Le discours royal, des attentes déçues aux faits avérés, par Aziz Boucetta
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- 21 août 2017 --
- Opinions
Depuis le discours du roi Mohammed VI à l’occasion de la fête du Trône, le 29 juillet, les commentaires allaient bon train sur la teneur probable de celui du 20 août ; les uns attendaient une grâce globale des détenus d’al Hoceima, et les autres prévoyaient des sanctions exemplaires contre… tout le monde. Il n’en a rien été, le chef de l’Etat a orienté son discours sur l’Afrique. Pourquoi ?
La situation à al Hoceima a déjà été évoquée dans le discours précédent
Le 29 juillet, on le sait, le roi avait adressé à la nation un discours d’une rare virulence, aux critiques particulièrement acerbes contre les dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires, ou du moins une partie d’entre eux.
Dans ce discours qui laissait paraître de la colère mêlée d’amertume, le roi Mohammed VI avait dit : « Si le Roi du Maroc n’est pas convaincu par certaines pratiques politiques, s’il ne fait pas confiance à nombre de politiciens, que reste-t-il, donc, au peuple ? A tous ceux qui déçoivent les attentes du peuple, Je dis : Assez ! Ayez crainte de Dieu pour ce qui touche à votre patrie… Acquittez-vous pleinement des missions qui sont les vôtres, ou bien éclipsez-vous ! ».
Quand le roi du Maroc, qui détient le pouvoir que l’on sait, affirme cela, chacun est en droit d’attendre des actions, des mesures disciplinaires, certes imminentes, mais pas immédiates. Le temps d’un chef d’Etat n’est pas celui d’un chef de rédaction ou d’un quelconque leader d’opinion sur les réseaux.
Le roi Mohammed VI agit dans la durée. Ainsi, en 2013 déjà, devant le parlement, il avait épinglé les élus communaux du pays, et de Casablanca en particulier, sur leur incurie et leur incompétence. Il a attendu trois ans avant de revenir, toujours au parlement, et de dire avec irritation aux élus de la nation et à travers eux les conseillers communaux de faire leur travail, puisqu'ils s'étaient portés candidats aux élections. Neuf mois après, les délais se rétrecissent, et le 29 juillet, le roi a lancé aux politiques de s'acquiter de leurs tâches ou de s'en aller.
Dans ce discours du Trône, le roi s’était exposé, laissant transparaître sa colère. Il ne saurait rester sans rien faire, sans faire suivre maintenant son discours de décisions, et très certainement spectaculaires. Seulement voilà, un tournant a été amorcé ce 29 juillet, il faut du temps pour savoir le négocier. Il ne s’agit pas tant d’agiter le gourdin pour plaire que de définir les défaillances et y remédier institutionnellement, en changeant dans la foulée les personnels incompétents ou indélicats.
Le roi n’agit pas sous la pression des événements, et c’est tant mieux ainsi car autrement le signal envoyé plaira à court terme mais serait périlleux à plus long terme, la situation à al Hoceima étant certes aigue, mais non insurrectionnelle, quoique l’on puisse dire, écrire ou même prédire.
Le cas d’al Hoceima
La situation dans cette ville du nord du pays est vive, mais pas explosive, auquel cas elle aurait déjà explosé. Cela n’a pas été le cas, car les traitements requis ont été mis en œuvre.
Le traitement sécuritaire, décrié par tant et tant de personnes, était nécessaire car dans un pays, l’ordre public doit être maintenu, sans conditions. Et cela a été fait au prix de 400 blessés parmi les forces de l’ordre, et un mort dans la population, dont on ne connaît pas encore les conditions exactes du décès, n’en déplaise aux pyromanes qui tiennent à tout prix à imputer la responsabilité de cet événement tragique aux forces de l’ordre.
Le traitement socioéconomique a été initié, certes tardivement, peut-être même très tardivement, mais cela est aujourd’hui en pleine réalisation, sauf à vouloir être nihiliste. Le problème n’est donc plus dans le passé, en l’occurrence dans l’incurie des élus et de fonctionnaires, mais dans l’avenir, en cela qu’il faudra agir ailleurs avant que les gens ne (re)descendent dans les rues. Et cela passe par des révocations au pire, des blâmes au mieux, ce qui ne saurait tarder.
Le traitement politique a été quant à lui amorcé en Conseil de ministres, fin juin, quand le roi a donné, d’une manière musclée, ses orientations aux membres du gouvernement, puis dans le discours du Trône qu’on sait.
Il n’était donc pas nécessaire que le roi revienne dans son discours de la Jeunesse sur le cas d’al Hoceima, sachant toutefois que l’affaire n’est pas terminée, au niveau des mesures administratives, ou politiques, à prendre. Et qui le seront.
L’Afrique et le Sahara
Ils ont été les deux grands thèmes de ce discours, où le roi est revenu sur une année d’efforts, une façon de dire que durant ces 9 mois de blocage à Rabat et de tumulte à al Hoceima, lui faisait son travail : 14 visites continentales en cinq mois, adhésion à l’Union africaine, rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le Sahara (après Guergarate) puis résolution 2351, accord officiel pour l’adhésion du Maroc à la Cédéao, grands projets afro-africains (gazoduc, phosphate…).
Mohammed VI a aussi tiré profit de ce discours pour rétablir certaines vérités sur son approche en Afrique, que cela soit dans l’approche économique et humaine et non financière, ou dans cette phrase où il égratigne ceux qui disent que le Maroc engloutit de l’argent en Afrique, au détriment des Marocains. L’ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, qui avait dit cela en février, a senti le boulet passer…
La suite…
La question à poser est de savoir pourquoi le roi n’a pas gracié les prévenus d’al Hoceima encore en détention, ainsi qu’il l’avait fait le 29 juillet pour certains d’entre eux. La réponse est juridique, judiciaire, politique et sécuritaire. L’opinion publique fonctionne à l’affect et à l’émotion, le chef d’Etat réagit sur des faits. Sa fibre humaniste étant éprouvée depuis 18 ans, son absence de réaction sera comprise plus tard, à la lumière des éléments qui apparaîtront avec le temps sur les véritables origines de la crise d'al Hoceima... sachant que rien n’indique qu’il n’y aura pas grâce.
Pour ce qui est des sanctions, que l’opinion publique attend, réagissant toujours à l’affect et à l’émotion, on ne peut raisonnablement pas attendre du Roi qu’il décapite un appareil d’Etat sur un coup de colère. Cela étant, un tournant est amorcé et des têtes vont tomber, progressivement, graduellement. Et peut-être même abondamment.
Deux grandes occasions se présentent dans les semaines à venir, une fête religieuse et le discours d’ouverture de la session d’automne du parlement. Des choses pourraient advenir alors… Dans l’intervalle, il ne faut pas oublier que la politique d’un Etat ne se fait pas dans les salles de rédaction, et encore moins dans les salons de discussion.
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