L’ancien bâtonnier de Paris apporte son témoignage sur le procès Gdim Izik
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- 20 mars 2017 --
- Opinions
Depuis le début du procès des accusés de Gdim Izik, des associations se livrent à une lutte tendant à expliquer, voire à affirmer, que le procès est politique et que les droits de la défense ont été bafoués, le sont et continuent de l’être. Et pourtant, le procès est suivi par des observateurs internationaux pour éviter précisément ce genre d’accusations. Mais un autre témoignage, de l’ancien bâtonnier de Paris et d’un de ses confrères, apporte un autre éclairage sur le déroulement des choses.
Ainsi, selon l’agence algérienne APS, « les observateurs internationaux, qui assistent au procès des 24 prisonniers politiques sahraouis à Rabat, se sont dits samedi préoccupés par l’absence des marques d’un procès équitable, estimant que le procès relève de la persécution politique plutôt que de la justice ». Et l’agence de faire témoigner directement lesdits observateurs qui clament que « nous, observateurs internationaux, présents au procès du groupe de Gdim Izik qui se tient actuellement devant la Cour d’Appel de Salé, au Maroc, sommes préoccupés par l’absence de marques d’un procès équitable (…). Nous voulons faire savoir que le procès intenté contre le groupe de GdimIzik relève de la persécution politique plutôt que de la justice ».
Ces observateurs viennent au Maroc de France, du Portugal, de Norvège, d’Espagne et d’Italie. On peut constater qu’ils agissent comme bon leur semble au sein du tribunal, s’expriment avec qui ils le souhaitent, et apportent le témoignage qu’ils pensent utile.
Pour leur part, l’ancien bâtonnier de Paris qu’est Me Yves Repiquet et Me Emmanuel Tawil, avocat au Barreau de Paris, apportent également leur perception des choses, et du procès. Ils ont à cet effet publié une tribune. La voici :
Le procès des évènements de Gdim Izik qui s’est ouvert devant la Cour d’appel de Rabat-Salé n’est pas un procès politique. Les faits que la justice du Royaume du Maroc examine sont des actes purement criminels.
Un bilan sanglant : 11 morts et 74 blessés
A partir de la mi-octobre 2010, un camp comprenant d’abord plusieurs centaines puis plusieurs milliers de tentes fut installé à quelques kilomètres de la ville de Laâyoune, au lieu-dit Gdim Izik. Les manifestants entendaient attirer l’attention sur les difficultés économiques et sociales qui perduraient au Sahara.
Le Gouvernement Marocain engagea rapidement des négociations avec un Comité composé de représentants désignés à l’initiative des chefs de tribus. Elles aboutirent à des engagements importants de l’Etat : création de plusieurs milliers d’emplois publics ; soutien financier apporté à plusieurs milliers de familles ; distribution de plusieurs centaines de lots de terrains à bâtir.
En l’absence de toute infrastructure adaptée, un tel campement posait de sérieux problèmes sanitaires. L’inévitable démantèlement du camp fut entrepris, sans arme, le 8 novembre 2010.
25 activistes sahraouis, disposant d’argent, de véhicules 4/4 et d’armes blanches, en profitèrent pour tenter de déclencher un soulèvement et semer la mort dans les forces de l’ordre désarmées. Le bilan de leurs actes criminels est lourd : 11morts, parmi les forces de maintien de l'ordre qui étaient désarmés ; 74 blessés. Aux assassinats à l’arme blanche au cri de « Allahu Akbar », ils ajoutèrent l’ignominie de la profanation des corps de leurs victimes.
Plusieurs d’entre elles n’avaient pas vingt ans.
Les auteurs des crimes de Gdim Izik, condamnés en 2013, sont de nouveau jugés depuis le 26 décembre 2016. Ce procès, en présence de dizaines d’observateurs internationaux, fait suite à la décision de la Cour de cassation qui a renvoyé l’affaire à la cour d’appel de Rabat-Salé.
Ils nient et méprisent leurs victimes
Depuis la première audience, la majorité des accusés ont revêtu l’habit, ou plutôt le masque, de militants d’une cause indépendantiste et refusent de reconnaître leurs victimes. Ils contestent la recevabilité de la constitution de partie civile des familles des victimes et refusent de répondre aux questions posées par leurs avocats.
Les accusés et leurs avocats ne cessent de contester l’impartialité de la justice marocaine et reprochent à la Cour d’appel de ne pas accepter d’entendre, en français, les avocats français. Ils essaient de faire de ce procès une tribune politique ; ils hurlent des slogans indépendantistes, en affirmant que le Maroc serait une puissance occupante au Sahara.
Ces avocats ont trouvé l’oreille attentive de diverses organisations non gouvernementales et de quelques très rares parlementaires en Europe, qui soutiennent depuis longtemps l’action les séparatistes sahraouis. Ces organisations ont délégué au procès des observateurs, qui prétendent que le procès serait inéquitable car la Cour d’appel ne serait pas impartiale.
C’est faux. La tenue du procès devant la Cour d’appel est en elle-même le signe de l’indépendance du système juridictionnel marocain, puisque ce procès a lieu après que la décision rendue par un tribunal militaire a été cassée. Quant au reproche de ne pas respecter les droits de la défense, il repose sur l’impossibilité pour les avocats français de plaider dans leur langue. Et c’est sur cela qu’ils osent mettre en doute le respect du droit au procès équitable !.. L’usage de l’arabe devant les juridictions marocaines est obligatoire et découle de la convention franco-marocaine d’entraide judiciaire. Imagine-t-on des avocats marocains plaidant en arabe à la Cour d’appel de Paris ? Evidemment non. Pourquoi exiger du Maroc ce que l’on ne saurait exiger de la France ?
A la veille de l’ouverture du procès, l’un des accusés a obtenu du comité contre la torture des Nations Unies une décision étrange qui, sans constater le moindre acte de torture, reproche au Maroc plusieurs violations de principes découlant d’une interprétation contra legem de la Convention de 1984. Malgré l’écart considérable entre la lettre de la Convention et cette interprétation, la Cour d’appel a accepté de tenir compte de la décision : le 25 janvier 2017, elle a nommé plusieurs experts pour examiner les allégations de torture. Leur réalité sera, ou non, confirmée par les rapports des experts. Des suites judiciaires devraient être données s’il s’avérait que des policiers avaient commis de tels actes.
En tout état de cause, rien ne saurait justifier ou excuser de tels assassinats et la profanation de dépouilles.
Avocats de victimes de Gdim Izik, nous voulons le rappeler.
Avocats de victimes de Gdim Izik, nous voulons rappeler qu’une cause politique ne justifie pas la mort d’un être humain.
Avocats de victimes de Gdim Izik, nous demandons que la responsabilité des auteurs de ces crimes soit établie et sanctionnée ».
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