(Billet 9) - Payer l’impôt ou cracher au bassinet ?
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- 10 janvier 2019 --
- Opinions
Le Maroc a besoin d’argent, l’Etat aussi, et le fisc monte à la manœuvre. Cela fait des années que ce dernier se structure, s’organise et se mobilise, et acquiert des moyens, humains et surtout techniques. Aujourd’hui, il fonctionne sur des modes très avancés, avec des recoupements, des suivis, des appels et rappels à régulariser, et surtout des menaces d’action dont le seul perdant ne peut être que le contribuable oublieux, négligent, ou fraudeur.
Mais il y a un décalage immense entre, d’une part, les moyens coercitifs terriblement efficaces du fisc et sa farouche volonté de recouvrer l’impôt… et d’autre part la réelle compréhension de la philosophie de l’impôt par les gens, usagers exigeants mais contribuables récalcitrants. Or, pour être citoyen, on doit préalablement être contribuable.
Historiquement, le makhzen avait toujours procédé à des levées d’impôts pour financer son fonctionnement et ses armées, sans aucune autre contrepartie directe ou indirecte que la paix et la quiétude ; en ces temps-là, il s’agissait de vivre tout court, pas encore de bien vivre… Depuis les années 60, et avec l’Etat moderne, le contribuable a commencé à bénéficier des retombées des impôts, en infrastructures, services sociaux, sécurité… perfectibles certes, mais existants.
Or, l’esprit de citoyenneté n’était toujours pas là… Corruption, clientélisme, dérogations diverses et passe-droits multiples ont fait des ravages, éloignant durablement les gens du paiement de leurs dîmes. Aujourd’hui, l’Etat prend la mesure de son droit à l’impôt bien plus vite que le Marocain ne prend conscience de son statut de citoyen et des obligations qui vont avec.
Médecins, avocats, entreprises, salariés, commerçants… tous ces gens ont pourtant et finalement compris qu’ils n’échapperont plus désormais à leur obligation fiscale, mais une obligation contrainte, non citoyenne. Cela crée un sentiment d’injustice et de déséquilibre, certes erroné mais réel, et surtout dangereux. Car le fisc agira, sévira contre les plus faibles pendant que les autres tenteront de faire sortir leur argent, voire d’émigrer eux-mêmes. Ou pire.
L’Etat doit donc assurer une meilleure justice fiscale pour mieux convaincre. Faire adhérer les gens et non plus les faire cracher au bassinet. Il faut que l’Etat, par fisc interposé, cesse d’agir comme un agent recouvreur et efficace comme une bactérie, tenu à des objectifs chiffrés et sans vision sociale, et œuvre à rendre sa noblesse à l’acte de payer ses impôts.
Si aujourd'hui le fisc ne freine pas ses ardeurs en faisant son job, il risque demain de donner des frayeurs au ministère de l’Intérieur…
Aziz Boucetta
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