Le début de la fin du parti de la justice et du développement ?, par Fatiha Daoudi

Le début de la fin du parti de la justice et du développement ?, par Fatiha Daoudi

Ceux qui croient que ce qui arrive actuellement au Parti de la Justice et du Développement (PJD) est inédit, sont soit jeunes soit amnésiques.

En effet, depuis l’indépendance et même bien avant, le Maroc a mis en place un système politique basé sur un multipartisme fragile et une monarchie de plus en plus consolidée. Cette coexistence a toujours été problématique car la monarchie s’est tout de suite positionnée en leader du champ politique même si les partis nationalistes avaient à l’époque un poids non négligeable.

La lutte larvée entre ces deux acteurs s’est tout d’abord faite à fleurets mouchetés pour ensuite devenir franche et même brutale avec l’aide de l’armée(1). Les partis politiques qui osaient se positionner en interlocuteurs et pivots de la vie politique marocaine étaient dynamités de l’intérieur et poussés à des scissions(2) qui les affaiblissaient. Ainsi, l’implosion des partis politiques pouvant peser dans le champ politique, s’est imposée comme une stratégie de fragilisation et de monopole à laquelle s’est rajoutée la création d’autres partis dont la proximité avec le palais ne faisait aucun doute(3).

Le séisme que connait actuellement le PJD est, à son tour, le résultat de cette stratégie qui est devenue un mécanisme politique. Par conséquent, le blocage gouvernemental, la révocation de Benkirane, la nomination d’El Otmani, le déblocage et l’annonce de la composition du futur gouvernement sont des faits qui annoncent le début de la fin du PJD en tant que parti fort, arrivé pour la seconde fois consécutive  en tête des élections législatives du 7 octobre 2017.

Ce parti islamiste, déjà classé premier aux élections de 2012, avait été choisi pour conduire le gouvernement pour un mandat de cinq ans qu’il a partagé avec une coalition hétéroclite qui ne lui a pas facilité le travail. Malgré cela, il a initié des réformes structurelles, mené avec sérieux son mandat et surtout mis de côté la langue de bois, pratique coutumière du champ politique marocain, lui préférant une communication simple et pédagogique avec les Marocains, exercice dans lequel excellait l’ancien chef du gouvernement.

Cette façon de mener les affaires a conduit le parti à la présidence d’un second mandat et l’ancien chef du gouvernement a été chargé de constituer le nouvel exécutif. Six mois de négociations avec les partis politiques dont ceux qui participaient à l’ancien gouvernement n’ont abouti qu’à exacerber la voracité pour les portefeuilles et surtout à mettre au grand jour une différence d’approche due à l’hétérogénéité politique des partis appelés à participer au futur gouvernement.

Ce blocage serait passé inaperçu n’eussent été les nouvelles technologies de l’information et de communication. Les Marocains ont ainsi pu suivre ces péripéties presque en temps réel. L’ancien chef du gouvernement, passé maitre dans la communication, a dénoncé urbi orbi l’inadéquation entre les prétentions partisanes et les scores aux dernières élections.

Ainsi, l’ancien chef du gouvernement a eu le tort de se positionner en leader dans les négociations avec les partis pouvant composer le futur gouvernement, chose à laquelle le palais n’est pas habitué, le leadership politique étant de son exclusivité. Il a aussi eu le tort de communiquer de façon continue sur la première place de son parti et de la « volonté du peuple ».

Le rapport de force entre le secrétaire général du PJD et le palais, qui n’est pas en faveur du premier, a conduit à sa révocation et son remplacement par le deuxième homme du parti. Ce dernier semble accepter les conditions refusées dans un premier temps ce qui pourrait sonner le glas pour son parti car il remet en question son  principe fondateur : la fidélité à ses engagements.

Certes, le palais royal a respecté le choix démocratique en chargeant le deuxième homme du parti arrivé premier aux élections de former le futur gouvernement mais les conditions qui lui sont imposées poseront tôt ou tard le problème de la survie de ce gouvernement.

A imaginer que le but de ce rapport de force est de réduire l’influence des islamistes dans le champ politique marocain, il semble cependant préférable de les contrer dans le domaine où ils excellent, en l’occurrence le maintien d’une relation forte avec la base, des instances de décision animées par des personnes compétentes et dévouées et surtout le travail de proximité, voies que les autres partis politiques existants semblent avoir désertées depuis longtemps.

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1/ Coups d’états de 1971 et celui de 1972

2/ La scission du parti de l’Istiqlal et la création de l’UNFP

3/ Création du FDIC

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