Présidence de la CGEM : deux partants et un revenant…
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- 25 mars 2018 --
- Opinions
La CGEM tourne, donc, la page… Miriem Bensalah Chaqroun s’en va le 22 mai, et laissera la place à un successeur dont on ne sait toujours rien. Deux noms circulaient, Hakim Marrakchi et Hammad Kassal. Il fallait un outsider, pour la beauté du geste et l’adrénaline du suspense, et cet outsider est Salaheddine Mezouar. Mais rien n’est acquis, et rien ne le sera jusqu’au 13 avril, date de clôture des candidatures.
Au Maroc, il est plus facile de prédire le nom d’un chef du gouvernement que celui d’un(e) patron(ne) des patrons. Le 22 mai prochain, donc, Miriem Bensalah Chaqroun sera ancienne présidente de la CGEM. C’est la seule chose sûre concernant la présidence de la confédération patronale, le virus du 3ème mandat étant resté cantonné dans la sphère partisane (et accessoirement médiatique…). Qui pour la remplacer alors ? Les dés sont jetés, en attendant que le sort en fasse de même.
Les patrons, du moins ceux qui savent, se sont occupés un temps avec les deux noms de Hakim Marrakchi et Hammad Kassal, mais sont restés préoccupés par le nom du challenger/outsider. Puis, soudain, ce nom est tombé, annoncé par Atlantic Radio, repris par d’autres médias : Salaheddine Mezouar, qu’on ne présente plus tellement il a été présent sur la scène politique ces 15 dernières années, avant son départ de la tête du RNI, le lendemain de sa défaite électorale d’octobre 2016 face au PJD d’Abdelilah Benkirane.
La candidature est-elle réelle ou n’est-elle qu’un ballon d’essai, comme on dit souvent ? Personne ne sait vraiment, bien que l’idée soit empreinte de bon sens. Les confrères ayant interrogé les candidats semblent avoir été renvoyés à leurs chers claviers, personne n’ayant encore concrètement et techniquement déposé son dossier de candidature. Alors ? Alors, rien.
Hakim Marrakchi, PDG de Maghreb Industries, ancien vice-président de la CGEM et actuel président de sa Commission internationale, est l’enfant de la maison, avec un passé et un présent qui pourraient déterminer son futur au patronat.
Hammad Kassal est le patron de Pistacherie Rayane, et il est tout autant que Hakim Marrakchi enfant de la maison CGEM et ancien vice-président du patronat, et de la très importante fédération des PME.
Les deux hommes ont le background qu’il faut, et le bagout qui va avec, pour diriger la Confédération, mais ils ont tous deux affirmé aux médias leur disposition à se retirer si… Et précisément, et surtout aujourd’hui que, il faut le dire, Miriem Bensalah Chaqroun a propulsé en orbite « sa » CGEM, le futur président doit avoir un calibre et un charisme plus national, et résolument international. Ils ne l’ont pas, Mezouar, si.
Le parcours de ce dernier donne le tournis. Il fut président de l’AMITH (l’association des textiliens), ministre du Commerce et de l’Industrie (2004-2007), des Finances (2007-2011) et des Affaires étrangères (2013-2017), et il exerça également la mission de président du RNI de 2010 à 2016 et de la COP22 en 2016-2017.
Mais est-il vraiment candidat et que se passe-t-il dans son in petto ? Nul ne le sait car il ne répond pas à son téléphone. Du moins pas aux médias.
En revanche, l’un des dirigeants de la CGEM nous a confié sous couvert d’anonymat que « la manière dont sa candidature a été annoncée, le mode électif du président et son passage prochain à l’Association pour le Progrès des dirigeants nous conduisent à penser que Mezouar a toutes ses chances ». Certes, mais est-il apprécié au sein des dirigeants de la Confédération ? « Il est très respecté car les gens se souviennent de lui quand il était à l’AMITH et au ministère des Finances. De plus, sa connaissance de notre continent lui confère un atout certain ».
Le problème est que Salaheddine Mezouar est un ancien politique de compétition, chef de parti tout aussi attesté que contesté, et ministre ayant occupé deux des plus importants portefeuilles gouvernementaux. C’est là un handicap important pour un patronat en apparence préoccupé par son indépendance par rapport au pouvoir politique… mais en apparence seulement car comment les chefs d’entreprises défendraient-ils leurs intérêts sans le pouvoir politique ? Après l’ère Bensalah, qui a été peu ou prou – plus prou que peu d’ailleurs – politique, avec la formation d’un groupe CGEM à la Chambre des Conseillers (photo) et l’arrivée d’un éminent dirigeant de la Confédération au gouvernement (Mohsine Jazouli), la CGEM peut revendiquer son indépendance politique, mais pas sa neutralité… comme un parti d’ailleurs.
Et après tout, le Conseil économique, social et environnemental est bien dirigé par le secrétaire général de l’Istiqlal Nizar Baraka… Enfin, le fait que les attaques les plus virulentes proviennent de gens proches du PAM politise davantage, et en creux, la CGEM.
La CGEM a de tous temps eu un fort marquage politique : Abderrahmane Bennani Smirès n’avait rien à refuser à la galaxie Hassan II dont il faisait partie. Lahjouji et Chami étaient des trublions politiques tout aussi connus que leurs talents reconnus. Miriem Bensalah Chaqroun a eu des relations tendues avec Abdelilah Benkirane et son gouvernement, et pas uniquement pour des différends sur l'entreprise... Quant à Moulay Hafid Elalamy et Mohamed Horani, ils étaient apolitiques et c’est peut-être à cause de cela qu’ils n’ont fait qu’un seul mandat chacun…
Aujourd’hui, l’orientation nationale de la politique marocaine va vers l’entreprise, et la stratégie internationale est engagée Afrique. Mezouar est entrepreneur de profession et Africain de par ses anciennes fonctions. Il est l’homme de la situation, et les grandes entreprises doivent le savoir. Or, nous explique cet autre éminent dirigeant de la CGEM, « le mode d’élection du président de la CGEM est fondé sur le poids de chaque entreprise et ce sont les grands groupes qui font la pluie et le beau temps ». Et les présidents aussi.
Si, sous nos cieux, les gens s’adonnent gaiement à ce nouveau sport national qui est d’accabler les riches et les puissants, il ne faut jamais oublier que ce sont ces derniers qui créent les richesses, et les emplois. En attendant que les Marocains se réconcilient avec eux-mêmes, et occupent ces emplois sans décrier les patrons, laissons faire les entreprises pour prospérer, gardons un œil sur les réseaux sociaux pour les surveiller, et espérons que l'enrichissement des uns ruissellerait jusqu'à ceux d'en bas…
Aziz Boucetta
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