Coups bas en politique, par Bilal Talidi

Coups bas en politique, par Bilal Talidi

En termes de temps politique, les six mois de vie qui restent à ce gouvernement sont un délai très court pour faire évoluer l’opinion publique, sauf si des événements exceptionnels ou extraordinaires surviennent, qui changeraient la configuration de la scène politique ou qui toucheraient à la sécurité et/ou la stabilité du pays !

Les défis qui se posent à la question de l’intégrité territoriale et le virage imprimé dans son traitement impliquent un renforcement  du front intérieur et requièrent de prendre soigneusement garde à ne pas ébranler la stabilité politique au Maroc. De plus, durant ce mois de septembre, surtout ce mois-ci, qui précédera le scrutin législatif du 7 octobre, il est plus qu’important d’assurer cette stabilité politique. Il ne reste donc plus que trois mois à vivre à la configuration politique actuelle.

Cela étant, certains indicateurs apparaissent, montrant la réaction et la résistance au temps politique qui sert plutôt le PJD. Ces indicateurs ne prennent pas en considération la situation sérieuse que vit aujourd’hui la question de l’intégrité territoriale, pas plus qu’ils tiennent compte des possibles réactions du PJD à la conjoncture politique.

Les choses, donc, avaient commencé avec les propos de Salaheddine Mezouar qui avait, par deux fois, attaqué le PJD, bien que rien dans le contexte politique ne pût justifier ces charges. Mais le paradoxe est que ces déclarations soient intervenues concomitamment à la crise que traverse l’affaire du Sahara. Il eût fallu, en pareils moments, montrer une image intérieure de stabilité de la scène politique nationale et son aptitude à faire front contre toute adversité.

Aujourd’hui, un autre coup est porté au gouvernement, rappelant ce qui s’était passé dans les temps morts de celui d’Abderrahmane el Youssoufi. Cette fois, c’est le ministre des Finances qui répond à un courrier à lui adressé par les groupes du PAM et de l’USFP à la Chambre des conseillers, affirmant – contrairement au chef du gouvernement – qu’il y aurait une possibilité de recruter d’un coup les enseignants stagiaires, avec une première vague en 2016 et une seconde en 2017, et qu’il suffit pour cela d’émettre une décision ou un décret réglementant les conditions d’un concours de sortie qui concernerait tous les jeunes enseignants.

En langage politique, voici ce que dit le ministre des Finances : « Le problème que le chef du gouvernement estime sans solution juridique est en réalité un problème politique issu de son entêtement, mais le ministère des Finances suggère une porte de sortie administrative et technique pour résoudre cette question, si Benkirane se fait plus souple, moins rigide, et entérine l’issue politique ».

Sans entrer dans une polémique juridique et constitutionnelle autour des attributions du ministre des Finances et sur son droit à s’exprimer sur cette affaire sans le feu vert de son chef du gouvernement, nous porterons notre attention sur la dimension politique de son acte, qui sert l’opposition et fragilise politiquement son chef en plaçant la balle dans son camp et en conférant à ce problème un caractère politique qui ne fait que renforcer la crispation sociale naissante par sa légitimation, une légitimation venue directement du cœur même du gouvernement.

Il y a, là aussi, un paradoxe, qui est que les coups bas que certain(e)s parti(e)s avaient pris l’habitude de porter pour saper les fondements des précédents gouvernements réformateurs respectaient une logique dans le timing politique. Aujourd’hui, une autre lecture des événements est apparue… en effet, selon cette lecture, même si le timing est mal choisi pour charger sabre au clair, il n’en demeure pas mois que la sagesse du PJD consistant à éviter toute crise politique nuisible au pays et à privilégier la cohésion avant toute autre considération justifie tous les coups bas possibles, partant du principe que l’affaiblissement du PJD est chose ardue qui nécessite du temps, du souffle et une longue haleine… que pour fragiliser ce gouvernement, il faut en un mot s’y prendre tôt.

Or, il est probable que l’ampleur de ce coup porté au PJD pourrait avoir un impact différent sur ce parti, qui pourrait dès lors prendre d’autres orientations, puisque le temps politique joue en sa faveur.

Notre pronostic est que vers la fin avril, quand les évolutions internationales de la question du Sahara seront connues, le temps de la réaction du PJD sera venu, et alors on saura s’il décide de riposter avec force ou si, à l’inverse, il continuera d’avaler des couleuvres et d’encaisser autant de coups, même bas.

Akhbar Alyoum

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