(Billet 1244) - CDG, retour sur investisseur

(Billet 1244) - CDG, retour sur investisseur

Tout ne va pas si mal dans le plus beau pays du monde... En effet, avec un chiffre d’affaires qui représente environ la moitié du budget général de l’Etat, la Caisse de dépôt et de gestion est l’une des institutions emblématiques du royaume, l'histoire d'un succès, même peu connu. Et dans le royaume, et même ailleurs, quand on brasse autant d’argent, on crée de la richesse, mais on crée également du fantasme. Où et comment est dépensé, ou investi, tout cet argent, et à quoi sert cette institution ? Dans un exercice d’ouverture et de transparence, la CDG a répondu à ces questions.

Le directeur général de la Caisse a donc récemment conduit un exercice de communication avec plusieurs représentants des médias nationaux, pour répondre à leurs questions. Toutes ? Toutes, ou presque, car dans ce genre d’établissements, une part de l’activité ne peut être révélée au grand public, du moins immédiatement. Et Khalid Safir de faire son teaser… « Vous allez entendre parler de nous dans les prochaines semaines… », glisse-t-il mystérieusement à une assistance gourmande d’infos mais qui n’en saura pas plus.

Il fallait s’attendre à une telle annonce et une telle approche car les défis à venir au Maroc dans les cinq prochaines années sont immenses, et nécessitent donc de la vision, de la prospection, de la sélection, et de l’engagement. Difficile quand même de convaincre qu’on fait tout cela quand on gère plus de 360 milliards de DH, la moitié du budget général de l’Etat. Et pourtant… Khalid Safir réfute d’emblée cette idée si profondément incrustée dans les esprits, à savoir que la CDG est une « caisse noire » de l’Etat. Et bien non, elle est régie par la loi, encadrée par la loi, et donc soumise à la loi. S’il est une institution étroitement contrôlée au Maroc, c’est bien la CDG, même si tout est perfectible, surtout la surveillance d’un tel organisme.

Qu’est-ce que la CDG ? Globalement, un groupe financier public au statut de tiers de confiance en sa qualité de dépositaire des fonds de la CNSS  et de certaines professions réglementées ; avec près de 450 milliards de DH d’actifs en gestion et une capacité de mobilisation portée à 100 milliards de DH pour 2030, la Caisse est un acteur puissant dans les métiers de la gestion de l’épargne et prévoyance, du développement territorial, du tourisme, de l’investissement et de la  banque & finance… d’un peu tout, quoi. La CDG, ce sont également 24 filiales opérationnelles et des participations dans 52 autres entités.

La multiplicité des activités fait de la Caisse un acteur central, fondamental de l’activité économique du royaume. Inscrivant ses différents métiers dans le privé, elle détient surtout un rôle public dans l’anticipation, la prévoyance et l’investissement. De cette puissance dépendent entre autres plusieurs régimes de retraite et les marchés financiers, l’aménagement du territoire (Hay Riyad à Rabat hier, Zenata à Casablanca aujourd’hui, en passant par Casablanca Finance City, et demain Laâyoune-Dakhla), les zones industrielles, le tourisme, … En outre, depuis quelques années, la CDG s’inscrit dans une forme de diplomatie économique qui ne dit pas son nom, et peut-être même qu’elle le dit, comme quand son directeur a plaidé, en Mauritanie, pour la nécessaire collaboration des caisses d’épargne du continent et, en creux, pour la mutualisation de ces institutions, pour le bénéfice de l’économie africaine.

Cela étant, celle qu’on appelle « le bras financier » de l’Etat gagnerait à plus de transparence et de communication sur les chiffres, dans le détail, sur les rendements, sur les enjeux, car la CDG gère les portefeuilles de bien des institutions, dont la CNSS. Ce qui a été conçu en 1959 n’est plus forcément valable, opposable et rentable en 2025, et sans doute que le dahir institutif de la Caisse devra être changé, actualisé, et la mission de la CDG profondément modifiée, pour répondre à des besoins plus spécifiques, plus mondialisés, et dans une logique, une approche, un impératif désormais de souveraineté économique, une expression récurrente dans le propos du patron de la Caisse. Peut-être que dans ce nouveau texte à venir, le rôle de la commission de surveillance sera renforcé, et peut-être aussi que les ressources de la CDG seront revues et corrigées… On en entendra peut-être parle, prochainement…

Dans l’attente, la CDG se projette dans sa vision 2030 (prononcez vingt-trente) qui devra la transformer, radicalement, tant au niveau des secteurs qu’elle investira et dans lesquels elle investira que dans la gouvernance. Vision 2030, ce sont 100 milliards de DH de financements mobilisables dans des secteurs stratégiques comme l’énergie et l’eau ou encore le numérique ; vision 2030, c’est aussi une amélioration de la gouvernance et un renforcement de la souveraineté économique du royaume.

Mais la CDG, d’ici là, aura changé de configuration à travers l’évolution de son statut. La prise de parole de Khalid Safir, généralement économe de son verbe, augure des grands chantiers à venir. Attendons donc les annonces à venir, elles seront de nature à profondément modifier l’économie nationale, en prévision des cinq années qui se profilent, et qui seront cruciales à bien des égards...

Aziz Boucetta

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