(Billet 1129)–Trump :  ‘’Je serai dictateur le 1er jour’’ ... et après ? Après, on le reste

(Billet 1129)–Trump : ‘’Je serai dictateur le 1er jour’’ ... et après ? Après, on le reste

On savait que Trump I n’allait pas être de la même nature et facture que celles de Trump II, et le milliardaire républicain avait eu l’élégance d’en bruyamment avertir le monde. Il venait, sa rancœur en bandoulière et son verbe plus acéré que jamais, pour en découdre, pour se venger, pour rendre à l’Amérique sa grandeur, disait-il… Et il avait même tonné qu’il serait « dictateur, mais juste le premier jour » !

Et il a tenu parole. Sitôt installé dans le Bureau ovale, il s’est mis à signer des ordres exécutifs à tour de bras, vidant l’appareil administratif, judiciaire et politique de son pays de toute substance. Et pourquoi ne le ferait-il pas au demeurant, puisque les Américains de cette grande partie du pays qui court entre les deux océans, cette partie que les démocrates appellent avec quelque mépris et un zeste de condescendance le « fly over country », lui ont remis les clés de la Maison blanche, du Capitole avec ses deux Chambres, et de la Cour suprême, avec 6 juges républicains conservateurs (dont 3 nommés par lui) sur 9.

40 jours… avec Donald Trump, pas besoin d’attendre les 100 jours ; l’homme ne veut rien faire comme tout le monde. En 40 jours, il a déjà démantelé une partie de l’administration de son pays, confié le Department of Government Efficiency (ou DOGE) au grand éradicateur Elon Musk, armé d’une tronçonneuse et flanqué d’une bande de jeunes qui siphonnent aujourd’hui toutes les données, informations, indications, réglementations, de toutes les administrations et les entreprises américaines, y compris celles concurrentes de Musk ; ces jeunes de 20 ou 23 ans détiennent aujourd’hui des accréditations top secret dont ils ne comprennent pas toujours la portée ! Le président a supprimé les accréditations et protections de bien des anciens responsables centraux, a demandé à Musk d’être plus agressif dans son tronçonnage administratif, a entamé l’enterrement de l’USAID, a rompu avec l’OMS et s’apprête à le faire pour les Accords de Paris…

Il a nommé des complotistes et des idéologues aux postes-clés de son administration, et confie un rôle plus grand que prévu à son vice-président J.D. Vance, lui-même poussé et soutenu par l’inquiétant M. Thiel, Peter de son prénom, un farouche libertarien ennemi de la régulation et pourfendeur du rôle interventionniste de l’Etat. Le FBI est désormais bien tenu, le Pentagone aussi, le ministère de la Justice vacille sous les coups des trumpistes, la communauté du renseignement est mise au service du président et Musk placé au-dessus de tous. Enfin, pour renforcer son désir de vengeance de ce qu’il considère comme son élection volée de 2020, le président à signé l’ordre de grâce de près de 1.300 assaillants du Capitole en janvier 2021, des gens généralement armés et vindicatifs.

Puis arrive la politique étrangère. En quelques phrases et actions, Donald Trump écrase l’Europe, par son appétit déclaré pour le Groenland, encore sous tutelle de Danois sidérés, envoie son Vance de vice à Munich s’en prendre violemment aux Européens, déclare son empathie pour Vladimir Poutine et ménage Xi Jinping, dans l’attente de roucouler avec Kim Jung Un. Pour Gaza, il développe un plan surréaliste, déroule le tapis rouge pour le génocidaire Netanyahou, et demande à changer le nom de Cisjordanie en Judée Samarie.

Et puis, après avoir convoqué et légèrement tancé et bousculé Emmanuel Macron et Keir Starmer, le voilà recevant et tendant une embuscade à Volodymyr Zelensky, violemment attaqué par Trump et Vance, dans une sorte de deux contre un brutal, à la limite de l’ordurier. J.D. Vance prévenait les Européens qu’il y a un nouveau shérif en ville, en réalité un nouveau marshal mondial, avec autant de délicatesse et de finesse qu’un bulldozer en roue libre dans une maternité…

Donald Trump disait avant l’élection, avec un sourire inquiétant, qu’il « instrumentaliserait la justice », puis avait appelé à « abroger la constitution » et, il avait averti qu’il serait « dictateur le premier jour » ! Et après ? Et bien après, il pourrait le rester. La sauvage humiliation dont Zelensky a été victime le montre bien. Prendre le pouvoir par les urnes et le soumettre ensuite à sa volonté est une approche qui rappelle les années 20 et 30 du siècle dernier. Interrogé à cet égard, le grand historien américain Robert Paxton, l’un des meilleurs spécialistes du fascisme du 20ème siècle, après avoir refusé de qualifier Trump de fasciste, vient de changer d’avis et il le fait savoir. Le danger est là, le ver est dans le fruit, Big Brother n’a jamais été aussi proche, aussi bien équipé et aussi institutionnellement soutenu et idéologiquement porté.

Mais un dictateur, c’est aussi le coup de force permanent, et de fait, Donald Trump est en train de faire, avec son équipe, ce qui correspond parfaitement à un coup d’Etat. Sauf que contrairement à des pays africains aux institutions faibles, un coup de force institutionnel aux Etats-Unis prend plus de temps, nécessite plus de moyens et fait intervenir plus de monde. Le tout à bas bruit. La question est de savoir si tout cela est fait pour le seul Trump ou si, à l’inverse, celui-ci ne serait qu’un « marchepied » vers un projet bien plus pérenne et global, consistant à hisser au sommet du pouvoir le jeune J.D. Vance , discrètement manipulé par la Big Tech.

Avant les élections de mi-mandat dans la Grande Amérique, il serait judicieux de suivre les évolutions de cette mise au pas de l’administration américaine, de domestication de la démocratie dans ce pays et de mise en ordre de bataille du peuple MAGA. Le sort du monde en dépend en grande partie.

Aziz Boucetta

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