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(Billet 1117) - Trump, ou la loi à l'ouest du Pecos
Faire main basse sur le Groenland, s’emparer du Canada, reprendre le canal de Panama, faire de la bande de Gaza sinistrée une Côte d’Azur flamboyante… et pour tous ceux qui s’opposeraient à ces diktats, ces lubies, on applique au choix un collier de taxes à l’import ou un tapis de bombes au phosphore. Tel est, désormais, le monde selon Trump, le 47ème et, d’ores et déjà, le plus dangereux président des Etats-Unis, dangereux pour le monde et pour les Etats-Unis.
Donald Trump rappelle le juge Roy Bean, ce héros du Far West américain, immortalisé par Lucky Luke, juge à ses heures perdues, loufoque et multipliant les décisions saugrenues, une sorte d’Ubu américain qui officiait sur les territoires à l’ouest de la rivière Pecos dans le Texas. Il condamne les gens pour un rien mais à de fortes amendes ou taxes, qu’il module en fonction de son humeur ou de ses intérêts, comme le fait aujourd’hui Donald Trump. Mais Bean n’était pas aussi dangereux car il ne possédait ni arme monétaire ni arme nucléaire. Trump, si !
Ainsi va l’histoire occidentale… de loin en loin, un personnage hors du commun apparaît, conquiert le pouvoir plus ou moins légalement et… change le monde. Depuis Constantin qui a fait du christianisme une religion d’Etat dans la Rome finissante à Hitler, qui a causé les dégâts qu’on sait, en passant par Napoléon, ces personnages ont façonné le monde afro-euro-américain à leur convenance, ou l’ont laissé exposé aux conséquences de leurs actes.
Et puis Trump arriva, lui aussi le plus légalement du monde… enfin, plus ou moins. Survivant à deux tentatives d’attentat, d’assassinat – dont une l’a privé d’un bout d’oreille –, l’homme arrive triomphalement à la Maison Blanche, avec un blindage institutionnel rare dans l’histoire des Etats-Unis : un Capitole sous sa coupe avec ses deux Chambres et une Cour suprême à sa dévotion (3 démocrates et 6 Républicains, dont 3 nommés par lui-même). Il a envie de faire ce qu’il veut et il le fera, sachant que ce qu’il veut ne va pas nécessairement dans le sens du bien commun de la planète. Ni du bon sens commun.
Le voilà par exemple qui, après une courte préparation et un rapide coup d’œil au livre « la géopolitique pour les nuls », agit comme s’il décrétait la mort officielle de la vieille dame de New York, l’Organisation des Nations Unies. Le voilà, posé et posant avec Benyamin Netanyahou, un présumé criminel de guerre selon la CPI, le jour même où il décrète la sortie des Etats-Unis du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, tout un symbole ; puis, toujours avec son lugubre hôte que plus personne n’ose plus recevoir chez lui, Trump annonce sa volonté de prendre le contrôle de Gaza et d’en faire un paradis sur terre (peut-être un marché de plus pour la Trump Organization). Netanyahou est surpris, les Palestiniens sont surpris et meurtris, le monde est interloqué. Le président américain ajoute donc Gaza à son panier d’acquisitions, avec le Groenland, le Canada, le canal de Panama…
Seule consolation, Trump agit de sorte à allier le monde contre lui, et même les Etats-Unis ne peuvent affronter le monde, sur tous les plans, économique et technologique, militaire et diplomatique. Le monde s’organisera autour de lui, sans lui, autour de l’Amérique, en rognant l’Amérique. Selon Robert Paxton, le grand historien américain spécialiste des mouvements fascistes du 20ème siècle qui refusait de coller l’étiquette de fasciste à Trump, celui-ci l’est aujourd’hui devenu. « En recourant ouvertement à la violence civile pour invalider une élection [assaut du Capitole le 6 janvier 2021], Trump a franchi une ligne rouge. L’étiquette de « fascisme » semble désormais non seulement acceptable, mais nécessaire. On n’a pas affaire à autre chose. C’est vraiment ça ! », explique cet historien qui fait donc autorité en matière de fascisme. Et Paxton d’intégrer les autres mouvements européens d’extrême-droite dans sa nébuleuse fasciste, incluant Marine Le Pen et son Rassemblement national, Giorigia Meloni en Italité, Geerd Wilders aux Pays-Bas, et d’autres encore.
De quoi cela pourrait-il être le nom ? D’une submersion totale par des mouvements radicaux qui, loin d’unir les différentes colères, ce qui n’est pas leur but, se contentent de les agréger, navigant sur les plaintes et les peurs de toutes les franges de la société. C’est cela qui constitue le raz-de-marée auquel on assiste aujourd’hui. Une déferlante n’inquiétant pas le moins du monde les partisans de Donald Trump qui, soit ils n’en comprennent pas les soubassements soit ils y adhèrent.
Trump est en train de commettre un coup d’Etat aux Etats-Unis. Répétons, lentement, un coup d’Etat aux Etats-Unis. Cela a commencé le 6 janvier 2021… et après une pause de quatre ans où tout a été fait pour le mettre hors d’état de luire, cela a repris depuis le 20 janvier dernier. Trump disait qu’ « il (sera) dictateur le premier jour » et on ne peut que rendre hommage à sa sincérité et sa franchise ; ce qu’il n’a pas dit est que le premier jour, son côté dicatorial le conduira à nommer des personnages sulfuereux aux postes-clés de son administration. Et après ? Après, ces types se chargeront de perpétuer la dictature. Que l’on en juge : un climatosceptique complotiste à la Santé, un complotiste à la tête du FBI, un ancien officier de terrain, décoré mais alcoolique, ancienne star de télé au Pentagone… Tous ces gens répondent aux trois critères de la nomination : la loyauté, la loyauté, la loyauté.
Quant à Elon Musk, il sera en charge de dégraisser le mammouth administratif fédéral ; ce faisant, cet entrepreneur aura accès aux informations sensibles concernant tous ses concurrents ! L’homme aide Trump à solder ses comptes avec ceux qui, à l’étranger, ne l’ont pas soutenu. Allemagne, Royaume-Uni et France sont dans le collimateur ; Musk s’acharne sur l’Allemagne et le Royaume-Uni, et une certaine Candace Owens se concentre sur le couple Macron en France. Et comme il n’y a pas de petits profits dans la galaxie Trump, Musk et Owens favorisent et dopent les droites extrêmes de ces trois grands pays européens.
Voici comment, dans la légende de l’Ouest américain du 19ème siècle, le juge Roy Bean était présenté (entre crochets, une actualisation pour Trump) : « Après avoir survécu [évité] à la prison, à des duels [présidentiels], à une pendaison [un sniper], à la guerre de Sécession [à la guérilla urbaine] et au courroux des victimes de ses méfaits, il a fini par ouvrir un saloon [une Côte d’Azur] dans une zone de non-droit, désertique [Gaza], à l'ouest du Pecos [Jourdain]. Roy Bean [Donald Trump] lisait et écrivait péniblement, n’avait connaissance du droit et de la procédure que par les procès qu’il avait subis et ne se préoccupait des lois officielles que si elles servaient sa conception du bon sens et de l’ordre. Mais il s’est néanmoins imposé grâce à son autorité et à son verbe, par la ruse, la menace, des méthodes baroques et une jurisprudence toute personnelle ».
Toute ressemblance avec un « héros » du Far West sauvage est… édifiante. Terrifiante.
Aziz Boucetta
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