La lutte (pour le Sahara) continue, par Taoufiq Bouachrine
- --
- 20 mars 2016 --
- Opinions
Pour sa première sortie médiatique, sous forme de conférence de presse, le nouveau ministre délégué aux Affaires étrangères Nasser Bourita a tenu à mettre les points sur les « i », exposant et explicitant les dessous du dérapage du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon qui a voulu, pour les derniers mois de son mandat, faire tourner l’horloge à contresens et tuer la proposition d’autonomie du Maroc.
Et pourtant, même si le Conseil de Sécurité a à plusieurs reprises loué le plan marocain, le considérant comme juste, durable et crédible, cela n’a pas empêché le diplomate coréen de revenir sur l’idée du référendum dont la mise en œuvre est apparue bien problématique en raison de la difficulté à identifier le corps électoral référendaire. Derrière, donc, cette bataille diplomatique et médiatique entre Rabat et Ban Ki-moon, il y a bien plus que la réponse à la faute consistant à définir la présence du Maroc dans son Sahara comme une occupation… de même qu’il a bien plus qu’une réaction au patron de l’ONU qui a basculé de médiateur neutre à partie prenante… ce que l’on doit voir à travers la bataille sans précédent engagée par le Maroc au sein du Palais de verre des Nations Unies est une entreprise pour casser l’immobilisme politique et diplomatique qui caractérise depuis 23 ans cette affaire, plaçant l’Algérie dans une position d’attaque permanente et reléguant le Maroc dans son attitude défensive non moins permanente. Or, tous les stratèges militaires vous le diront, la situation du ni-ni, ni guerre ni paix, est bien souvent fort périlleuse, essentiellement pour la partie qui défend une cause juste, mais sur une position défensive, son adversaire s’évertuant encore et toujours à la ruiner et l’épuiser en faisant durer les choses.
Nous ne sortons d’une crise que pour mieux entrer dans la suivante, et chaque année, nous avons connu trois ou quatre crises diplomatiques en moyenne, en raison du Sahara et des manœuvres de l’Algérie dont le chef de la diplomatie Ramdane Lamramra semble s’être trouvé un travail à temps plein, en mettant son appareil tout entier au service du Polisario…
Cette année, nous avons vécu une tension sérieuse avec la Suède qui était à deux doigts de reconnaître le Polisario, à cause de l’Algérie et des lobbies de pression qu’elle avait activés dans les pays scandinaves. Et puis nous avons eu, et avons encore, un conflit avec la Cour européenne de justice qui a annulé l’Accord agricole de l’Union européenne avec Rabat et qui a même été jusqu’à reconnaître le Polisario comme représentant unique des Sahraouis. Et encore… il y a quelques années, nous étions entrés en conflit ouvert avec la représentante permanente des Etats-Unis à l‘ONU, pour avoir voulu élargir le mandat de la Minurso aux questions de droits de l’Homme… Et, en guise de situation permanente, nous avons à affronter « zanga, zanga » les diplomates algériens, actifs aux quatre coins de la planète pour bloquer nos ventes de phosphate, aux cris de : « Les Marocains exploitent les ressources naturelles d’un territoire contesté ».
Et ainsi donc, voilà Alger qui s’active partout sur la planète pour contrer le Maroc… en achetant une nation bananière en faveur de la République sahraouie, ou en titillant le Maroc sur des questions de droits de l’Homme, ou encore en agitant l’épouvantail de l’exploitation indue de ressources supposées ne pas nous appartenir, ou enfin en activant le Polisario de l’intérieur pour fomenter des troubles sociaux à Laâyoune, Smara ou Dakhla, mobiliser les services de sécurité à cela et faire donner la troupe afin que les Algériens aillent en exciper devant le monde.
Alors, on s’interroge… Quelle valeur a un cessez-le feu, surveillé par l’ONU depuis 1991, si Alger et le Polisario ont fait taire leurs canons dans les sables du désert pour faire donner leur autre artillerie contre Rabat dans tous les aréopages internationaux et les grandes capitales mondiales ?
Et donc, les messages que veut adresser le Maroc à travers son rude bras de fer avec Ban Ki-moon sont d’abord, et en premier, adressés à ce dernier et à son appareil bureaucratique dans le Palais de verre de New York… ils sont ensuite adressés à l’Algérie qui ne semble plus avoir comme politique unique et soutenue que celle de contrer le Maroc où elle peut dans le monde… et les messages sont enfin lancés à destination des grandes puissances du Conseil de Sécurité et à leur tête les Etats-Unis qui sont pratiquement les maîtres du jeu à l’ONU (remarquez bien comment l’Amérique d’Obama n’a fait aucun commentaire sur les propos de Ban Ki-moon ni exprimé la moindre réaction qui aurait indiqué que le Secrétaire général de l’ONU avait fauté en se départissant de sa neutralité).
Nous n’en sommes donc encore qu’aux premières étapes d’une longue bataille, et c’est pour cette raison qu’il faut se préparer et s’armer en vue des périls, des complots et des pressions qui ne manqueront pas de survenir dans cette guerre diplomatique, politique, et peut-être même militaire. La première de ces armes, qu’il faut renforcer et entretenir, est le front intérieur, disposé à lutter, à résister et à se sacrifier pour son Sahara. La seconde arme est notre jeune démocratie qui insuffle de l’énergie et procure de la crédibilité à notre diplomatie, qui en deviendrait plus audible. Il est important de protéger cette (encore) fragile démocratie des petits calculs et des grandes manœuvres qui se font jour à l’approche des échéances électorales. La troisième arme, enfin, est constituée par le front de nos amis à l’extérieur, qu’il faut absolument convaincre de plus et mieux nous soutenir, et particulièrement la France, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis.
Akhbar Alyoum
Commentaires