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(Billet 1122) – L’Europe, le continent le plus bête du monde (2)
Et il s’agit, bien évidemment, des dirigeants européens, pas de leurs peuples. Ces peuples-là pensent ce qu’ils veulent, comme ils veulent, quand ils veulent, et c’est le propre des démocraties, du moins telles que l’on nous les a présentées jadis, mais ils sont sévèrement contrôlés et encadrés par leurs gouvernants, qui en ont peur. Le discours du vice-président américain J.D. Vance à Munich, la semaine dernière, est éloquent et instructif à plus d’un titre.
M. Vance a en fait dit et confirmé ce que le monde savait depuis quelques temps déjà, en l’occurrence que les Etats européens, que les dirigeants européens dissimulent les faits pour taire les vérités, muselant et censurant tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Si cela était facile durant les décennies passées, l’actuelle réalité géopolitique a conduit à éventer le processus et l’état d’esprit malsains qui régissent aujourd’hui l’Europe.
Ainsi donc, après le grand mensonge révélé mais ignoré des armes nucléaires en Irak et l’invasion qui a suivi, après les indignes justifications des exactions répétées et chaque fois plus sanglantes des Israéliens à Gaza ou en Cisjordanie, après la guerre en Ukraine et surtout aujourd’hui, avec cette scandaleuse et insupportable couverture politique et médiatique du massacre de Gaza, les choses sont devenues claires. L’Europe est résolument liberticide chez elle, prétendument défenseuse des libertés ailleurs.
Le « directoire européen » agit en pouvoir synarchique et cela n’a rien de complotiste. Le pouvoir financier s’aliène la sphère politique, peuplée de gens de peu attachés à leurs intérêts, à travers l’accaparement du pouvoir médiatique. Le nexus politique-finance-médias est né, prospère et s’autoprotège par sa nature même. Il fait désormais le lit de l’extrême-droite et il s’apprête, comme aux Etats-Unis, à déclarer l’alliance du grand capital avec les fondamentalistes extrémistes de droite ; cela est déjà le cas en Italie, en Autriche, en Suède et aux Pays-Bas, la France s’apprête à franchir le pas, la Pologne hésite encore un peu…
Mais tous ces dirigeants ne comprennent pas et n’ont toujours pas compris, ou ne veulent pas comprendre, ou font semblant de ne pas comprendre, que la Russie n’est pas leur ennemie et qu’elle leur a même permis de faire prospérer leurs économies avec de l’énergie bon marché ; la Russie n’a jamais attaqué le continent, elle a au contraire, été plusieurs fois envahie par la Pologne, la France, l’Allemagne… Les Européens continuent d’acheter leurs armes aux Etats-Unis, de leur confier la défense du Vieux Continent, de soumettre leur politique étrangère à celle de Washington. Et ils taisent tout cela à leurs peuples, gavés de séries américaines et lobotomisés par des divertissements abrutissants… des peuples lentement, patiemment dépossédés de leur entendement, de leur libre-arbitre et de leur sens critique.
La censure bat son plein pour étouffer la pensée contraire à la doxa retenue, on bloque les médias véhiculant d’autres thèses, on bannit des plateaux celles et ceux qui pensent différemment, en ne tolérant que quelques-uns pour mieux donner le change ; souvent d’ailleurs, ces derniers sont humiliés en public. Un exemple illustre cela : Au début de la guerre d’Ukraine, les médias russes avaient été tout simplement interdits sur le sol européen mais quand, à la même époque, les dirigeants du Mali avaient décidé de suspendre la diffusion de RFI et France24, l’Europe, agissant en meute, a dénoncé « cette grave atteinte à la liberté de la presse », secondée et amplifiée par les protestations de Reporters Sans Frontières. Cette ONG, qui n’est finalement qu’une officine de propagande occidentale, comme Amnesty International, Freedom House ou encore Human Rights Watch, déroule sans aucun complexe sa politique du deux poids deux mesures.
Puis arrive l’ère des réseaux sociaux, qui libère la parole certes mais fait aussi la part belle au grand capital et à l’irruption de la Big Tech dans l’espace politique, bousculant les équilibres et le confort politique des élites classiques. En Europe, sur ces réseaux sociaux fortement cadrés et contrôlés, l’extrême-droite et la finance sont d’abord attaquées, avant que la parole ne soit finalement soumise, à travers et grâce à l’argent d’un grand capital de plus en plus droitisé. Et c’est la gauche régulatrice qui devient la plus ciblée, diabolisée, où qu’elle soit, accusée d’antisémitisme (contre les Juifs) et de laxisme migratoire (contre les Subsahariens et les Arabes, de préférence musulmans). On voit par exemple le sort, inexplicablement rude, réservé à la France Insoumise et à son chef Mélenchon en France…
Il en va différemment aux Etats-Unis où Donald Trump a su s’adresser aux différents groupes minoritaires, agréger leurs mécontentements et les mobiliser sous sa bannière. Il ne cache rien et ne se cache derrière rien, il dit ce qu’il pense et pense ce qu’il dit, il se lance garde haute contre l’école et les codes du genre, l’immigration, les entraves à l’expression, la régulation… Ayant été largement élu en promenant sur tout le territoire ses idées hégémoniques, racistes, xénophobes et nationalistes, il peut critiquer les Européens de ne pas faire pareil, et son vice-président J.D. Vance, la semaine dernière à Munich, a vertement tancé son auditoire européen, lui reprochant de brider la liberté d’expression, de bafouer les valeurs communes et, surtout, d’avoir peur des peuples. Il est vrai que l’instrumentalisation de la justice en France contre Marine Le Pen a de quoi questionner et inquiéter. Les Américains font pire aujourd’hui en matière de censure et de mise sous pression des médias et des juges, mais ils détiennent le trident du pouvoir actuel, puissance militaire, puissance économique, puissance technologique, et de ce fait, leur dénonciation des Européens est aussi intéressante qu’édifiante.
Cette guerre idéologique menée par Washington contre l’Europe est donc une guerre fratricide entre des Américains qui décident de prendre en otage, au grand jour, leur démocratie, qui versent de plus en plus rapidement dans des postures fascisantes, puis fascistes, et des Européens qui connaissent une radicalisation accélérée vers la droite extrême, comme on le voit un peu partout sur le Vieux Continent. La seule extrême-droite honnie en Europe est celle qui en Europe de l’Est, s’ouvre en direction de Moscou.
En définitive, nous avons affaire à une Europe des élites de plus en plus limitée idéologiquement, décomplexée et arrogante, frappée de cécité géopolitique l’empêchant de voir l’inéluctable rapprochement entre deux fascismes dominants, celui de Trump aux Etats-Unis et celui de Poutine en Russie. Quand cette union se fera, et elle se fera dans les prochains mois, quand la gauche européenne sera définitivement diabolisée et cornérisée, les survivants de la politique européenne pourront voir à loisir qui est leur ennemi existentiel dans le duo Russie-Amérique. Et même l’extrême-droite est-européenne finira par rejoindre ses consœurs de l’ouest du continent, après avoir été à Moscou et fait le tour par les Etats-Unis désormais amis à la Russie et « suzerains » de l’extrême-droite européenne occidentale.
Mais il sera trop tard… l’Ukraine sera pillée et mise en coupe réglée, le Donbass et la Crimée seront définitivement russes et leur sort réglé, Taiwan et le Groenland seront encore plus menacés et l’Europe, désindustrialisée, déconsidérée, décapitalisée… décapitée. Oui, les dirigeants européens ont fait de leur continent le plus bête du monde.
Aziz Boucetta
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