Le saint Sidi Benkirane, par Moussa Matrouf
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- 22 octobre 2017 --
- Opinions
Après avoir tracé son chemin dans la vie, et accéléré son rythme d’intrusion dans les arcanes de l’Etat, avant d’en sortir d’une manière à laquelle il ne s’attendait ni attendait, le secrétaire général du PJD et ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane n’escompte plus seulement un 3ème mandat à la tête du parti islamiste, mais aspire à être élevé par ses pairs au rang de saint, dans une reconnaissance de sa hauteur d’âme, et intaha lkalam !
Benkirane ne désigne-t-il donc pas ceux qu’il aime, ou ceux qu’il souhaiterait voir les gens aimés par eux, de « saints » ? Quel meilleur exemple de cela que celui apporté par le président de la commune de Temara Moh Rajdali qui, un jour passé, lui avait pris la main et l’avait levée haut face aux adeptes, lors d’un meeting populaire, en leur criant que « voilà un saint parmi les saints ! », comme s’il avait marché sur l’eau ou réalisé quelque autre miracle ! Alors pourquoi, finalement, ne se verrait-il pas lui-même en saint ?
Benkirane, depuis les temps de blocage de cette année, ne quittait plus sa zaouia/maison que pour se rendre aux Lieux Saints, au siège du PJD ou à une quelconque cérémonie funéraire, invariablement vêtu de sa « fouqia » aussi blanche qu’humble… évoquant plus un marabout qu’un chef de parti politique. Benkirane n’avait-il pas réussi un joli buzz en se laissant immortaliser (comme un saint) alors qu’il achetait un modeste et peu cher « seroual » d’un marchand ambulant, un vendredi saint (comme lui), après la prière, alors que les dehors de la mosquée étaient bondés de monde ?
Mais après qu’un second mandat lui fût impossible à la tête du gouvernement, voilà que sa déroute a laissé place à sa route, devenue autoroute, pour un troisième mandat au secrétariat général du PJD, désigné pourtant comme le parti le plus démocratique dans le pas si plat pays qui est le nôtre. Il est bien évidemment fort peu probable que les congressistes, en décembre, aient un avis différent de celui des membres de la Commission des procédures et règlements du Conseil national, lui-même présidé par le compétiteur Saadeddine Elotmani.
Ce dernier sera le grand perdant, lui qui est placé dans la peu confortable situation d’être entre l’enclume de son parti et de son « incontournable et nécessaire chef » Benkirane et le marteau des gens de pouvoir, qui tiennent le gouvernail du gouvernement et de la gouvernance, ou encore les gens ordinaires de ce beau pays.
Oh, il est vrai qu’Elotmani a bien dit lors de son passage au forum de la MAP le 17 octobre dernier qu’il « n’est guère au fait que le secrétaire général du PJD aspire le rester » et que, toujours selon le chef du gouvernement, « cela n’impactera de toutes les façons pas le maintien du parti au gouvernement et à sa présidence car tout ce qui se fait au parti l’est par le parti, comme cela a été le cas pour la désignation des ministres du parti », proposés par le parti… Las. Le chef du gouvernement, dans le cas où il le resterait, en sera toujours à subir cette situation de devoir répondre aux convocations du chef du PJD, qui le convoquera chez lui, pour lui demander des explications sur tel ou tel autre point, dans une sorte de tutelle dont il ne se défera pas et qu’il n’est même plus besoin de nier.
Or, le plus étrange dans cette histoire est que le gouvernement dans son ensemble se retrouvera otage de la « Jamaâ » et de son « guide/cheikh », ce qui nous renvoie à l’Egypte et aux jours où elle était gouvernée par les Frères musulmans. Convenons que la chose est inconfortable pour un gouvernement marocain formé de plusieurs partis aux idéologies différentes et aux références éloignées, et non du seul parti des islamistes institutionnels.
Ces derniers ont cette curieuse propension qu’à chaque fois qu’ils font un pas en avant dans la direction d’un parti civil et non religieux, en font aussitôt après deux en arrière, en retour vers la « béatification » d’un leader, d’une manière qui ne correspond absolument pas au 21ème siècle que nous vivons. Cette pratique ne fait pas reculer le seul PJD, mais le Maroc entier qui retrouve ainsi l’ère des « dinosaures politiques », et aussi « des « directions historiques », que certains esprits bien pensants avaient eu le grand tort de croire définitivement révolues.
Mais le grand perdant de ce 3ème mandat de Benkirane, voire même du « mandat absolu » à la tête du parti, ne pourra être que ce même Benkirane qui œuvrera toujours à chercher pour obtenir l’ « inestimable » confiance du Roi, une confiance aussi longue à obtenir qu’encore plus rapide à perdre !
Mowatine.com (traduction de Panorapost.com)
Moussa Matrouf est journaliste et chroniqueur à Mowatine.com
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