L’autre message de la marche de Rabat contre Ban Ki-moon, par Noureddine Miftah

L’autre message de la marche de Rabat contre Ban Ki-moon, par Noureddine Miftah

Contrairement à ce que prétendent certaines personnes, la marche imposante qui est sortie dimanche 13 mars à Rabat n’était pas la première du genre, car elle avait en effet été précédée par une autre, à Casablanca cette fois, à l’époque des événements de Gdim Izik. Les Marocains ont également battu le pavé plusieurs fois à l’étranger, avec toujours un seul et même objectif, en l’occurrence celui d’adresser à qui de droit ce message qui veut que l’affaire du Sahara n’est pas une affaire de régime, de gouvernement ou de gouvernants, mais celle d’un peuple, portée par le peuple.

Et ce message est bien parvenu à ses destinataires ce dimanche-là, bien qu’il y ait eu des abus en concentrant l’invective et l’attitude agressive contre la personne du Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, ce (simple) haut-fonctionnaire onusien pourtant appelé à boucler ses valises et à s’en aller dans quelques mois seulement. Il y a eu confusion entre les propos excessifs de Ban Ki-moon d’une part et, d’autre part, l’ONU et le processus de conciliation, ce qui n’est pas à l’avantage du Maroc en tant qu’Etat honorable et qui s’honore de son appartenance aux Nations Unies et de son respect de la légalité internationale.

Nous pouvons certes comprendre et prendre à sa juste mesure la stupeur des Marocains suite à l’initiative sans précédent d’un SG onusien qui a franchi les limites, et essentiellement les limites de la neutralité, des résolutions du Conseil de Sécurité et du devoir de réserve… Nous pouvons admettre cette expression spontanée de tous les citoyens qui, blessés dans leur sentiment national, ont réagi avec fougue au nom de leur amour pour leur pays et leur attachement à leur nation, unifiée de Tanger à Lagouira… Certes oui, mais cela ne doit pas pour autant prendre la forme d’une politique officielle de l’Etat car les intérêts supérieurs de la nation, bien que nourris par les sentiments et même les ressentiments du peuple, ne peuvent se fonder que sur la raison, la sagesse et le travail de longue haleine.

Le Maroc n’a pas mis fin à sa guerre contre le Polisario, et derrière lui l’Algérie, en 1991 avec l’accord de cessez-le-feu. Non, cette année-là, le conflit avait simplement changé de nature, passant à une seconde phase plus féroce que le fer et le feu, celle d’une guerre diplomatique de prise de positions à l’extérieur et politique pour la conquête des cœurs à l’intérieur. Cette guerre-là dure maintenant depuis un quart de siècle, durant lequel nous avons, oui, remporté des victoires, mais au cours duquel nous avons, également, connu des défaillances.

Et ce n’est pas fini, car nous devrions nous attendre à des joies et aussi à des déconvenues dans les jours, les mois et les années à venir tant il est vrai que l’affaire du Sahara ne s’achèvera pas le jour où une solution lui sera trouvée… Non, ce problème est en réalité une problématique, complexe, dont nous devons prévoir de supporter encore longtemps les faits et les effets, comme par exemple cette guerre d’usure et de perte d’énergie que nous imposent et nous imposeront encore nos adversaires, nos si nombreux adversaires aux quatre coins de la planète.


Le Sahara est marocain tant sur le plan historique que dans la réalité d’aujourd’hui, ou encore dans la souveraineté exercée ; mais cela n’est pas considéré de la même manière dans bien des contrées de par le vaste monde. Dans ces pays-là, on estime que le Sahara est seulement sous administration marocaine, ce que les Marocains prennent comme une offense, mais c’est ainsi et ainsi en ont voulu les machinations de nos adversaires, avec l’Algérie à leur tête. C’est pour cela que ce serait une erreur de penser que le discours que nous développons, en interne, pour le Sahara est le même que celui que nous devons dérouler l’extérieur de nos frontières, surtout que les pays étrangers jouent un rôles crucial dans ces conflits qualifiés de « régionaux ».

Il est vrai que le Maroc et sa population peuvent se sentir floués et peuvent ressentir quelque amertume, eux qui ont tant donné en matière de droits de l’Homme et de transition démocratique, eux qui ont réussi à assurer leur stabilité et se sont montrés si conquérants et si efficaces dans le domaine de la lutte antiterroriste dans tout l’environnement régional, mais qui, en même temps, sont désignés et accusés comme Etat dominateur et répressif et comme puissance occupante de territoires dont elle pille les ressources.

Cette simple pensée peut faire enrager le plus placide des humains, le conduire à réfléchir, puis lui faire mettre en cause l’ensemble du processus et peut-être même lui suggérer l’idée de porter les armes pour reprendre les terres qu’Hassan II voulait et voyait comme zone tampon et que les séparatistes du Polisario déclarent depuis quelques années « terres libérées », comme Bir Lahlou, Tifariti ou encore Mijek ; il pourrait, aussi, cet être habituellement calme, en pensant à l’injustice qui lui est faite, caresser l’idée de bouter la Minurso hors de ce territoire… Mais est-ce vraiment ainsi que nous mettrons un terme à toute cette affaire ? Non, clairement non.

Nous sommes un Etat responsable dont le sort a voulu que sa souveraineté soit violée, dès 1912. Par la suite, la libération a coûté très cher au pays, peuple et roi à l’unisson, en prisons, exil, exécutions… Et quand l’heure de l’indépendance avait sonné, le Maroc avait agi avec cette souplesse et ce réalisme qui l’ont toujours caractérisé et dont il ne s’est jamais départi. Et c’est cette souplesse et ce réalisme qui ont semé des germes devenus plus tard des épines, dont l’affaire du Sahara… En effet, nous n’avons récupéré Tarfaya qu’en 1969, Saqia el Hamra qu’en 1975, Oued Eddahab qu’en 1979, et c’est nous qui avons soumis la question du Sahara à l’examen de la 4ème Commission des Nations Unies, chargée de la décolonisation, en 1963, de même que c’est encore nous qui avons saisi la Cour internationale de la Haye en 1974, pour se prononcer sur l’existence, ou non, de liens d’allégeance entre le Maroc et les tribus du Sahara… C’est toujours le Maroc qui a mené des combats épiques depuis des dizaines d’années à l’ONU et au Conseil de Sécurité pour maintenir la question du Sahara sous le Chapitre VI dont les résolutions sont non contraignantes et requièrent l’assentiment de toutes les parties, et aussi pour éviter que cette affaire ne soit placée sous le Chapitre VII qui permet de faire appliquer les décisions par le recours de la force s’il le faut. Il n’est donc pas bien raisonnable que, après 40 ans, au motif d’un V de la Victoire, d’une inclinaison de tête ou d’un mot inapproprié prononcé par un haut-fonctionnaire onusien, nous choisissions l’isolement et nous options pour un rejet de la plateforme des Nations Unies, conçue justement pour éviter les conflits.

Rappelons-nous… Il y eut autrefois un secrétaire général de l’ONU du nom de Perez de Cuellar qui connaissait bien la question du Sahara pour l’avoir bien suivie, et qui avait finalement été convaincu de la marocanité du Sahara ; il avait même rédigé un livre à cette fin, pour expliquer et exposer ses vues. L’Algérie et le Polisario n’en furent pas pour autant retournées… Puis il y eut plus tard un Envoyé spécial au Sahara, Peter van Walsum, qui à son tour pensait après quelques années de gestion du dossier qu’il ne pouvait être réglé que dans le cadre d’une souveraineté marocaine. Alger et ses créatures avaient regimbé, puis avaient obtenu la peau du diplomate international. Aujourd’hui, nous voilà face à deux hauts fonctionnaires, Ban Ki-moon et Christopher Ross, qui montrent de l’empathie pour les séparatistes. Nous devons donc être fermes et vigilants, sans dilettantisme certes mais sans agressivité non plus…

Retournons donc un an en arrière et souvenons-nous du Rapport du Secrétaire général qui n’était pas spécialement en faveur du Maroc… mais plus tard, la résolution du Conseil de Sécurité avait été une heureuse surprise pour Rabat, louant les efforts en matière de droits de l’Homme au Sahara marocain mais demandant que les mêmes efforts soient entrepris à Tindouf, excluant l’Union africaine de toute intrusion dans cette affaire, n’évoquant aucun élargissement du mandat des Nations Unies au Sahara et s’attachant à la logique politique et concertée pour la résolution du conflit.

Ainsi, la Marche de Rabat doit être lue sous toutes ses facettes.

Il s’agit d’un message de droit qui doit être défendu par le Maroc.

Il s’agit aussi d’un message à tout élu ou responsable pour faire honneur au serment qu’il a prêté en se montrant intègre, respectueux de la justice, attentif à l’égalité des chances de tous, dans l’objectif de conquérir les cœurs au sud.

Il s’agit également d’un message à toutes celles et tous ceux qui se battent sur les fronts diplomatiques, remerciant les plus dévoués et appelant à l’action les indolents…

Il s’agit enfin d’un message à tous, disant que le dossier du Sahara nécessitera encore bien des efforts et des sacrifices, que le chemin est encore long à parcourir, qu’il faut se battre tout en renonçant aux privilèges et aux petits calculs.

L’affaire est sacrée et une affaire sacrée a besoin, pour être bien servie et encore mieux portée, de citoyens loyaux et fidèles, entreprenants et pleins d’abnégation.

Al Ayyam

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