La neutralité des mosquées est le meilleur rempart contre la fitna, par Ahmed Aassid
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- 10 juin 2017 --
- Opinions
Ce que nous craignions s’est finalement produit, quand nous disions que l’intrusion de la religion dans le conflit social et/ou politique ne pouvait aboutir qu’à des catastrophes. La religion est une affaire privée et personnelle et non un instrument de gestion des différends entre le pouvoir et la société ou entre factions de cette même société.
Nul ne peut prétendre maîtriser les surenchères qui résultent de pareils dérapages et qui peuvent dépasser toutes les prévisions, ainsi que cela s’est produit dans certains pays moyen-orientaux aujourd’hui exposés à des destructions massives.
Les manifestations et mouvements de rues, ainsi que le débat public qui s’attelle à discuter de questions politiques et d’affaires de gestion publique doivent avoir pour théâtre les médias, les salles publiques, la rue ou, plus généralement, des lieux dédiés à cela. Ces débats ne doivent pas se tenir dans des mosquées car ce ne sont pas les endroits idéaux pour l’expression des différences et des différends, que les protagonistes soient de simples citoyens, l’Etat ou des courants sociétaux.
En conséquence, lorsque le pouvoir, ou un individu ou un courant de la société œuvre à instrumentaliser une tribune religieuse donnée pour adresser des reproches à certaines gens ou les accabler d’accusations ou encore régler des comptes, cela ne saurait être considéré que comme un abus inadmissible.
On a constaté qu’à chaque fois qu’un imam s’en prend aux autorités, le ministère des Affaires islamiques s’estime offensé, agit avec fermeté, sanctionne et réprime. Mais quand c’est quelqu’un d’autre qui est attaqué, le même ministère détourne les yeux et laisse faire. Or, personne ne doit être offensé dans une mosquée ou à partir d’une mosquée, car les lieux de culte ne sont tout simplement pas faits pour cela.
On se souvient qu’un courant religieux avait par le passé condamné cette instrumentalisation des mosquées par le pouvoir politique alors même qu’il oublie que lui-même avait agi de même avec certains imams qui lui sont inféodés, et qu’il avait observé le silence quand d’autres courants religieux radicaux avaient usé et abusé des mosquées pour faire passer leurs messages.
Mais les résultats sont les mêmes, toujours et partout, les mêmes causes engendrant les mêmes effets et l’usage des lieux de culte par telle ou telle autre partie aboutissant aux mêmes résultats, à savoir étiqueter les gens sur le plan religieux et dresser les uns contre les autres, en plus de négliger les vrais problèmes et créer la zizanie pour des sujets secondaires qui ne sont pas ceux qui assurent la dignité des individus en les considérant sur un pied d’égalité.
Ainsi, à Kelaât Sraghna, on a assisté à des affrontements entre la population et les forces de l’ordre quand le ministère des Affaires islamiques avait œuvré à écarter un imam que les croyants voulaient voir maintenu à son poste et qu’ils avaient voulu imposer aux autorités. Et c’est la grande question : pourquoi un imam est-il révoqué par sa tutelle ?
Si c’est parce qu’il a dressé des courants contre d’autres, qu’il a incité à la haine ou à la discrimination, ou qu’il est inféodé à telle chapelle religieuse ou politique, le défendre se révélerait une tâche ardue, voire impossible, car dans les pays sous-développés, trouver de tels imams est une chose de plus en plus habituelle. Mais cela ne saurait être une raison pour les soutenir dans leur volonté de fitna, surtout que les gens précarisés et/ou marginalisés trouvent dans la radicalisation un dérivatif à leurs problèmes. Face à de telles situations, la solution n’est pas d’encourager le radicalisme mais de s’engager sur la voie du développement, en préservant la neutralité idéologique et politique des lieux de culte.
Les mosquées sont des endroits où l’on prie, où l’on se recueille et où l’on reçoit des messages de paix. Si elles basculent en tribunes pour attaquer ceux-ci ou ceux-là, elles ressembleraient alors aux partis politiques ou aux médias, et les personnes ciblées seraient donc en droit d’user de leur droit de réponse dans ces mêmes mosquées ; mais comme elles ne peuvent pas le faire, alors cela engendre des tensions et des heurts, comme cela s’est récemment produit à al Hoceima.
Nous l’avons dit, nous le redisons et nous ne cesserons de le dire : la neutralité des lieux de culte est un des principes fondamentaux d’un Etat de droit et de la citoyenneté, cette idée qui assure et impose l’égalité de tous. Et à l’inverse, l’implication de ces endroits dans les conflits idéologiques et politiques est un des signes de la précarité d’un système et de la précarisation de ses citoyens et, par-là même, de l’instabilité de l’ensemble.
(Traduction de Panorapost.com)
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