Le viol… de la modernité, par Sanaa Elaji
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- 15 février 2017 --
- Opinions
Et nous voilà face à une nouvelle affaire de mœurs, mettant en scène cette fois le directeur général de 2M Salim Cheikh, accusé de viol par une ancienne stagiaire de la chaîne.
Sur le plan du principe, nous ne pouvons nous réclamer de droits de l’Homme et de modernité, de religion et de morale, et afficher en même temps une certaine indifférence face à un viol, pour la seule raison que les comportements de la victime ne nous plaisent pas ou parce que celui que l’on accuse de viol est une célébrité ou un ami… Que cela soit en droit ou en religion, le viol est un crime, un crime condamnable et condamné indifféremment de la personnalité de la supposée victime ou du présumé coupable.
Et toujours sur le plan des principes, nous ne pouvons absolument pas justifier, de quelque manière que cela soit, les actes de harcèlement que subissent les femmes sur leurs lieux de travail, quelles que puissent en être les explications. Quand un homme en situation de responsabilité entretient une relation affective ou plus avec une femme placée sous son autorité, cela peut fortement prêter à conséquence et conduire à de légitimes soupçons de harcèlement sexuel. Et c’est précisément pour cette raison que dans les plus grandes multinationales, quand une relation conjugale et/ou intime intervient entre deux personnes hiérarchiquement inégales, leurs chefs les séparent en les affectant chacun dans un service distinct.
Les accusations de la jeune femme de 2M peuvent être fondées, et dans ce cas il nous appartient de lui témoigner toute notre solidarité. A l’inverse, elles peuvent être calomnieuses, et alors notre solidarité irait à Salim Cheikh et aux autres victimes de chantage ; et cela ne dépendra aucunement de nos jugements personnels sur les acteurs du viol. La solidarité doit aller, par principe, à la victime : celle du viol ou celle du chantage.
Mais, du fait que nous ne disposons pas encore de toutes les données de cette affaire, il n’est pas normal que nous ayons fait pleuvoir autant d’accusations, d’attaques et de mépris sur cette jeune femme qui, rappelons-le, peut effectivement avoir été victime de viol. Comment pourrions-nous alors, à l’avenir, convaincre les femmes violées ou harcelées d’aller porter plainte contre leurs agresseurs, que nous savons hanter les couloirs de nos administrations publiques ou privées ? Comment pouvons-nous encore dérouler des discours de morale religieuse pour les uns, de droits et de modernité pour les autres, alors que tous, ou presque, nous accablons des femmes qui crient au viol et qui ne mentent pas forcément ?
Nous devons prendre conscience de nos attitudes, volontaires ou non, qui vont à contresens de nos discours et des valeurs que nous y défendons, nos positions évoluant en fonction de la personnalité des protagonistes, de l’amour que nous leur portons, de l’attachement que nous leur montrons, de leurs appartenances politiques ou de leurs ancrages idéologiques…. D’un ensemble de considérations fort éloignées des principes et de la raison, pourrait-on dire. Et cela doit fortement nous interpeller, puissamment nous questionner sur nos valeurs et notre conscience.
Et donc, avec toutes les réserves pour cette affaire dans laquelle Salim Cheikh peut être tout à fait innocent mais où la victime peut elle aussi avoir dit la vérité, il nous appartient de hiérarchiser nos concepts :
1/ La tenue vestimentaire d’une femme ou le fait qu’elle accepte d’accompagner un homme dans sa chambre d’hôtel ne donnent pas à ce dernier le droit de pleine jouissance du corps de la dame ;
2/ D’une manière générale, et dans le respect de la vie privée des gens, de leurs relations affectives, voire même sexuelles, passagères ou non, il nous faut admettre qu’une personne occupant une fonction de responsabilité doit éviter de mêler son travail à sa vie intime. Quelles que puissent être les bonnes intentions, entretenir une relation affective ou intime avec des collègues ouvre la voie à l’amalgame et permet toutes sortes d’interprétations de harcèlement sexuel ;
3/ Les agressions sexuelles, les actes d’exploitation contre plus faible que soi, les harcèlements sous toutes leurs formes… tout cela est à bannir absolument, définitivement. Quelles qu’en soient les explications, religieuses ou modernistes. Point à la ligne.
Al Ahdath al Maghribiya (traduction de PanoraPost)
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