(Billet 988) – Congrès du PAM, le non-événement présenté comme avènement !

(Billet 988) – Congrès du PAM, le non-événement présenté comme avènement !

L’étrange, sinueuse et tortueuse marche du PAM se poursuit avec la tenue du 5ème congrès de ce parti qui, entre l’authenticité et la modernité, cherche toujours la légitimité. Ils ont tout essayé, œuvré et manœuvré, placé des secrétaires généraux et changé ces secrétaires généraux, et aujourd’hui, ils ont opté pour la curieuse idée d’une… présidence collégiale, qui posera problème à l’instant même où elle posera pied à terre, descendant de son nuage actuel.

Fatima Zohra Mansouri, Mehdi Bensaïd et Salaheddine Aboulghali composent donc la nouvelle direction collégiale du parti, ce qui tombe bien car, âgé de 15 ans, le parti est à l’âge du collège. Qui sont ces trois personnages ? Des jeunes… et comme chacun sait depuis Corneille, la valeur n’atteint pas le nombre des années, quand on est bien né, et c’est le cas. Mme Mansouri est maire de Marrakech, par deux fois, de 2009 à 2015, puis depuis 2021, et elle aussi ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville ; elle n’a pas brillé par des positions ou actions politiques inscrites à la postérité mais elle a pour elle la gouaille de Marrakech et la chamaille acquise à la bonne école du PAM ; on la dit dame de fer, elle n’est que l’une des jeunes, capable de tout faire quand on le lui demande. Mehdi Bensaïd est plus connu, plus présent et il est depuis 15 ans une des chevilles ouvrières du parti dans lequel il commença petite main avant de passer gros bras, puis d’embrasser toutes les tendances, avec un admirable sens de l’opportunisme politique (opportunisme étant une qualité en politique). Salaheddine Aboulghali, lui, est inconnu en dehors du parti, et peut-être même aussi en dehors de ses instances dirigeantes ; il doit avoir d’autres atouts, aussi peu connus que lui du grand public.

Alors ils sont donc trois à diriger, en lieu et place de Me Abdellatif Ouahbi. Mais pourquoi ce dernier est-il parti ? Selon les mauvaises langues, le parti ayant ses muses, celles-ci lui auraient demandé de ne pas rempiler, et il ne rempila point. Mais pourquoi lui auraient-elles demandé cela ? Parce que le SG Ouahbi a vu et entendu son nom circuler dans l’affaire Naciri-Bioui, dont il a été défenseur, parce que le ministre Ouahbi a fait bien des gaffes et autres sorties malheureuses, et parce que Abdellatif Ouahbi, plus généralement, est plus facteur de rejet que porteur de projet(s). Donc il est parti, confirmant l’instabilité désormais fameuse de la fonction de patron du PAM.

Alors, le congrès… 5ème en 15 ans avec 6 secrétaires généraux et aujourd’hui 9, dont une coordinatrice générale. Bien, quelle fut alors la teneur des débats, les enjeux, les perspectives, les courants ? Pas grand-chose, les non-débats ont tourné autour de la seule et unique question du remplacement de l’encore ministre de la Justice Me Ouahbi. Les cœurs et les chœurs retentissaient aux noms de Fatima Zohra Mansouri et Mehdi Bensaïd, et plus discrètement de Salaheddine Aboulghali. Qui choisir ? Mme Mansouri a l’atout d’être une femme (eh oui, ça ne plaira pas aux féministes mais c’est ainsi), M. Bensaïd est le mieux placé mais reste relativement jeune, et M. Aboulghali dispose de ses mystérieux atouts. Difficile de choisir entre les trois ? Alors on met les trois, dans ce que Mme Mansouri a joliment appelé un « secrétariat général à trois personnes mais non à trois têtes ! ». C’est beau comme une île grecque, mais c’est creux. En effet, la sagesse populaire marocaine est riche en dictons qui dénoncent, ou au moins doutent, de la responsabilité commune الوجه المشروك ماتاي تغسلش, ou encore يدي ويد القابلة و يخرج الحرامي عور. Et puis, soyons clairvoyants, le PAM s’est révélé incapable de s’entendre sur un nom, et cela pose problème pour le reste, même si Mme Mansouri a dit, redit, asséné et martelé l’utilité et l’importance du consensus dans la gestion politique du PAM.

En dehors de cela, rien. Pas de débat idéologique sur le positionnement d’un parti né uniquement par besoin d’opposition à un autre, le PJD. Pas de débat sur la coalition gouvernementale, partant du principe que « j’y suis, j’y reste ». Pas de débat sur les candidatures, les muses ayant décidé ! Pas de débat sur l’économie nationale, sur le positionnement international du royaume, sur les contextes mondiaux, sur l’Afrique, sur l’eau… pas de débat sur le scandale qui agite le parti et ajoute à son opacité inquiétante, face à certains très graves écrits commis et encore plus graves propos tenus sur  la « contamination » du PAM par des créatures douteuses et très justiciables, et non démentis… Rien, tout cela a dû faire l’objet de consensus, le fameux consensus qui advient quand l’accord fait défaut et que l’entente disparaît. Les trois nouveaux patrons arguent en revanche qu’ils veulent de la politique autrement, qu’un parti, ce n’est pas un homme ou une femme, mais des idées, qui peuvent donc être portées à plusieurs, et que leur objectif est de ramener les électeurs aux urnes, évitant ainsi en 2026 le spectre de 2007 et de ses 35% de participation (ce qui n’est pas très aimable pour Aziz Akhannouch, coupable de fait d’éloigner les électeurs).

Mais avant le consensus, la courtoisie politique… Dans sa prise de parole face aux journalistes, avec M. Bensaïd qui a intervenu pour ressasser ses éléments de langage sur la jeunesse, l’épouvantail de la désaffection électorale de 2007 … et aussi avec M. Aboulghali qui ne dit rien, mais sourit abondamment, Mme Mansouri a fait sa première gaffe, en égratignant au sang un parti de l’Istiqlal absent de la salle, mais qu’elle a évoqué sans le citer en parlant des dysfonctionnements que son parti ne connaît pas mais que d’ « d’autres connaissent, comme ceux qui n’organisent pas leur congrès dans les temps, qui n’arrivent pas à réunir leurs congrès régionaux … » Nizar Baraka appréciera.

Et quand on parle de courtoisie politique, que sera désormais la coalition politique gouvernementale, qui semble tenir plus par la courtoisie que par le programme ? Quid des autres ministres PAM dont personne n’a vraiment entendu parler au « congrès », Younes Sekkouri qui avait vaguement agité l’idée d’une candidature au secrétariat général avant de se rétracter face à l’indifférence générale, Leila Benali, furtive comme toujours, et les autres ? Rien. Et Aziz Akhannouch, comment composera-t-il aujourd’hui avec la nouvelle « trirection » du PAM ? Que fera-t-il d’un Me Ouahbi désormais démonétisé ? De quoi, comment et quand sera effectué ce fameux remaniement, sans cesse annoncé et sans cesse repoussé. Deux des membres du triumvirat sont déjà ministres, peut-être le 3ème le sera-t-il aussi ? Pourquoi pas à la Justice, tiens…

Bref, le congrès du PAM aura montré qu’après 15 ans d’existence, le PAM existe de moins en moins. Et au final, ce congrès fut ce qu’il promettait d’être, un non-évènement !

Aziz Boucetta

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