
(Billet 1125) - Il est temps que M. Akhannouch s'exprime sur les conflits d'intérêt !
On ne parle plus que de cela… dans les chaumières, dans les salons, dans les cercles politiques ou au sein de la société civile. Cela peut être la vérité, mais cela peut également n’être que des rumeurs. Et on sait que quand on ne tord pas assez vite le cou à une rumeur qui court, elle enfle, gonfle, s’installe et devient vérité. C’est d’autant plus regrettable que dans cette majorité, c’est essentiellement le RNI qui est soupçonné de conflits d’intérêts. Et son chef ne parle toujours pas…
La démocratie, pour rappel, repose sur les cinq piliers que sont le respect des libertés fondamentales, la séparation des pouvoirs, la tenue d'élections libres régulières, la souveraineté du peuple et le pluralisme politique. Ces cinq piliers sont d’une importance variant d’une démocratie à l’autre, et ils sont donc différents d’un pays, d’une nation à l’autre. Au Maroc, avec cette question de conflits d’intérêt, la démocratie ne saurait être réelle et forte sans la séparation des pouvoirs. Dans le sens où quand l’exécutif prête le flanc à la rumeur, c’est à la justice de rétablir la vérité, ou aux responsables de s’exprimer.
Quels sont les conflits d’intérêt que nous enregistrons aujourd’hui ? Il y en a assez pour confondre le gouvernement, si toutes les institutions fonctionnaient de manière optimale…
1/ Les hydrocarbures. Après la rumeur populaire et l’enquête parlementaire, la saisine du Conseil de la concurrence et l’imbroglio institutionnel que cet organe a connu, ce dernier a finalement rendu son avis. Oui, entente entre compagnies de distribution des carburants il y eut ; oui, amende il y aura, et il y eut. Et depuis, le Conseil continue de publier des rapports montrant que les prix sont toujours élevés.
2/ Le dessalement. On a dit que le groupement qui avait enlevé le marché de la station de dessalement de Casablanca était soupçonné d’avoir bénéficié de subventions et de s’être appuyé sur des informations formant délit d’initié… Dans le groupement figure une entreprise avec laquelle le chef du gouvernement a des intérêts, d’où le conflit d’intérêt…
3/ Le remaniement. De nouveaux promus sont venus s’ajouter à d’autres dans le gouvernement, et tous ceux-là ont travaillé ou entretiennent des relations avec le groupe du chef du gouvernement. C’est du moins ce qui est rapporté dans les médias, sans pour autant que M. Akhannouch intervienne pour explication.
4/ L’hydrogène vert. Un long article du Le360, daté du 27 janvier, détaille les raisons et les soupçons sur « le retard à l’allumage de l’hydrogène vert au Maroc », titre de l’article. Se référant à une déclaration hasardeuse de la ministre de la Transition énergétique Leila Benali, qui a l’habitude des embardées périlleuses et non calibrées, le journaliste termine son article sur « les soupçons de conflits d’intérêts qui pèsent sur le chef du gouvernement »…
5/ La spéculation. Récemment, dans une émission télévisée, le ministre de l’Industrie et du Commerce évoque la présence de 18 spéculateurs, qui jouent et se jouent des prix des denrées alimentaires. Cela vient se joindre aux soupçons divers et diffus sur la filière d’importation de viandes rouges.
6/ La Samir. La raffinerie objet d’un contentieux international est fermée depuis 10 ans. Cette situation met en péril, ou au moins gêne, la souveraineté énergétique du royaume. Le chef du gouvernement ayant été pétrolier dans une vie antérieure, il est régulièrement soupçonné de conflit d’intérêt, notamment par l’économiste Mohammed Benmoussa dans une longue lettre ouverte datée d’avril 2024.
Tout cela est peut-être vrai, peut-être abusif, mais tout cela, ça fait beaucoup. Contactés et interrogés, des proches du chef du gouvernement assurent que ces choses dites sont inexactes, à l’exception de l’entente entre pétroliers sur laquelle ces proches de M. Akhannouch n’insistent pas trop. Dans leur argumentaire, ils défendent leur ami, leur patron, leur bienfaiteur, et il faut reconnaître qu’ils ont des éléments de persuasion plutôt convaincants. Tout comme les pourfendeurs du chef du gouvernement.
La vérité doit se situer entre les deux versions, et à ce stade, seule une intervention d’Aziz Akhannouch pourrait lever les doutes et autres soupçons. C’est, en toute simplicité, cela la démocratie… elle passe certes par des élections libres et régulières et par la séparation des pouvoirs, mais elle implique aussi un certain respect pour les citoyens, transformés tous les cinq ans en électeurs. Or, ces derniers, aujourd’hui, sont accablés par un certain nombre de choses, dont en premier la hausse des prix des denrées alimentaires. Ils aimeraient bien savoir et se faire eux-mêmes une idée de ce qui se produit dans le pays.
Le chef du gouvernement est doublement impliqué et concerné dans ces prix, d’abord en sa qualité de chef de l’Exécutif et de la majorité, et ensuite pour ses fonctions anciennes à la tête de ses entreprises. On sait que s’exprimer et communiquer ne fait pas partie des qualités premières de M. Akhannouch, qui a en a pourtant beaucoup, mais dans la conjoncture présente, une sortie médiatique, publique, serait hautement salutaire.
Aziz Boucetta
Commentaires