Tu seras #Rajel, mon fils…, par Aziz Boucetta

Tu seras #Rajel, mon fils…, par Aziz Boucetta

En 1909, Rudyard Kipling écrivait son célèbre texte « Tu seras un homme, mon fils ». On peut valablement supposer, à la lecture de ses mots, que l’ « homme » qu’il voulait voir son fils devenir ne consistait pas à dominer sa femme ; Kipling pensait sans nul doute à un homme, pas à un Rajel. L’homme des valeurs, des grandes valeurs, de la morale universelle, et non le macho concentré sur son petit bout de chair qui dépasse et croyant que cet engin fait de lui l’homme, dans la plus pure et dure tradition du pénicentrisme….

Mais au Maroc, Koun Rajel, ce cri du corps (et certainement pas du cœur, et encore moins de l’esprit) vient de ce que les hommes qui se veulent Rajel le veulent précisément parce qu’ils ne doivent pas être très sûrs de l’être. Un regard masculin appuyé sur une femme, et hop, votre virilité part en vrille et votre méchanceté plante des banderilles… Mais alors, ce n’est pas à ces femmes que vous devriez imposer une rigueur et de la pudeur, c’est à vous-mêmes que vous seriez inspiré d’imposer une visite (psycho)médicale, pour retrouver de la vigueur et gagner en profondeur.

Alors, moi, pour ce qui me concerne, je dirai ceci à mon fils !

Si tu sais regarder une femme, et l’apprécier comme tu apprécierais un homme, pour ses idées et ses valeurs, et non pour ses charmes et ses (éventuelles) rondeurs,

Si tu sais écouter une femme et retenir ce qu’elle te dit, sans a priori, ou rejeter ce qu’elle t’a dit, sans préjugé,

Si tu sais laisser ton épouse, ta fille, ta sœur, ta voisine, la belle-sœur fassie, la cousine soussie ou la passante sans souci s’habiller comme elles l’entendent, sans que tu ne ressentes le besoin de leur dicter tes conceptions vestimentaires forcément élémentaires,

Si tu sais apercevoir une femme belle que tu ne connais point, apprécier sa beauté, goûter son charme, la désirer au besoin et si besoin, et en silence … puis passer ton chemin,

Si tu sais regarder une femme avec grandeur d'âme, sans immédiatement éjaculer, ni moralement couler,

Si, époux, tu sais contre ton épouse ne pas brandir tes armes et, au besoin, sécher ses larmes,

Si, époux, tu existes en prêtant main forte sans employer de manière forte,

Si, père, tu ne fais pas vivre à tes filles le calvaire vestimentaire de tes convictions élémentaires,

Si, père, tu ne fais pas de ton fils le gardien de la vertu de ta fille,

Si, frère, tu consens à partager équitablement ton héritage avec ta soeur,

Si, simple mortel, tu n’imputes pas tes frustrations à ta religion,

Si tu consens et comprends qu’un couple est formé d’un homme, et non d’un Rajel, et d’une femme, et non d’une femelle,

Si tu sais regarder une femme combative combattre des imbéciles, sans la juger ni te déjuger,

Si tu sais contempler l'action d'une femme ardente en ne la qualifiant pas de décadente,

Si tu sais faire l'amour avec une femme sans penser que tu lui fais l'amour,

Si tu acceptes qu’une femme conteste tes pensées, sans la traiter de femme de lucre et de stupre, ou de femme de charmes,

Si tu avises une femme non voilée sans que tu ne dévoiles ta haine et que tu ne lui lances tes invectives et tes vieilles rengaines,

Si tu es capable d’entendre parler des gens de peu d’une campagne imbécile telle que Koun Rajel et de les ignorer, à défaut de les combattre ou de les confondre,

Si tu reconnais l’autorité d’une femme comme étant l’égale de celle de l’homme,

Si tu n’oublies jamais que ta mère est – ou fut – une femme,

Si tu n’oublies jamais que ta fille sera une femme,

Si tu penses à jamais qu’elle aura un jour besoin d’un homme qui l’aime et l’estime, et non d’un Rajel qui l’accable et la déprime,

Si tu n’oublies jamais qu’avant que tu sois un homme, tu as été un enfant. Innocent et promis à devenir un homme, et non un Rajel,

Si tu vas à la plage… et que tu y nages en t’occupant de toi-même sans te préoccuper des autres,

Si tu consens à admettre ta différence avec une femme, sans n’y voir aucune forme de supériorité,

Si tu pressens une différence avec une femme, sans voir en elle aucune sorte d’infériorité,

Si tu respectes les femmes comme tu pourrais admirer les Rajel,

Alors la Vie, la Foi, la Joie et les Envies,

Seront à jamais tes esclaves soumis,

Et, ce qui vaut mieux que la Foi et la Joie

Tu seras un Rajel, comme un Homme, mon fils.

Commentaires