Les créances en souffrance, talon d’Achille du secteur bancaire
Le choc économique induit par la pandémie du nouveau coronavirus (covid-19) n’a pas été sans conséquences sur le secteur bancaire qui a vu son coût de risque monter crescendo au regard de la dégradation de la solvabilité de nombreux clients fragilisés par les effets néfastes de cette crise sanitaire.
Les dernières publications financières communiquées par quelque banques de la place témoignent d’un effort de provisionnement en nette hausse visant à couvrir les créances en souffrance ou encore d’un provisionnement prudentiel des encours sains, notamment sur certains secteurs impactés par la crise, provoquant, ainsi, des baisses drastiques au niveau des bénéfices semestriels allant jusqu’à 92%.
Selon les dernières statistiques monétaires publiées par Bank Al-Maghrib (BAM), le portefeuille des créances en souffrances détenu par les banques a frôlé les 75 milliards de dirhams (MMDH) à fin juin 2020, en augmentation de 11,9% en glissement annuel. Par catégorie de clientèle, les sociétés non financières privées sont à l’origine de 42,58 MMDH (+9,5%) de cet encours alors que les ménages enregistrent 32,44 MMDH de créances en souffrance avec une progression annuelle plus alarmante (+15,6%).
Afin d’évaluer la résilience des banques, BAM a mené un exercice de macro stress test sur la base de ses projections macroéconomiques de juin 2020 qui a fait ressortir hausse importante des créances en souffrance des principales banques en 2020 et 2021. Le taux de défaut moyen devrait passer, selon BAM, de 7,6% en 2019 à 9,9% en 2020 puis à 10,8% en 2021.
La dégradation de l’activité économique, induisant une baisse des revenus des ménages et une rupture du cycle d’exploitation des entreprises, serait à l’origine d’une augmentation éventuelle des créances en souffrance dont le ratio au crédit bancaire s’est quasiment stabilisé en 2019 pour la troisième année consécutive à 7,6%, avec un repli de 11,4% à 10,9% pour les entreprises privées et une augmentation de 7,6% à 8,5% pour les ménages.
D’après la Banque centrale, « les banques, dans le cadre de leur activité de prêt, font face au risque de non remboursement inhérent notamment au profil des emprunteurs, et des projets financés ou encore à l’évolution de la conjoncture ».
Veillant à préserver la qualité du portefeuille de crédit et assurer sa couverture par des provisions appropriées, BAM indique avoir « incité les banques à renforcer la surveillance des crédits, notamment par une meilleure gestion des dépassements sur les lignes de crédit autorisées et une gestion proactive des créances présentant des signes de difficultés ».
Par ailleurs, les niveaux actuels et attendus des créances non performantes ont incité la Banque centrale à explorer les mesures susceptibles d’alléger les bilans bancaires et de contribuer à donner une nouvelle impulsion à l’offre de crédit. Dans ce cadre, elle a décidé de lancer une étude sur les solutions visant à identifier et lever les contraintes en matière de recouvrement des créances et définir les prérequis à la mise en place d’un marché secondaire des créances en souffrance.
En outre, Bank Al-Maghrib a multiplié les consultations pour finaliser la réforme de la classification et de provisionnement des créances. A l’issue des consultations avec la profession bancaire sur la réforme de la classification des créances, BAM a retenu une entrée en vigueur progressive et en 2 étapes (fin 2022 pour les dispositions régissant les créances en souffrance et fin 2024 pour les dispositions régissant les créances sensibles).
En dépit d’une hausse prévisionnelle du risque de crédit conjuguée à une production de crédits au ralenti, les résultats du macro stress font ressortir la capacité des banques à respecter les exigences réglementaires. Elles subiraient, toutefois, les répercussions négatives de la crise sanitaire, en enregistrant une hausse des sinistralités, une réduction des résultats et une baisse de leurs ratios de fonds propres.
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