Chefs d’Etats africains : panorama d’une mosaïque d’individus bienfaisants ou malfaisants pour un continent
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- 06 mai 2018 --
- Opinions
À la fin de janvier, tous les dirigeants du continent africains s’étaient réunis à Addis-Abeba pour le 30e sommet de l'Union africaine (UA). Le slogan a été - Vers une Afrique pacifique, prospère et intégrée - juxtaposé maladroitement sur fond d'instabilité politique, de problèmes socio-économiques et de catastrophes humanitaires qui caractérisait le continent et montre peu de signes de ralentissement pour les années à venir.
La disparition des dictateurs ou présidents fondateurs
D'un côté, un fil politique notable au cours des dernières années a été la disparition publique de plusieurs hommes forts africains de longue date. Les chefs d'Etat y compris Ben Ali de la Tunisie, Mouammar Kadhafi de la Lybie, Hosni Mubarak de l’Egypte, Blaise Compaoré du Burkina Fasso, Yahya Jammeh de la Gambie, José Eduardo Dos Santos de l'Angola, Robert Mugabe du Zimbabwe et récemment Jacob Zuma de l’Afrique du Sud ont été évincés après des décennies de mauvaise administration, apportant une nouvelle vague d'espoir sur le continent.
Le plus stupéfiant et contre toute attente, a été soulèvement des peuples contre leur dirigeant notamment en Egypte, Lybie, Tunisie et Burkina Fasso. A côté des dirigeants de ces pays, Mugabe, Zuma et Compaoré ont été expulsés sans cérémonie de fin de mandat présidentiel où l’ex président zimbabwéen resté au pouvoir pendant 37 ans a été évincé par l'intermédiaire d'une intervention militaire rapide baptisée Operation Restore Legacy. Pourtant le destin de Robert Mugabe ne semble pas donner un avertissement à d'autres dirigeants africains surannés, notamment Paul Biya, Teodoro Obiang Nguema, Denis Sassou-Nguesso, Yoweri Museveni, Joseph Kabila ou encore Abdelaziz Bouteflika.
Les présidents africains sont-ils inoxydables ?
Ça ne fait aucun doute : l'Afrique est la spécialiste des présidents indéboulonnables. Sur les 10 chefs d'État qui affichent le plus long règne au monde, 9 sont africains, le cas particulier des monarchies constitutionnelles mis à part. Teodoro Obiang Nguema, le numéro un, préside depuis 38 ans aux destinées de Guinée équatoriale. Il est suivi de son voisin camerounais, Paul Biya (34 ans) (photo) et de l'Ougandais Yoweri Museveni (31 ans), tout juste réélu. Seul se glisse dans cette liste, comme une exception pour confirmer la règle, Noursoultan Nazarbaïev, avec ses 27 ans à la tête du Kazakhstan. Et encore pourrait-on ajouter à cette énumération le Congolais Denis Sassou-Nguesso, qui cumule 33 ans de présidence en deux temps. Quant aux tenants des records, Omar Bongo et Mouammar Kadhafi (41 ans chacun), ils sont morts depuis peu, comme le Togolais Gnassingbé Eyadema et ses sept mandats. Cependant, la tendance à ces présidences à vie s'effrite nettement. Certes au Rwanda, Paul Kagame, au pouvoir depuis 1994, vient de modifier la Constitution qui l'autorise désormais à rester aux commandes jusqu'en 2034. Le Congolais Joseph Kabila, de son côté, multiplie depuis un an les manœuvres pour repousser la date d'une élection à laquelle il n'est pas… (convié).
Voilà pourquoi il ne faut pas s’étonner de pratiques, comportements, attitudes répressifs, dictatoriaux et kleptocrates de certains présidents africains. Jetons un coup d’œil sur la nomenclature de nos chefs d’Etat. Kabila s’accroche à un héritage qu’il n’a pas mérité. Si son père a pris les armes et chassé le vieux léopard Mobutu d’un trône en décadence, il est arrivé au pouvoir sur le sang et le cadavre de son père. Aucune gloire à cela, encore moins de mérite. C’est un usurpateur qui a vendu son pays, racheté les reliques politiques reconvertis après transhumance. Depuis, le plus riche du pays d’Afrique, voire du monde est un bordel politico-économico-humanitaire à ciel ouvert.
Eyadema du Togo, cet autre héritier-usurpateur d’un trône qui l’a vu naître et dont il veut perpétuer et le règne et la gouvernance avec l’appui de dinosaures politiques blanchis sous le harnais de son pater, imbibé du sang de résistants togolais qui ont payé le prix de leur résistance à la politique « France africaine » de l’époque. Aujourd’hui, il bénéficie toujours du parapluie certes discret, mais parfaitement protecteur. Avec du vieux du tout autour, comme une ceinture de feu, le jeune héritier a vieilli prématurément. Hermétiquement fermé aux aspirations de son peuple et de son époque.
Palais présidentiel ou maison de retraite
Alors qu’il tente un 5ème hypothétique mandat, le président Algérien Abdelaziz Bouteflika (photo) semble convertir le palais présidentiel en maison de retraite. Arrivé au pouvoir il y’a 20 ans, il souffle aujourd’hui ses 80 bougies. Encensé par ces fidèles lieutenants, dont le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel 68 ans, le premier ministre, Ahmed Ouyahia 66 ans et le doyen par ailleurs secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès 84 qui avait déclaré récemment ” On demande à Dieu de nous donner la force de convaincre Bouteflika”. Que Dieu lui accorde son voeu !
Pourtant eux aussi sont sur la corde raide du naufrage de la vieillesse dont théorisé De gaulle. Avec cette tentative, Bouteflika semble oublier que le temps d’une nation n’est pas celui de l’être humain et que l’être humain physiologique est limité dans le temps, mais « Duncan MacLeod » n’a rien à ciré du temps ennemi des mortels. Abonné entre les cliniques et sa « maison de retraite », le dirigeant algérien met en danger la stabilité de son pays qui, depuis un certain temps continue les erreurs diplomatiques, politiques et économiques. D’ailleurs, ses adversaires disaient qu’il s’agrippe au pouvoir « comme Harpagon à sa cassette ».
Les élections ne sont pas une panacée
Alors que des pays tels que la RDC implose alors que leurs présidents se transforment en dictateurs en tout sauf nom, la perspective d'élections dans d'autres pays, particulièrement instables, ne devrait pas améliorer les choses. Selon l'organisation internationale ACAPS, par exemple, les prochaines élections en Libye et au Soudan du Sud risquent d'exacerber plutôt que de calmer les tensions.
En Libye, un référendum prévu sur une nouvelle constitution, ainsi que des élections présidentielles et législatives (conformément à son engagement de 2015) sont attendus depuis que les rivaux politiques n'arrivent pas à se mettre d'accord sur les amendements du GNA (Government of National Accord). Pourtant, tout consensus semble de plus en plus improbable, ce qui augmente les chances d'un résultat violent dans les mois à venir.
2018 sera également un moment crucial pour le Soudan du Sud, car les dirigeants politiques subissent des pressions pour négocier un nouvel accord de paix et se préparer aux élections prévues pour la fin de l'année. Pourtant, les observateurs ne s'attendent pas à ce que le processus de paix progresse réellement vers la fin de la guerre civile de quatre ans, les parties au conflit manifestant peu de volonté de travailler ensemble pour réaliser des progrès politiques. Le factionnalisme croissant au sein du Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord et le manque de responsabilité du gouvernement augmentent également le risque que la violence puisse resurgir cette année.
Les géants africains
Si en Afrique la bonne gouvernance a encore du chemin à se faire, la volonté de réussir leur mandat reste partagé pour tous les dirigeants africains. Le problème majeur de l’Afrique demeure toujours la cohérence et les ambitions de ses dirigeants par rapport à la réalité socio-économique de leur pays.
La plupart des Etats africains restent scotchés en bas de l’indice Doing Business qui évalue l’environnement des affaires et les capacités de développement des pays.
Par contre certains pays sortent du lot ou tentent de s’en sortir avec des projets très ambitieux qui favorisent un essor économique très prometteur.
Parmi eux l’Afrique du Sud, qui malgré le potentiel dont dispose la nation arc-en-ciel, le pays a connu une décennie très dure frappée par la mauvaise gestion de l’ancien président Jacob Zuma, ce dernier finalement évincé puis épinglé pour corruption avec plus de 80 chefs d’inculpation. Son successeur, Cyril Ramaphosa (photo), dont on dit être le digne héritier de Nelson Mandela a entamé son règne avec des déclarations de rupture très fortes : « C'est une nouvelle aube qui s'inspire de notre mémoire collective de Nelson Mandela et des changements qui se produisent ... Nous construirons une nouvelle nation et affronterons les injustices du passé et les inégalités du présent », a déclaré Ramaphosa, 65 ans.
"Notre tâche est de saisir ce moment d'espoir. Cette année, nous allons initier de nouvelles mesures pour mettre ce pays sur une nouvelle voie ... pour construire la régénération économique. Des décisions difficiles devront être prises ", a déclaré le nouveau président sud-africain. Il proposa ensuite une liste d’objectifs touchant à presque tous les secteurs de la vie économique et sociale : l’emploi, surtout des jeunes, l’investissement, la ré-industrialisation, le soutien aux petites entreprises et aux entrepreneurs noirs, la révolution numérique, la réforme du secteur public et du gouvernement, la sécurité, la lutte contre la corruption.
Outre ces objectifs, définis sans que des politiques précises soient annoncées, il révéla trois mesures phares : l’introduction d’un salaire minimum à compter du 1er mai 2018 ; la mise en place d’une couverture santé universelle qui fera l’objet d’un projet de loi présenté sans tarder au Parlement ; enfin, l’accélération de la redistribution foncière qui impliquera l’expropriation sans compensation des propriétaires afin que la terre revienne à ceux qui en ont été dépossédés sous l’apartheid.
En dix-sept ans de règne du roi Mohammed VI, (photo) le PIB a plus que doublé. Cette création de richesses a aussi permis de réduire le taux de pauvreté de moitié. Il faut dire que depuis son intronisation, le Roi a su écouter et intérioriser les attentes des Marocains et a fait de l’action quotidienne sur le terrain, le support de son message à ses compatriotes. Lorsqu’il a parlé de l’effort à l’occasion de son intronisation et de l’impossibilité d’user d’un bâton magique pour créer un nouveau mode de gestion de la chose publique, il a parlé un langage de vérité qui peut facilement être vérifié sur le terrain économique, social et institutionnel. Cette dynamique a été nourrie par l’accélération de l’investissement dans l’infrastructure et la réalisation de grands projets structurants : le port de Tanger-Med, le réseau autoroutier et le lancement de la première ligne à grande vitesse.
Pourtant, il n’a jamais exprimé sa satisfaction du niveau atteint par l’économie du royaume, il veut autre chose que la structure actuelle de la balance commerciale ou celle du marché de l’emploi et de l’éducation. Il vise l’émergence et la continuité de l’effort d’équipement du pays.
NOOR est un plan ambitieux dont le premier volet a commencé à voir le jour à Ouarzazate, avec la construction de la Centrale solaire NOOR, composée de quatre unités d’une capacité totale de 500MW, la révolution verte de l’OCP en Afrique, 70% des grandes villes marocaines reliées par le réseau autoroutier entre autres sont les grands projets engagés par le roi Mouhamed VI qui en outre s’est engagé sur un autre dossier à vocation internationale à savoir l’immigration avec un projet dénommé Pacte où, des conférences internationales seront organisées sous l’égide du Maroc pour trouver une politique comme de l’immigration.
Le thème de l'année 2018 : « Gagner la lutte contre la corruption : un chemin durable vers la transformation de l’Afrique » a été officiellement lancé par Muhammadu Buhari,
Premier pays producteur de pétrole du continent, le Nigéria classé 36ème au rang des pays les moins corrompus en Afrique et 148ème au niveau mondial sur l’indice de perception de la corruption. Pour l’environnement des affaires avec Doing Business, le géant d’Afrique est classé 145ème mondial, avec une note de 52.03 et très proche de la moyenne régionale (Afrique Sub-Saharienne) qui est de 50.43.
Le Nigéria est par essence le pays de tous les paradoxes où le secteur privé fait sa loi et un gouvernement tenaillé par des urgences multiformes semble avoir des problèmes de priorité en atteste la réticence du président Buhari (photo) de ratifier l’accord de libre-échange. Lors de sa prise de fonction, tout enthousiaste, Muhammadu Buhari déclarait : « Sécuriser notre nation, prospérer notre peuple, changer la politique et la gouvernance, la sécurité et la résolution des conflits, la base de l'économie et de l'infrastructure, la société et le développement du capital humain, l'environnement… » résultat des courses à quelques mois de la fin de son mandat, le président qui fut absent pendant quelques mois à cause d’une maladie peine toujours à mettre le pays sur les rampes du développement malgré tout le potentiel dont dispose cette fédération.
Le président du Rwanda, Paul Kagame, peut diviser l'opinion, mais ses amis et ses adversaires sont d'accord sur certaines choses - qu'il est dur, veut que les choses se fassent à sa façon, et déteste être contredit. Au pouvoir depuis près de 24 ans, il est souvent décrit comme le « PDG de Rwanda Inc ».
La détermination du Président Kagame se reflète plus largement dans la société rwandaise. Il n'y a pas d'opposition politique réelle pour tenir le Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir. Les libertés d'expression, de réunion et d'association sont restreintes. Et les médias et la société civile sont soumis à l'Etat.
Sa forte volonté est également apparente dans la façon dont il parle à et à propos de ses adversaires perçus. En 2014, par exemple, Kagame (photo) a averti que les dissidents « paieront le prix où qu'ils se trouvent ». Parallèlement, lors de sa cérémonie de prestation de serment l'année dernière, après des élections au cours desquelles il a officiellement remporté près de 99% des suffrages, il a riposté aux critiques internationales en commentant que « les attaques contre notre personnage ne font que nous renforcer ».
Le coût humain de l'instabilité politique
Il n'est pas surprenant que l'instabilité politique s'aggrave, de même que les crises humanitaires à travers le continent. Un rapport récent de l'ACAPS a examiné les besoins anticipés de 18 pays et a identifié l'Éthiopie, le Mali, le Soudan du Sud, la Somalie, la RDC, la République centrafricaine et la Libye comme des points chauds potentiels en 2018.
Premièrement, en raison des facteurs climatiques et géopolitiques, l'Éthiopie, le nord-est du Nigéria, le Soudan du Sud et la Somalie devraient faire face à un risque accru de famine. Les militants de l'État islamique devraient également acquérir des pouvoirs et des ressources dans le sud de la Libye et en Somalie, malgré les revers subis dans leurs bastions en Irak. Dans le centre du Mali, des groupes militants devraient exploiter le retrait des troupes d'état pour étendre leurs efforts de recrutement et de réarmement. Pendant ce temps, dans la République centrafricaine précaire, l'éclatement des groupes armés devrait intensifier la violence et disperser les réfugiés dans la RDC voisine et au Cameroun, deux pays qui ne sont guère préparés à accueillir les nouveaux arrivants.
L'Organisation des Nations Unies (ONU) a également exprimé son inquiétude quant à ce qu'elle considère comme des niveaux record de besoins humanitaires en 2018 car la violence, le déplacement et la faim devraient rendre près de 136 millions de personnes ayant besoin d'aide. En conséquence, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a lancé un appel de 22,5 milliards de dollars pour offrir des réponses humanitaires à travers le monde.
Confrontés à de tels défis et avec 18 élections prévues pour 2018, l'UA et ses membres ont maintenant le devoir urgent de mettre le continent sur un pied d'égalité. Lors du dernier sommet semestriel, malheureusement, malgré l'annonce de nouvelles initiatives pour lutter contre le chômage des jeunes et le VIH / SIDA, les chefs d'Etat et les responsables de l'UA n'ont rien fait pour aligner des personnalités comme Joseph Kabila. Ils devront se rendre compte que l'échec d'agir cette fois-ci pourrait être la goutte qui fait déborder le vase.
Mouhamet Ndiongue
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