmes ne sont pas les égales de l’homme, et elles doivent le devenir. Elles exercent les mêmes professions, elles subissent les mêmes pressions mais elles sont défavorisées en matière de succession. Elles gardent les meubles mais n’ont pas le droit de garde ; elles sont sous la tutelle du Monsieur mais n’ont pas la tutelle de la progéniture. Elles peuvent être mariées jeunes avec de gros vicieux, sexagénaires mais nantis. Tout cela doit changer, mais Abdelilah Benkirane et ses frères et sœurs ne l’entendent pas de cette oreille.
11/ Abdelilah Benkirane… et quand on parle de l’ancien chef du gouvernement, voilà qu’il se rappelle à notre bon souvenir. Tonitruant et gesticulant, criant et admonestant, jurant et excommuniant, il ne sait plus où donner de la barbe. Qu’il dise ce qu’il veut, car ainsi est la liberté d’expression, mais puisse-t-il ne plus insulter son prochain comme un charretier, il est quand même ancien chef du gouvernement !...
12/ Aziz Akhannouch. Il dit qu’il délivre mais il ne livre jamais sa pensée, car il doit bien en avoir une… Il croit fendre les eaux mais c’est son paquebot gouvernemental qui prend l’eau, avec ses dérives et ses travers ; lancé à toute vapeur, il se dirige droit vers un iceberg nommé « opinion publique ». D’une gouvernance poussive au trafic d’influence supposé, du conflit d’intérêt avéré à son peu d’intérêt pour la communication, d’une érudition réduite à une ambition démesurée, Aziz Akhannouch est en passe de conquérir le peu enviable titre de « plus mauvais chef du gouvernement du Maroc indépendant », peut-être même avant. Et pourtant, il a de solides concurrents…
13/ Bourita, Hilale, Lekjaâ. Le trio de fer du Maroc, la triade de l’enfer pour l’Autre monde. A l’évocation de leurs noms, Tebboune ne dort plus et Chengriha est pris de démangeaisons. Ils ne cessent de pousser leur pion qui répond au nom de Ghali, mais en vain. Fouzi Lekjaa les met invariablement en position de hors-jeu, Omar Hilale prend plaisir à leur asséner des gifles au vu et au su du monde entier, amusé, et Nasser Bourita ignore leurs coups bas en les prenant de haut.
14/ L’Occident. Décadent et arrogant, menteur et bonimenteur, il a montré en Ukraine et en Israël que si les hommes sont en principe égaux, ils sont à leurs yeux inégaux. Près de 200.000 morts en Palestine, mais les Occidentaux ne s’alarment que pour les morts en Ukraine ; Israël court à sa perte et entraîne avec elle ses géniteurs occidentaux, qui sont assez stupides pour ne pas le comprendre. En Europe, Aux USA, c’est la droite extrême qui arrive aux affaires, russophobe, islamophobe, xénophobe ; aux USA, en Europe, c’est la peur de la déchéance, c’est le journalisme de meute, c’est le droit et les droits à géométrie variable. Les USA et l’Europe ont créé le concept de guerre mondiale, ont inventé la bombe atomique, et sont agressifs. On peut s’en inquiéter.
Et ainsi marche le monde, sur la tête, et ainsi avance le Maroc… cahin caha, cahotant sur le chemin du progrès, crapahutant sur ses ambitions d’émergence, il avance tout de même. 2024 ne s‘est pas trop mal terminée, malgré l’inflation, le chômage et l’incertitude, et 2025 commence plutôt bien, malgré le chômage, l’inflation et le défaut de certitudes.
Bonne année 2025.
Aziz Boucetta
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