(Billet 1119) – A Casablanca, et ailleurs, les pharmaciens entre Ordre et désordre…

(Billet 1119) – A Casablanca, et ailleurs, les pharmaciens entre Ordre et désordre…

Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que le Maroc vit une période d’assainissement, serein pour changer cette fois… Pour les plus de 50 ans – et aussi les moins de 50 ans, informés –, ce mot « assainissement » renvoie à une période sombre de notre histoire récente, faite de brutalité juridique et de violence judiciaire, et policière. Aujourd’hui, les choses se font plus calmement, légalement et elles entrent, peu à peu, petit à petit, dans l’ordre. Mais la loi n’est pas encore respectée partout, et les professions dites « réglementées » sont déjà dans le collimateur juridique.

Ainsi des médecins, dont on parle de plus en plus ; des avocats, qui rechignent, se rebellent, mais trouvent des arrangements avec… le droit ; des architectes, déjà rudement épinglés par le Conseil de la Concurrence (on y reviendra) … et aujourd’hui, chez les pharmaciens, la situation n’est pas au beau fixe, à Casablanca entre autres. Le climat général de mise à l’ordre légal les atteindra-t-il ? Il devrait.

Ainsi, les pharmaciens sont tenus, on le sait, de respecter les horaires et autres périodes de garde, dans lesquelles un certain nombre d’officines doivent rester ouvertes et assurer les permanences, en rotations régulières. Seulement voilà, à Casablanca, par exemple, le problème non seulement ne trouve pas de solution, mais les écarts de conduite se multiplient, ceux de ces pharmaciens qui décident de ne pas respecter les rotations de garde et ouvrent « sauvagement », en toute anarchie, désorientant les clients et perturbant la saine compétition. Cela est facilité par le désordre qui règne au sein de la profession de pharmacien, avec des élections corporatistes qui tardent depuis plusieurs années ; la désorganisation, voire l’inorganisation va même jusqu’au point qu’aucun pharmacien n’est capable de dire le nombre d’officines à Casablanca, par exemple…

La régulation revient pourtant, selon la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie, au gouverneur de la province. A Casablanca, le wali Mohamed Mhidia fait des miracles, construit des ponts, perce des tunnels, déplace des quartiers entiers, verdit la ville dans son ensemble, vire les palmiers et les remplace par de vrais arbres, restaure des lieux d’histoire et de mémoire… mais cet homme cale devant les pharmaciens ! C’est curieux, mais c’est ainsi. Il est vrai que dans un Maroc à économie libérale où la concurrence est ouverte, les horaires d’ouverture des pharmacies ne devraient pas être réglementés et chacun devrait pouvoir travailler au rythme qu’il veut, dans le respect des législations et du code du travail. Mais justement, la législation prévoit des gardes en rotation ; il faut soit la changer, soit la respecter.

En se baladant dans le pays, en traversant des villes, villages et hameaux, on rencontre tout plein de réglementations, ici il y a des gardes, là non, ailleurs on compose, souvent on indispose. Certains pharmaciens, respectant les règles et se faisant doubler par des confrères qui agissent de leur propre chef, saisissent les autorités administratives pour remettre de l’ordre dans la profession et apporter un peu plus de clarté aux clients.

Mais pas à Casablanca, curieusement… curieusement pour deux raisons : d’abord une grande ville a besoin d’ordre et d’un minimum de discipline et ensuite parce que le wali a montré qu’il sait se faire respecter et, en passant, faire respecter l’ordre public. Lequel est quelque peu galvaudé, en raison de législations encore plus malmenées. Ainsi, les deux Conseils régionaux accusent un retard dans le renouvellement de leurs instances et les syndicats de pharmaciens, de compétences locales, sont pour ainsi dire désactivés par la loi mentionnée plus haut.

Et donc, comme dit la chanson, « chacun fait, fait, fait c’qui lui plaît, plaît, plaît », vu que le Conseil, non renouvelé, ne peut prononcer de sanctions, et même dans ce cas, le mis en cause peut interjeter appel devant une autre instance, compliquant d’autant le rôle du gouverneur ou du wali. Comment celui-ci pourrait-il être certain que les pharmaciens qui ouvrent « anarchiquement », sans respecter les règles, respecteraient les contraintes de leurs métiers (présence permanente d’un pharmacien responsable en officine, tenue des registres pour certains médicaments, …) ?

Dans l’intervalle, l’Ordre nage dans le désordre, le Conseil est à l’avenant et chacun est livré à lui-même, provoquant parfois le désarroi des populations. A Casablanca, le wali Mhidia a été saisi par des pharmaciens, mais sans réponse de sa part ; pourra-t-il, voudra-t-il, osera-t-il s’attaquer à ces dysfonctionnements ? Et dans les autres villes, les représentants de l’autorité laisseront-ils les choses aller ainsi à vau-l’eau ?

Il semblerait que, pourtant serein, l’assainissement ait ses limites et le bak-sahbisme de beaux et grands jours devant lui…

Aziz Boucetta

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