La question du Sahara et l’Assemblée Générale de l’ONU, par Khalil Haddaoui
La question du Sahara est à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale des Nations Unies depuis 1963. Le 10 décembre 1975 l’Assemblée a adopté deux résolutions contradictoires : la 3458 A initiée par l’Algérie et la 3458 B initiée par le Maroc. Si cette dernière a pris acte de l’Accord de Madrid qui met fin à la colonisation espagnole, la première est une résolution classique sur l’autodétermination. Il est bon de rappeler que c’est par un vote de procédure que les adversaires du Maroc ont obtenu que leur projet de résolution soit examiné en premier. Leur intention a été, après son adoption, d’éliminer le projet de résolution qui prenait acte de l’Accord de Madrid. Mais leur tentative a échoué. A cause de ces deux résolutions contradictoires, le « Sahara occidental » n’a pas été retiré de la liste des « territoires non-autonomes », c’est pourquoi il figure toujours à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale.
Malgré cela, la question du Sahara n’est pas une question de décolonisation, mais un cas sui generis. La preuve en est que dans le referendum contenu dans le Plan de règlement de l’ONU, il a été proposé le choix entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Ce qui, en soi, est une reconnaissance du droit du Maroc sur ses provinces sahariennes. Dans la pratique il est généralement proposé aux électeurs d’un territoire non-autonome de répondre par oui ou par non s’ils veulent être indépendants.
Le Conseil de sécurité, quant à lui, traite la question du Sahara dans le cadre du chapitre VI de la Charte : règlement pacifique des différends (articles 33 à 38). Il peut se désister de ce différend à tout moment, s’il ne parvient pas à trouver un compromis entre les parties, comme d’ailleurs l’avait suggéré Kofi Annan en 2004.
La 4° Commission de l’Assemblée Générale ne peut pas se désister de la question du Sahara. Celle-ci ne sera retirée de son ordre du jour que lorsqu’une résolution sera adoptée, constatant que les habitants de ce territoire se sont autodéterminés.
Elle est débattue chaque année à la 4° Commission de l’Assemblée Générale. Des dizaines de pétitionnaires et de représentants de pays favorables au Maroc, ainsi que des élus et représentants de la société civile de nos provinces sahariennes y participent. A la fin du débat, un projet de résolution introduit par l’Algérie, devient, après consultations, « projet du Président » pour être adopté par consensus, sans aucune réserve du Maroc.
C’est pourquoi l’initiative prise par la diplomatie marocaine, de déclarer, en se référant au 1er paragraphe de l’article 12 de la Charte, que « la 4° Commission doit se désister de la question du Sahara », et que son maintien « est une violation de la Charte », est, non seulement une faute qui dévoile une méconnaissance totale du système de l’0NU, mais laisse l’impression d’une action diplomatique incohérente.
Certes, l’article 12(1) stipule : « Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l’Assemblée Générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande. » D’abord c’est une question qui concerne les relations entre deux organes importants de l’ONU. Ensuite, il est notoire aux Nations Unies que le Conseil et l’Assemblée traitent parallèlement des mêmes questions. Dans un gros ouvrage où les articles de la Charte sont commentés par d’éminents juristes, (Cot et Pellet, la Charte de l’ONU), il ressort de ce paragraphe de l’article 12 « qu’il est devenu maintenant courant- l’on pourrait presque dire de règle pour les questions majeures- que l’Assemblée et le Conseil traitent en parallèle d’une même question », et de conclure que « le rôle des deux organes apparait donc souvent dans les faits, largement équivalent. » D’ailleurs, même en faisant une lecture littérale de ce paragraphe, il n’est nullement question de désistement, à plus forte raison de violation de la Charte. Il est très significatif que cette déclaration ait été complètement ignorée par l’ensemble des membres de l’Assemblée, malgré qu’elle ait été réitérée pendant quatre années consécutives.
La responsabilité de la diplomatie est la mise en œuvre de la politique étrangère décidée au plus haut niveau de l’Etat. Dans tous les discours royaux, nous trouvons cette constante, à savoir que le Maroc ne peut accepter une solution qui ne garantit pas la souveraineté, l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Royaume.
Il ne faut pas que notre diplomatie soit obnubilée par l’intitulé de la 4° Commission. Au contraire, c’est au sein de celle-ci qu’il faut expliciter le contenu des discours royaux, en affirmant que le Maroc exerce tous les attributs de la souveraineté dans ses provinces sahariennes, et déclarer sans ambages que les habitants de ce territoire se sont autodéterminés en réintégrant la mère-patrie, et qu’ils ont élu leurs représentants aussi bien au niveau local que national. C’est par un discours clair et vigoureux que notre diplomatie peut acquérir des appuis favorables. D’autant plus que c’est le seul forum où le Maroc a l’occasion de défendre sa cause devant les représentants de tous les Etats du monde. Et à l’ONU c’est la realpolitik qui prédomine.
Par ailleurs, en gage de bonne volonté de sa part, le Maroc peut poursuivre, sans exclusive, le processus engagé par le Secrétaire Général, dans le cadre du chapitre VI. Mais il faut toujours avoir présent à l’esprit que les cinq membres permanents du Conseil ont tendance à vouloir garder sous leur emprise certains conflits. Cela leur permet, pour défendre leurs intérêts, de faire pression sur les uns et les autres.
Tout l’art de la diplomatie consiste à défendre sa cause d’une manière rigoureuse et digne, sans obséquiosité envers l’un ou l’autre membre permanent du Conseil. C’est comme cela qu’on force le respect de tous.
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Khalil Haddaoui compte une longue et riche carrière dans la diplomatie marocaine, ayant été ambassadeur à Freetown, Monrovia, puis Londres. Il a également été ministre conseiller à Alger et à Madrid. Il a enfin occupé la fonction de représentant permanent adjoint du Maroc auprès de l’ONU.
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